KIEV: Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne se sont retrouvés lundi à Kiev pour une "réunion historique" visant à tracer les lignes d'un "soutien durable" à l'Ukraine, confrontée à l'invasion russe et qui ambitionne d'intégrer l'UE.
Face à une contre-offensive ukrainienne lente et les craintes d'une baisse du soutien occidental à l'Ukraine, il s'agit aussi de montrer à la Russie qu'elle "ne doit pas compter" sur la "lassitude" de l'Union européenne, a expliqué la ministre française Catherine Colonna.
Quelques heures plus tôt, le Kremlin s'était dit persuadé que la "lassitude" allait "s'accroître dans différents pays".
Le président russe Vladimir "Poutine se trompe s'il pense qu'il va tenir plus longtemps que nous", a répliqué une porte-parole de la Maison Blanche.
Le chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell a salué, sur le réseau social X, "cette réunion historique" - la première de tous les 27 pays membres en dehors de l'UE - en Ukraine, "pays candidat et futur membre".
M. Borrell a cependant précisé qu'il s'agissait d'une rencontre "informelle" qui "n'a pas pour but d'aboutir à des conclusions et à des décisions concrètes".
S'exprimant devant les 24 ministres -- ceux de la Pologne, de la Hongrie et de la Lettonie étant absents pour diverses raisons --, le président Volodymyr Zelensky a estimé que la victoire de l'Ukraine "dépend directement" de la coopération entre Kiev et ses alliés occidentaux.
"Je suis sûr que l'Ukraine et tout le monde libre sont capables de vaincre dans cet affrontement" avec la Russie, a-t-il lancé, demandant notamment aux Européens de nouvelles sanctions contre l'Iran, qui fournit des drones à Moscou, et d'autoriser le reversement d'actifs gelés russes pour financer la reconstruction.
«Protection hivernale»
En recevant ses homologues, Dmytro Kouleba a salué la tenue de la réunion à Kiev, soit "à l'intérieur des futures frontières de l'Union européenne", selon lui.
L'Ukraine ambitionne depuis des années d'intégrer l'UE et s'est vu accorder en juin 2022 le statut de candidat à l'adhésion, mais pour passer à l'étape suivante, Kiev doit encore faire des progrès notamment dans la lutte anti-corruption.
La réunion de lundi à Kiev est un "geste diplomatique exceptionnel", a souligné Mme Colonna, qui a expliqué que l'UE veut témoigner de son "soutien résolu" et "durable" à l'Ukraine "jusqu'à ce qu'elle puisse l'emporter" face à Moscou.
Il s'agit de montrer "que l'Ukraine fait partie de la famille européenne" et de "donner aussi à la Russie le message qu'elle ne doit pas compter sur notre lassitude", a souligné Mme Colonna. "Nous serons là pour longtemps", a-t-elle promis.
La ministre allemande, Annalena Baerbock, a elle demandé la mise en place d'un "plan de protection hivernal" pour permettre à l'Ukraine de faire face aux bombardements de ses infrastructures énergétiques, comme lors de l'année dernière.
Cette rencontre se tient au moment où des craintes émergent quant à la pérennité du soutien occidental à l'Ukraine, qui dépend des livraisons d'armes et de l'aide financière des Européens et des Etats-Unis.
Moscou «consacre énormément de moyens» à diviser les alliés de Kiev
La Russie "consacre énormément de moyens" à créer des divisions chez les alliés de Kiev, a estimé lundi le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba.
"Le plus grand espoir de (Vladimir) Poutine est précisément que l'Occident et le monde se lassent de se ranger au côté de l'Ukraine dans cette guerre. La Russie y consacre énormément de moyens", a-t-il dit lors d'une conférence de presse avec le chef de la diplomatie de l'Union européenne Josep Borrell.
"N'entrons pas dans son jeu", a-t-il ajouté.
Dmytro Kouleba a jugé que la visite des ministres des Affaires étrangères des pays de l'Union européenne, réunis exceptionnellement à Kiev lundi, était "davantage qu'un symbole".
"Il s'agit d'un outil concret pour réfuter ce soit-disant manque d'unité", s'est-il félicité.
«Lassitude»
A Washington, un accord d'urgence conclu par le Sénat ce weekend pour éviter une paralysie de l'administration fédérale a laissé de côté du budget l'aide à l'Ukraine, qui devra faire l'objet d'un projet de loi distinct.
Le président américain Joe Biden a ensuite promis que les Etats-Unis "n'abandonneraient pas" l'Ukraine, et Kiev a annoncé "travailler" avec son principal soutien militaire et financier pour que cette situation "n'empêche pas le flot de l'aide".
Si le Kremlin a estimé lundi que Washington "continuera à s'impliquer dans ce conflit", il a dit s'attendre à ce que "la lassitude du soutien complètement absurde au régime de Kiev va s'accroître dans différents pays".
En Europe, la Slovaquie a porté en tête des législatives samedi un parti populiste qui s'oppose à la poursuite de l'aide à l'Ukraine. Kiev a sobrement dit lundi "respecter le choix du peuple slovaque" et jugé qu'il était trop tôt pour prédire les conséquences.
Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères hongrois -- dont le pays est resté le plus proche de Moscou dans l'UE -- ainsi que ses confrères polonais et letton n'ont pas assisté à la réunion à Kiev, a indiqué à l'AFP un haut responsable du gouvernement ukrainien sous le couvert de l'anonymat. Les diplomates polonais et letton sont malades, a-t-il ajouté.
Autre source d'aide pour l'Ukraine, une mission du Fonds monétaire international (FMI), la première en trois ans, s'est rendue à Kiev pour discuter d'un programme de 15,6 milliards de dollars, a annoncé le Premier ministre Denys Chmygal.