PARIS: Emmanuel Macron a mis en garde jeudi contre un risque de "division" en France "si on gère mal" la situation née du conflit au Proche-Orient, à l'issue d'un échange impromptu avec des jeunes à Paris qui l'ont interpellé notamment sur l'interdiction des manifestations propalestiniennes.
Le chef de l'Etat a eu plusieurs conversations avec des passants lors d'une déambulation sur les quais de la Seine, dont un journaliste de l'AFP a été témoin. Il était tout juste rentré d'Arras, dans le Pas-de-Calais, où il avait assisté dans la matinée aux obsèques de Dominique Bernard, l'enseignant tué le 13 octobre par un jeune islamiste radicalisé.
"Pourquoi on ne peut pas manifester aujourd'hui pour la Palestine ? Ceux qui manifestent, vous pensez qu'on est pro-Hamas!", lui lance un jeune en référence à l'interdiction prise par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin après l'attaque sans précédent lancée le 7 octobre par le mouvement islamiste palestinien contre Israël.
"Je pense qu'il y avait un délai de décence, il y avait eu une attaque terroriste, c'était pas bon", répond le président, à l'écart des caméras, lors d'un échange avec des étudiants en BTS à Gagny, en Seine-Saint-Denis. "Je vois des gens qui veulent manifester de manière pacifique, mais dedans se greffent des éléments hyper radicaux qui vont aller brûler les drapeaux d'Israël, défendre le Hamas", a-t-il ajouté.
Le Conseil d'Etat a depuis recadré la consigne ministérielle en rappelant qu'il ne saurait y avoir d'interdiction systématique de toutes les manifestations propalestiniennes.
"On est tous Françaises et Français, il ne faut pas importer ce conflit", a ensuite déclaré Emmanuel Macron en réponse à des questions du journaliste de l'AFP, reprenant l'appel à l'unité de son allocution de la semaine dernière.
Faisant référence à ses échanges avec ces jeunes, il a noté qu'il y avait "beaucoup de représentations", "une part émotionnelle aussi". "Il y a aussi une sensibilité qui peut aller avec leurs origines, avec leur milieu familial."
"On est un pays, si on gère mal cette situation, ça peut être un élément de division", a-t-il prévenu.
Attal veut des mesures pour «sortir» des écoles les élèves radicalisés
Le ministre de l'Education Gabriel Attal a annoncé jeudi "travailler à des mesures" qui permettent de "sortir" les élèves radicalisés des établissements scolaires, avec ses collègues de la Justice et de l'Intérieur, une semaine après l'attentat qui a coûté la vie à un enseignant à Arras.
"Je vais travailler avec mon collègue de l'Intérieur et mon collègue de la Justice à des mesures qui nous permettent de les sortir de nos établissements scolaires", a-t-il dit sur France 2.
Quand les personnels de l'Education "signalent des élèves qui constituent selon eux, potentiellement une menace (...) en raison de propos qu'ils ont tenus ou d'actes qu'ils ont commis, le principe de protection que je veux appliquer à l'ensemble de nos élèves et de nos personnels fait qu'on doit trouver une autre solution que de les scolariser", a-t-il déclaré.
"On doit penser à des structures spécialisées qui peuvent les accueillir" et "je prendrai toutes les mesures conservatoires d'exclusion" nécessaires, a ajouté le ministre.
«Quand c'est utile»
"On a la plus grande communauté juive (...) en Europe, on a énormément de jeunes qui sont d'origine du Moyen-Orient, du Maghreb ou d'Afrique. On a beaucoup de jeunes aussi qui sont de confession musulmane", a-t-il relevé.
"Il faut expliquer la position de la France, il faut aussi lever parfois des contrevérités, se dire les choses", a insisté le président de la République.
Depuis le 7 octobre, date des tueries à grande échelle commises par le Hamas, la France affirme qu'Israël a le droit de se défendre et même d'"éliminer" le mouvement islamiste, mais dans les limites du droit international, "en préservant les populations civiles".
Interrogé par l'AFP, Emmanuel Macron a aussi refusé de se prononcer sur la responsabilité de l'explosion de mardi dans un hôpital de Gaza, attribuée par le Hamas à Israël, mais imputée par les autorités israéliennes et américaines à une roquette palestinienne du mouvement Djihad islamique.
"Je suis très prudent", "je ne l'ai pas attribuée parce que nous n'avons pas d'informations propres", a-t-il dit. "Le jour où les services français consolideront, avec les services partenaires, des informations sûres, il y aura à ce moment-là une attribution ou des éléments", a-t-il ajouté.
Comme mardi en Albanie, le chef de l'Etat a temporisé sur une éventuelle visite en Israël, où se sont rendus dès cette semaine le président américain Joe Biden, le chancelier allemand Olaf Scholf et le Premier ministre britannique Rishi Sunak.
"Je le ferai quand c'est utile", a-t-il expliqué. "Si je vais dans la région, c'est pour essayer d'apporter une solution utile."