LA VALETTE, Malte : Les dirigeants des neuf pays méditerranéens de l'Union européenne (UE), réunis vendredi à Malte pour accorder leurs positions sur l'immigration, ont manifesté une "volonté" d'action, a estimé Giorgia Meloni, qui a toutefois fait monter les enchères en brandissant de nouvelles réserves sur le rôle des ONG.
"Je vois certainement une volonté" d'avancer de concert, a déclaré la Première ministre italienne à la presse à La Valette, appelant les Européens à "traduire ces belles idées en actes concrets le plus rapidement possible". Elle a affirmé que la politique pour accélérer l'expulsion des immigrés clandestins devait être "gérée au niveau européen pour être vraiment efficace".
Giorgia Meloni, à la tête d'un gouvernement de droite et d'extrême droite, s'est entretenue en marge de ce sommet du Med9 avec le chef de l'Etat français Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Au cœur de cette rencontre à trois, selon la délégation française, "la mise en œuvre du plan en dix points" présenté mi-septembre par la présidente de la Commission pour aider l'Italie, confrontée à un afflux record de migrants à Lampedusa.
Après plus d'une semaine d'accalmie liée au mauvais temps, des arrivées de migrants par la mer ont repris vendredi sur l'île italienne.
Entre juin et août, au moins 990 personnes ont fait naufrage en Méditerranée centrale -partis d'Afrique du Nord et de Turquie pour atteindre l'Italie et,dans une bien moindre mesure, Malte, le plus souvent en transitant par la Libye-, soit trois fois plus que pendant l'été précédent, selon un décompte publié vendredi par l'Unicef, qui a déploré la transformation de cette mer en "cimetière pour les enfants et leur avenir".
Quelque 11 600 "mineurs non accompagnés" ont tenté de se rendre en Italie entre janvier et mi-septembre à bord d'embarcations de fortune, soit 60% de plus que sur la même période de 2022, a précisé à l'AFP l'agence de l'ONU pour l'enfance.
Emmanuel Macron, qui se revendique progressiste et pro-européen, et Giorgia Meloni, à la tête d'une formation postfasciste et élue il y a un an sur un programme aux accents nationalistes, s'étaient déjà entretenus mardi à Rome et portent désormais une "vision partagée de la gestion de la question migratoire", selon Paris.
«Message clair»
Loin des tensions bilatérales passées. Et loin aussi de la "réponse simpliste et nationaliste" qu'Emmanuel Macron a attribuée dimanche, sans le nommer, au chef de la Ligue Matteo Salvini, pilier de la coalition gouvernementale italienne mais aussi allié de la figure de proue de l'extrême droite française Marine Le Pen.
Avec cette entente de raison, la France espère aussi que le Med9 et ses membres du sud de l'Europe souvent en première ligne, adresseront un "message clair" sur le fait que la réponse est à chercher au "niveau européen", avant des rendez-vous cruciaux de l'UE, à Grenade en Espagne dans une semaine, puis à Bruxelles fin octobre et en décembre. Le sommet réunit aussi Croatie, Chypre, Espagne, Grèce, Malte, Portugal et Slovénie.
L'Allemagne a donné jeudi à Bruxelles son feu vert à un volet-clé du pacte migratoire européen. Mais les négociations sur cette réforme du système d'asile des Vingt-Sept restent ardues: Rome a émis des réserves sur une modification voulue par Berlin, et Giorgia Meloni a réclamé en retour que les ONG secourant les migrants en Méditerranée les fassent débarquer dans les pays dont leurs bateaux battent pavillon.
Malte, située entre les côtes italiennes et l'Afrique du Nord, a aussi organisé une discussion sur les relations avec les voisins de la "rive Sud" de la mer Méditerranée, parmi lesquels la Tunisie et la Libye, pays de transit migratoire dont les Européens attendent davantage d'efforts pour endiguer les traversées.
Emmanuel Macron et Giorgia Meloni -confrontée depuis janvier à un nombre d'arrivées en forte hausse par rapport à 2022 malgré ses promesses de fermeté-, plaident tous deux pour une collaboration plus étroite avec la Tunisie, malgré les craintes des défenseurs des droits humains quant aux pratiques de ce pays du Maghreb.
Tunis "donne des signaux de collaboration très importants", a estimé la cheffe du gouvernement italien, qui espère reproduire ce type de "partenariats" avec les autres États d'Afrique du Nord.
L'UE est accusée, notamment par des ONG de secours aux migrants, d'être complice d'actions illégales de la Tunisie et de la Libye, qui interceptent des embarcations et les contraignent à revenir en arrière. L'une d'elles, Sea Watch, a affirmé vendredi sur X (ex Twitter) que son avion de surveillance avait vu un bateau des garde-côtes libyens éperonner une embarcation transportant une cinquantaine de migrants avant de forcer ces derniers à retourner vers la Libye.