PARIS: La cour d'appel de Paris a condamné mercredi Uber France à indemniser 149 chauffeurs de taxi à près de 850 000 euros au total, face à des actes de "concurrence déloyale" liés à l'activité de son ancienne offre Uberpop.
L'offre UberPop, que l'entreprise américaine avait développée en France entre février 2014 et juillet 2015, permettait de mettre en relation des clients avec des particuliers au volant de leur véhicule personnel. Ces derniers pouvaient ainsi exercer "une activité rémunérée d'appoint" sans avoir à "respecter la réglementation alors en vigueur du transport particulier de personnes à titre onéreux", a rappelé la cour d'appel dans un communiqué de presse.
"La Cour a retenu que l’offre UberPop, par le biais de l’application mobile Uber (...), caractérisait des actes de concurrence déloyale à l’égard des chauffeurs de taxi respectant eux-mêmes la réglementation pour la même activité", est-il indiqué dans le communiqué.
Le "trouble commercial occasionné par le service illicite UberPop s’est traduit par une rupture d’égalité entre concurrents (...) permettant au groupe Uber (...) de construire son modèle de développement économique à partir d’un avantage concurrentiel illicite en s’affranchissant de la réglementation", a détaillé la cour d'appel.
Dans son arrêt que l'AFP a pu consulter, la cour condamne ainsi Uber France à verser à chacun des 149 plaignants 1 500 euros de dommages intérêts au titre de leur préjudice moral, contre 500 euros en première instance en novembre 2021.
Alors qu'ils n'avaient rien obtenu en première instance pour leur préjudice économique, les 149 taxis seront aussi indemnisés à ce titre au cas par cas pour des montants allant d'environ 1 400 euros à plus de 16 000 euros.
"C'est la première fois que le préjudice des taxis est intégralement réparé dans une affaire", la justice se contentant d'habitude d'indemniser uniquement le préjudice moral, s'est félicité auprès de l'AFP l'avocat des plaignants Jonathan Bellaiche, chiffrant le montant total des indemnisations à "presque 850.000 euros".
"Contre un géant comme Uber, il ne faut rien lâcher", martèle l'avocat, qui estime que la plateforme a mis en place de nombreuses stratégies judiciaires "pour que les gens abandonnent", faisant traîner une procédure entamée en 2017. Les 149 taxis "n'y croyaient plus", a affirmé Me Bellaiche, mais ils "sont aujourd'hui heureux et reconnaissants envers la justice".
"Ce cas concerne le service UberPop, qui a été suspendu en France en 2015. Aujourd’hui, l’application permet à plusieurs dizaines de milliers de chauffeurs VTC professionnels", qui passent le même examen que les chauffeurs de taxi, "de réaliser leur activité", a réagi une porte-parole d'Uber.
Dans un communiqué, l'entreprise a insisté sur le fait que les indemnisations auxquelles l'a condamné la cour d'appel étaient d'un montant "largement inférieur" à ce que les taxis réclamaient initialement.
Mais elle souligne surtout que cette affaire relève d'une autre époque dans sa relation avec les taxis: "aujourd’hui, Uber opère également ses services avec des taxis", affirme-t-elle dans son communiqué, revendiquant 2 500 professionnels "réunis au sein de l’option Uber Taxi", pour "compléter leurs revenus" en passant "moins de temps à chercher des passagers".
En septembre 2021, une autre condamnation au civil avait forcé Uber à indemniser plus de 900 chauffeurs de taxi à hauteur de 200 euros chacun.
L'offre UberPop a été active jusqu'au lendemain du placement en garde à vue de deux dirigeants de Uber France. Ceux-ci ont été condamnés en janvier 2022, ainsi qu'Uber France, pour pratique commerciale trompeuse et complicité d'exercice illégal de l'activité de taxi.