BRUXELLES : Les négociations post-Brexit entre l'Union européenne et le Royaume-Uni devraient se poursuivre lundi après un week-end centré sur l'épineuse question de la pêche, qui bloque toute perspective d'accord à onze jours seulement de la rupture définitive.
«Les pourparlers restent difficiles et des différences importantes subsistent. Nous continuons d'explorer toutes les pistes pour parvenir à un accord», a commenté une source britannique dimanche soir.
Une source européenne a confirmé «s'attendre» à ce que les discussions reprennent lundi, signe que dans ce long bras de fer, personne n'entend jeter l'éponge en premier, pour ne pas porter la lourde responsabilité d'un échec
Sans surprise, la date-butoir du Parlement européen, qui attendait un texte avant «dimanche minuit», va être dépassée, comme bien d'autres auparavant dans la saga du Brexit, tant l'enjeu politique et économique est important.
L'objectif des eurodéputés était de bénéficier d'un minimum de temps pour examiner et ratifier un hypothétique traité, afin qu'il entre en vigueur le 1er janvier.
Un accord conclu in extremis pourrait encore entrer en vigueur provisoirement, avec une ratification a posteriori du Parlement européen. Mais selon plusieurs sources européennes, un tel cas de figure n'est techniquement possible que si un compromis est trouvé avant Noël, sans quoi un «no deal», au moins pour quelques jours, apparaît inévitable.
Brexit au second plan
La journée de dimanche a été marquée par une nouvelle rencontre entre le négociateur britannique David Frost et son homologue européen Michel Barnier.
«Nous respectons la souveraineté du Royaume-Uni. Et nous attendons la même chose» des Britanniques, a ensuite souligné le Français dans un tweet, évoquant un «moment crucial des négociations».
Ces interminables pourparlers se poursuivent à Bruxelles au moment où la pandémie de coronavirus accapare l'attention du gouvernement britannique qui a annoncé le reconfinement de Londres et du sud-est de l'Angleterre face à une envolée des contaminations attribuée à une nouvelle souche.
Plusieurs pays européens, dont la Belgique, où ont lieu les discussions, ont annoncé la suspension des vols et des trains en provenance du Royaume-Uni. L'UE prévoit lundi une réunion de crise sur le sujet, faisant presque passer le Brexit au second rang de ses priorités.
Un accord commercial doit être trouvé avant que le Royaume-Uni -- qui a officiellement quitté l'UE le 31 janvier dernier -- ne sorte du marché unique européen et de l'union douanière le 31 décembre à 23H00 GMT.
Dans le cas contraire, les échanges entre l'UE et Londres se feront selon les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane et de quotas, avec de lourdes conséquences pour des économies déjà secouées par la pandémie.
Les Européens conditionnent l'accès britannique sans droit de douane ni quota à leur immense marché au règlement de la question de la pêche, c'est-à-dire les conditions d'accès de leurs pêcheurs aux eaux du Royaume-Uni.
Compenser les pertes
Le sujet revêt une importance politique et sociale majeure pour certains Etats membres, France et Pays-Bas en tête, malgré son faible poids économique. De l'autre côté de la Manche, le contrôle des eaux symbolise une souveraineté britannique retrouvée grâce au Brexit.
Les tractations se concentrent sur le partage des quelque 650 millions d'euros de produits pêchés chaque année par l'UE dans les eaux britanniques et la durée de la période d'adaptation pour les pêcheurs européens. Pour les Britanniques, les produits de pêche dans les eaux européennes représentent environ 110 millions d'euros.
Bruxelles proposerait de renoncer à environ 20% des 650 millions à l'issue d'une période de transition de sept ans, Londres en revendiquant 60% sur une période de 3 ans, selon des sources européennes.
Au-delà de cette transition, l'UE veut pouvoir taxer certains produits britanniques, en particulier ceux de la pêche, pour compenser toute perte pour ses pêcheurs.
Sur les deux autres sujets difficiles -- la manière de régler les différends et les mesures de protection contre toute concurrence déloyale -- les positions se sont en revanche rapprochées cette dernière semaine, même si la discussion reste ouverte.
Les Européens réclament des garanties à Londres pour protéger leur immense marché d'un risque de dumping en matière d'environnement, de droit du travail ou de fiscalité.
Ils veulent aussi s'assurer que le Royaume-Uni ne subventionnera pas son économie à tout-va, un point sur lequel les deux parties peinent à sceller un compromis.