SDEROT: Trois autobus d'une cinquantaine de personnes chacun, rassemblés devant une école du centre de Sdérot, sont prêts à partir. Les habitants de la ville israélienne, durement touchée par l'attaque du Hamas le 7 octobre, ont été vivement invités, dimanche, à évacuer.
Ils prennent la route sous les alertes incessantes de tirs de roquettes depuis la bande de Gaza adjacente. Destination: les hôtels d'Eilat, au bord de la mer Rouge, dans l'extrême sud du pays, de Jérusalem et de Tel-Aviv.
Mordechai Barsheshet, 57 ans, dit s'être résigné à être évacué vers Eilat après avoir tenté de "résister" pendant une semaine.
"Rester, ça faisait peur. Les jours et les nuits se ressemblent, des qassam (roquettes), des explosions", dit-il à l'AFP. "On dort une heure, on se cache dans l'abri (anti-roquettes), on ne peut pas se doucher, se raser".
La ville de Sdérot, 30 000 habitants, est la cible depuis des années des tirs de roquettes depuis la bande de Gaza, territoire palestinien contrôlé par les islamistes du Hamas et sous blocus israélien depuis 2007. Le 7 octobre, comme d'autres localités israéliennes limitrophes de Gaza, elle a été le théâtre d'infiltrations par des hommes armés du Hamas qui y ont tué des dizaines de civils dans les rues, les abris d'autobus, et jusqu'à l'intérieur des maisons.
Des Israéliens ont également été pris en otage et leurs familles sont sans nouvelles.
Dimanche matin, dans les rues désertes, seuls quelques policiers sont visibles. Des restes de nourriture sont éparpillés dans la cuisine dévastée d'une maison qui vient d'être éventrée par une roquette, a constaté une équipe de l'AFP.
Les familles des otages israéliens dans la défiance et l'autogestion
La colère des familles des otages israéliens monte après le rapt de dizaines de personnes par le Hamas palestinien et l'absence de toute information sur leur sort ou de canal officiel de négociation.
Après une semaine de flou, le gouvernement a recensé 120 otages, civils et soldats, israéliens ou étrangers. Ils pourraient au total être 150, adultes, enfants et nourrissons emmenés dans le territoire palestinien sans savoir s'ils sont vivants ou morts.
Avec parfois une preuve de vie sous forme de vidéo, d'un bornage téléphonique, ces familles en appellent à "toute personne, organisation, pays" pouvant les aider à faire libérer leurs proches.
"Ce sont des civils innocents. Ils ont des droits. La pression doit être mise sur la Turquie, l'Egypte pour que la Croix-Rouge puisse leur rendre visite", a plaidé samedi lors d'une conférence de presse Yfrat Zailer, la tante de Kfir (9 mois) et Ariel (4 ans) Bibes, kidnappés samedi avec leur mère Shiri.
"Nous devons les ramener en vie à la maison. Ils ont été kidnappés en vie, ils doivent le rester", a-t-elle martelé en pleurs devant les caméras.
Au moins cinq Israéliens et quatre étrangers otages du Hamas à Gaza ont été tués par des frappes israéliennes au cours des dernières 24 heures, et 22 depuis samedi dernier, a affirmé samedi la branche militaire du Hamas, sans que cela ne soit confirmé par une autre source.
L'armée, lors d'une incursion, a localisé des "cadavres" de certains d'entre eux, a-t-elle annoncé samedi.
Pour le moment, Israël n'a évoqué aucun canal de négociation, mais a désigné "un référent" pour les familles, Gal Hirsch, un général déchu embourbé dans une affaire de corruption, dont la nomination a été décriée.
"Nous ne négocions pas avec un ennemi que nous avons promis d'éradiquer de la surface de la terre", a déclaré samedi le conseiller à la sécurité nationale du gouvernement israélien, Tzachi Hanegbi.
«Des pleurs, la peur»
La mairie de Sdérot a indiqué que l'évacuation n'était pas obligatoire mais fortement recommandée face à l'imminence d'une offensive terrestre dans la bande de Gaza annoncée par l'armée israélienne, qui a juré d'"anéantir" le mouvement islamiste.
Sdérot est la première ville à être évacuée lors d'une opération financée par le gouvernement, huit jours après l'attaque. Selon les médias israéliens, plus de la moitié des habitants ont déjà quitté la ville dans les jours qui ont suivi le 7 octobre.
"Nous allons à Eilat, nous reviendrons le plus tôt possible, Sdérot c'est chez nous. C'est dur, c'est des pleurs, la peur à chaque alerte, il faut partir, c'est mieux pour les enfants", dit Helen Afteker, 50 ans, avant de monter à bord d'un des autobus.
Shmirit Edri a accouché il y a trois jours à l'hôpital d'Ashkelon, à une trentaine de kilomètres de Sdérot, où elle laisse sa fille née prématurée en soins intensifs avec son mari.
"J'amène les trois autres enfants dans le sud en sécurité. Je reviens à l'hôpital, et on va alterner", explique-t-elle.
Au moins 1 300 Israéliens, pour la plupart des civils, ont été tués depuis l'attaque lancée par le Hamas, qui a traumatisé Israël où elle est comparée aux attentats du 11 septembre 2001.
L'Etat israélien a en outre recensé 126 otages, après avoir estimé qu'il y en avait 150, que le Hamas a menacé d'exécuter.
Le mouvement islamiste palestinien a fait état de 22 otages tués dans des frappes israéliennes.
Plus de 2 300 personnes, dont plus de 700 enfants, selon les autorités locales, ont été tuées dans les frappes israéliennes de représailles sur la bande de Gaza, un petit territoire pauvre de 2,4 millions d'habitants et en état de siège coincé entre Israël et l'Egypte.