PARIS : L'onde de choc provoquée par la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas se fait ressentir bien au-delà du Proche-Orient, et notamment en Europe, où le risque d'importation du conflit et de tensions intercommunautaires est pris au sérieux.
«Dans de nombreux pays à travers le monde, il y a (...) eu une prolifération des discours de haines antisémites et islamophobes», a déploré vendredi la porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, Ravina Shamdasani.
C'est notamment le cas en France, où le ministère de l'Intérieur a recensé jeudi «plus d'une centaine d'actes antisémites», allant des tags aux injures, depuis samedi et annoncé 41 interpellations.
Quelque 500 sites (écoles, synagogues...) sont désormais protégés par 10.000 policiers et gendarmes.
Le pays est de longue date une caisse de résonance du conflit israélo-palestinien: il compte la communauté juive la plus importante d'Europe, avec quelque 500.000 personnes, mais aussi de nombreux musulmans - près de 9% de la population de confession ou de tradition musulmane sur son territoire métropolitain, soit quelque six millions.
Une semaine après l'attaque sanglante menée samedi par le Hamas, des milliers d'habitants tentaient de fuir la bande de Gaza, noyée sous les frappes israéliennes avant une offensive terrestre attendue sur le territoire palestinien.
«Le risque majeur c'est que s'enclenche une dynamique de tensions croissantes qui nourrisse les ressentiments», affirme à l'AFP le président de l'institut de sondages Viavoice François Miquet-Marty.
Pour Marc Hecker, directeur de recherche à l'Institut français des relations internationales (Ifri), «le risque de résurgence des actes antisémites existe», tout comme le risque «terroriste».
Depuis le début des hostilités, plus de 1.300 personnes ont été tuées en Israël, pour la plupart des civils. Côté palestinien, le bilan des bombardements s'est alourdi vendredi à 1.537 morts, dont 500 enfants, d'après les autorités locales.
Le gouvernement français a pris des mesures particulièrement fermes, en interdisant toutes les «manifestations propalestiniennes», estimant qu'elles étaient «susceptibles de générer des troubles à l'ordre public».
Des rassemblement propalestiniens ont toutefois eu lieu jeudi soir dans plusieurs villes, dont Paris où environ 3.000 personnes se sont réunies, avant une dispersion sous les gaz lacrymogènes et les jets d'eau.
- 'Beaucoup de gens ont peur' -
Ailleurs en Europe, où la plupart des gouvernements ont apporté un soutien sans faille à Israël, d'autres mouvements ont eu lieu en Espagne, au Royaume-Uni, en Suisse, en Allemagne ou en Autriche, signe que le conflit reste source de clivages importants au sein des sociétés européennes.
A Zurich, une manifestation étudiante n'a toutefois pu se tenir, l'Université suisse UZH et l'Ecole polytechnique fédérale considérant les affiches appelant à la «Solidarité avec la Palestine - Intifada jusqu'à la victoire» comme des appels à la violence.
Les autorités britanniques ont autorisé les manifestations et le port du drapeau palestinien «qui ne constitue pas en soi une infraction pénale», mais ont prévenu qu'elles ne toléreraient aucune «glorification du terrorisme».
Une jeune femme a d'ailleurs été arrêtée à Brighton pour avoir ouvertement affiché son soutien au Hamas dans le pays.
Des dérapages ont aussi été signalés en Allemagne, où la police a fait état de personnes «célébrant les attaques contre Israël en distribuant des pâtisseries», dans le quartier de Neukölln, à Berlin, avant d'interdire les activités de certaines associations.
Dans les communautés juives, l'inquiétude est réelle. Outre la France, de nombreux pays comme les Pays-Bas ou l'Espagne ont augmenté la présence policière pour protéger les synagogues ou les établissements scolaires.
Trois écoles d'Amsterdam ont quand-même fermé leurs portes vendredi «en raison de l'appel de l'organisation terroriste Hamas (...) à tuer des juifs partout dans le monde», a annoncé le Conseil central juif des Pays-Bas (CJO) dans un communiqué.
En France, un attentat au couteau qui a fait un mort, un enseignant, vendredi dans un lycée du nord, alimente les spéculations, même si aucun lien n'a été établi à ce stade avec le conflit israélo-palestinien.
«Dès l’instant où Israël va occuper Gaza, c’est là que ça va flamber», s'inquiétait également Nessod Azencot, un retraité croisé devant un magasin Hypercacher de l'est de Paris.