Attaque à Arras: journée d'hommages, minute de silence

Un militaire français de l'opération militaire française en cours « opération Sentinelle » monte la garde devant le lycée Gambetta lors de son évacuation après une alerte à la bombe à Arras, dans le nord-est de la France, le 16 octobre 2023, trois jours après la mort d'un enseignant lors d'une attaque au couteau au lycée Gambetta. (Photo, AFP)
Un militaire français de l'opération militaire française en cours « opération Sentinelle » monte la garde devant le lycée Gambetta lors de son évacuation après une alerte à la bombe à Arras, dans le nord-est de la France, le 16 octobre 2023, trois jours après la mort d'un enseignant lors d'une attaque au couteau au lycée Gambetta. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 16 octobre 2023

Attaque à Arras: journée d'hommages, minute de silence

  • Au collège-lycée d'Arras où le professeur de lettres Dominique Bernard a été poignardé à mort vendredi, plusieurs dizaines d'élèves et d'enseignants ont quitté l'établissement vers 10H30, après un appel téléphonique signalant un objet explosif
  • Trois ans après l'assassinat de Samuel Paty, qui avait suscité une émotion considérable dans tout le pays, l'attentat d'Arras a de nouveau jeté l'effroi, en particulier chez les enseignants

PARIS: Elèves et enseignants ont observé lundi à 14H00 une minute de silence dans tous les collèges et lycées de France, en hommage au professeur poignardé à mort par un ancien élève radicalisé à Arras, et trois ans jour pour jour après l'assassinat de Samuel Paty.

Cette minute de silence est "en mémoire des victimes des attentats commis contre notre école", avait indiqué précédemment le ministre de l'Education Gabriel Attal, qui avait également prévenu qu'"aucune contestation" ni "aucune provocation" ne serait "tolérée".

Dans les écoles primaires, ce temps d'hommage a pu prendre "d'autres formes" que la minute de silence.

Au collège-lycée d'Arras où le professeur de lettres Dominique Bernard a été poignardé à mort vendredi, plusieurs dizaines d'élèves et d'enseignants ont quitté l'établissement vers 10H30, après un appel téléphonique signalant un objet explosif, selon une source proche du dossier.

Il s'agit de "la 168e alerte à la bombe qui est adressée à nos établissements scolaires depuis la rentrée. C'est absolument inadmissible et inacceptable", a déclaré Gabriel Attal lors d'une visite au collège Charlemagne, à Paris.

Dans tous les collèges et lycées du pays, les enseignants se sont retrouvés dès 08H00 pour réfléchir et discuter. Les cours n'ont démarré qu'à 10H00.

Nouvelle réunion de sécurité

Pour la minute de silence, Gabriel Attal était aux côtés de la Première ministre Elisabeth Borne à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), au collège où enseignait Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie lui aussi assassiné dans un attentat islamiste il y a trois ans jour pour jour, le 16 octobre 2020, et à qui la journée est aussi dédiée.

"Trois ans plus tard, la douleur est encore forte. Trois ans plus tard, la barbarie et l’obscurantisme ont à nouveau frappé" mais "jamais la barbarie ne l’emportera face aux savoirs, jamais la République ne pliera face au terrorisme", a déclaré Mme Borne.

"Nous devons rester unis et construire la paix, l’école est un sanctuaire", a déclaré de son côté Brigitte Macron, à l’issue de l'édition 2023 de la dictée d'ELA, l'association européenne contre les leucodystrophies.

Trois jours après l'attaque d'Arras, Emmanuel Macron a promis que l'école resterait un "rempart contre l’obscurantisme" et "un sanctuaire pour nos élèves et pour tous ceux qui y travaillent", dans un message sur X (ex-Twitter) adressé aux "professeurs, chefs d'établissements, personnels de l'Education nationale et des collectivités territoriales" et aux "élèves de France".

Le chef de l'Etat, qui a présidé à la mi-journée une nouvelle réunion de sécurité, affiche sa détermination contre les porteurs de "haine". Il veut que les préfets passent au peigne fin le fichier des personnes radicalisées susceptibles d'être expulsées de France, pour s'assurer qu'il n'y ait pas eu "d'oubli" dans l'examen des procédures.

Les personnes "ayant fait preuve de bravoure" lors de l'attaque d'Arras seront décorées, a appris l’AFP auprès de l’Elysée confirmant une information d’Europe 1.

De nombreuses communes organisent elles aussi des rassemblements. L'intersyndicale éducation d’Ile-de-France a appelé à un rassemblement à Paris, Place de la République à 18H00.

Yeux rougis et rose blanche

A Arras, plusieurs milliers de personnes ont déjà honoré dimanche le professeur de français. Lundi matin, beaucoup d'élèves se sont encore retrouvés devant la cité scolaire, les yeux rougis pour certains, une rose blanche dans la main, a constaté l'AFP.

Trois ans après l'assassinat de Samuel Paty, qui avait suscité une émotion considérable dans tout le pays, l'attentat d'Arras a de nouveau jeté l'effroi, en particulier chez les enseignants, dont certains appréhendent le retour en classe.

"C’est encore un collègue qui est tué, c’est très dur. C’était très important pour nous de se retrouver avant que les cours ne reprennent et avant la minute de silence, qui sera émouvante", témoignait auprès de l’AFP Vincent Magne, professeur d'histoire et de lettres en lycée professionnel à Troyes.

"Ça fait deux fois que les profs sont touchés. J'ai senti les enseignants très choqués, ébranlés", a témoigné auprès de l'AFP Carole Zerbib, proviseure d'un lycée parisien.

Le gouvernement a renforcé la sécurité autour de tous les établissements scolaires. Gabriel Attal réunira prochainement "l'ensemble des collectivités locales" pour discuter "sans tabou" de la sécurité.

La France a été placée vendredi en alerte "urgence attentat", avec 7 000 soldats déployés sur le territoire. Depuis son arrestation, l'assaillant d'Arras, Mohammed Mogouchkov, qui a crié "Allah Akbar" selon des témoins, "ne s'est pas exprimé", selon une source policière. Huit autres personnes étaient encore en garde à vue dimanche.


Un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue à Rouen tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
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  • Les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", a indiqué une source policière
  • "L'homme était armé d'un couteau et d'une barre de fer, il s'est approché des policiers qui ont tiré, l'individu est décédé", a précisé à l'AFP une source proche du dossier

PARIS: Un homme armé qui tentait vendredi matin de mettre le feu à une synagogue à Rouen, dans le nord-ouest de la France, a été tué par la police, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", a indiqué une source policière.

"L'homme était armé d'un couteau et d'une barre de fer, il s'est approché des policiers qui ont tiré, l'individu est décédé", a précisé à l'AFP une source proche du dossier.

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X.


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.


Les députés érigent l'agriculture en « intérêt général majeur »

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  • "La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux"
  • L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein

PARIS: Les députés ont approuvé jeudi un article du projet de loi agricole qui prévoit de conférer à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", une innovation juridique censée répondre à une demande des agriculteurs, mais dont les oppositions contestent la portée.

"La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux", énonce cet article-clé du projet de loi.

L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein. "Sur le plan juridique, ça positionne l'agriculture en équilibre avec l'environnement", avait approuvé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole.

"Cela va venir produire, sur le long terme, des effets dans la manière dont vont pouvoir être pondérés différents objectifs de politiques publiques, et dans la manière dont, sur le terrain, des projets agricoles pourront être évalués, réalisés et développés", a affirmé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Plusieurs députés -- à l'instar de juristes --, doutent cependant de sa portée.

La mesure "crée le fantasme d'une remise en cause de la charte de l'environnement" et "donne l'illusion au monde paysan qu'on a répondu de façon démagogique à toutes ces attentes d'être au-dessus du reste des normes, du droit", a fustigé Dominique Potier (PS).

Nicole Le Peih, rapporteure Renaissance, a admis qu'il s'agissait d'une "innovation juridique" qui ne "modifie pas la hiérarchie des normes".

"Il n'y a pas de remise en cause du principe constitutionnel de la protection de l'environnement" mais "lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires, l'agriculture fera désormais l'objet d'une attention spécifique", a-t-elle soutenu.

« Intentions »

L'article propose également une longue définition de la souveraineté alimentaire et agricole de la France, reposant notamment sur sa capacité à "produire, transformer et distribuer" les produits nécessaires à "une alimentation suffisante, saine (et) sûre".

Il pose aussi le principe "d'ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans d'une programmation pluriannuelle de l'agriculture".

Le reste consiste surtout en une longue liste de bonnes pratiques que les politiques publiques sont censées suivre pour assurer cette "souveraineté alimentaire".

L'article a surtout permis à chaque groupe de faire valoir sa vision de l'agriculture, et au camp présidentiel de jouer la carte de la co-construction.

Il a intégré certains objectifs proposés par Les Républicains (justifier et évaluer les surtranspositions avant de les mettre en place, valoriser les agricultrices) ou la gauche (améliorer les conditions de travail des agriculteurs, développer la prévention sanitaire).

Mais l'article "n'a aucune valeur normative" et n'apporte "aucune contrainte", a déploré Sébastien Jumel (PCF). Aurélie Trouvé (LFI), a dénoncé l'absence de mesures pour des "prix planchers".

"C'est caricatural", a rétorqué Henri Alfandari (Horizons), estimant que les agriculteurs demandaient aussi de la clarté sur leurs missions. L'article pose des "intentions qui encouragent", pour Julien Dive (LR).

Les députés RN ont eux fustigé le manque de soutien à leurs amendements.

Les règles de la procédure parlementaire ont aussi donné lieu à une fin de séance kafkaïenne, les députés passant près d'une heure et demie à voter ou rejeter près de 560 amendements, dont certains avaient été débattus de nombreuses heures auparavant.

"C'était complètement dingue", soupirait une députée en sortant, mi-amusée, mi-fatiguée.