PARIS: L'ambassadeur de France au Niger Sylvain Itté, poussé au départ par les militaires au pouvoir, est rentré mercredi à Paris au terme d'un long bras de fer entre les deux pays, a annoncé le ministère des Affaires étrangères français.
La cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, "l'a reçu au Quai d'Orsay pour le remercier de son action et de celle des équipes qui l'entouraient au service de notre pays, dans des conditions difficiles", a souligné le Quai d'Orsay dans une déclaration écrite à l'AFP.
Après plusieurs semaines de tensions avec le régime nigérien issu du coup d'Etat du 26 juillet, Paris a fini par rappeler son diplomate, qui a quitté Niamey avec six collaborateurs mercredi "vers 4 heures du matin" (03H00 GMT), avait indiqué plus tôt à l'AFP une source diplomatique.
Dimanche soir, le président français Emmanuel Macron avait annoncé son retour "dans les prochaines heures", une annonce survenue après un échange téléphonique avec le président du Niger élu démocratiquement Mohamed Bazoum qui, lui, est toujours retenu dans le palais présidentiel par les militaires putschistes qui l'ont renversé.
Les militaires nigériens avaient retiré l'immunité et le visa diplomatiques de Sylvain Itté fin août, mais Paris refusait jusqu'alors de le rappeler.
La France faisait valoir qu'elle ne reconnaît pas la légitimité des militaires au pouvoir et que son interlocuteur reste le président renversé Mohamed Bazoum.
Emmanuel Macron a d'ailleurs réaffirmé mercredi son "soutien" au président Bazoum lors d'un entretien avec Hassoumi Massaoudou, ministre des Affaires étrangères du gouvernement renversé, a rapporté l'Elysée.
Le chef de l'Etat a souligné "la détermination de la France à poursuivre ses efforts auprès des chefs d'État de la Cedeao et de ses partenaires européens et internationaux pour un retour à l'ordre constitutionnel au Niger", selon la présidence française.
Né à Bamako en 1959, Sylvain Itté était en poste depuis un an, quasiment jour pour jour, au Niger.
Départ des soldats français
Emmanuel Macron a également annoncé dimanche que les 1.500 soldats français déployés au Niger pour appuyer la lutte antidjihadiste quitteraient le pays d'ici la fin de l'année, une autre demande du régime de Niamey.
Le président a pris acte que les autorités "de fait" du Niger "ne veulent plus lutter contre le terrorisme".
Les militaires, qui ont célébré ces annonces comme "une nouvelle étape vers la souveraineté du Niger", ont toutefois souhaité que ce retrait se fasse "dans un cadre négocié et d'un commun accord".
Le Niger, comme ses voisins du Burkina Faso et du Mali, est la cible d'attaques djihadistes récurrentes sur son sol depuis plusieurs années.
Après son retrait du Mali, puis du Burkina Faso voisins, le Niger était devenu clé dans le dispositif français anti-djihadiste au Sahel.
Paris a d'ailleurs mis en garde contre les conséquences d'un départ des militaires français pour la sécurité de la région.
Alors que le coup d'Etat a été fomenté en raison de désaccords entre le président Bazoum et les généraux de son ancienne garde présidentielle, le putsch a tourné à une offensive contre la France, ancienne puissance coloniale.
Des manifestations et des rassemblements pour le retrait des troupes françaises au Niger ont réuni des dizaines de milliers de personnes dans la capitale ces dernières semaines.
Quelques jours seulement après le coup d'Etat, certains experts estimaient déjà que le départ des Français du Niger était "inéluctable".
"La France n'a pas su se retirer au bon moment et a voulu continuer de jouer le leader dans un contexte où l'environnement sociologique a fortement changé", et avec lui la façon dont elle est perçue en tant qu'ex-colonisateur, analyse Fahiraman Rodrigue Koné, spécialiste du Sahel à l'Institut des études de sécurité (ISS).
"La France doit totalement repenser sa présence en Afrique", où Paris "n'est plus la référence numéro 1 pour beaucoup", ajoute t-il.
Les Etats-Unis, qui disposent de 1.100 soldats au Niger, ont indiqué de leur côté évaluer leurs options quant à un éventuel retrait.
Lors d'une visite en Angola mercredi, le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin a tancé les putschistes en Afrique et réitéré l'engagement de Washington à "soutenir des politiques gouvernementales qui font avancer ensemble la paix, la sécurité et la gouvernance démocratique", soulignant que ces "éléments sont inséparables".
La semaine dernière, l'Allemagne avait prévenu que sa centaine de soldats déployés au Niger pourrait également se retirer si la France choisissait cette option.