AUVERS-SUR-OISE, France : Les «Racines d'arbres» que Vincent van Gogh a peintes juste avant de se tirer une balle dans la poitrine le 27 juillet 1890, sont encore là, signalées aux visiteurs au coeur d'une ruelle d'Auvers-sur-Oise, dans les environs de Paris.
Chevalet sous le bras, il l'a empruntée maintes fois, à l'aplomb de l'auberge Ravoux, où il est mort deux jours plus tard, à 37 ans, après une longue agonie, raconte à quelques journalistes Wouter van der Veen, spécialiste néerlandais du peintre, en les entraînant dans ses tout derniers pas à travers ce village à une trentaine de kilomètres au nord de Paris.
Maisons, paysages, place de la mairie... Dès son arrivée, le 20 mai 1890, dans ce creuset de l'impressionnisme, en bordure de rivière, il va peindre «dans l'urgence», «plus de 74 tableaux en 70 jours» où «le bleu domine», dit-il.
Van Gogh arrive à Auvers-sur-Oise sur recommandation médicale et celle de son frère cadet Théo, marchand d'art. Il est «conscient de sa valeur comme artiste mais aussi de sa fragilité: il s'est tranché l'oreille à Arles, dans le sud de la France, a croisé la mort, et été hospitalisé après plusieurs tentatives de suicide par empoisonnement à l'essence de térébenthine et probablement aux couleurs contenant de l'arsenic», précise l'expert.
«Il se sent menacé mais pense aussi beaucoup à la vie: Johanna, l'épouse de Théo, vient d'accoucher d'un petit Vincent, et un article paru dans le Mercure de France loue son génie, comparé à celui des maîtres hollandais, une reconnaissance qu'il attendait», ajoute-t-il.
- Le Dr Gachet -
Direction sa toute première destination: la maison du Docteur Paul Ferdinand Gachet, dans une petite rue bordée de meulières.
Fondu d'art plus que de médecine, il possède sa propre presse à gravures et «diffusera sans réserve l'oeuvre du peintre» auquel il suggère comme unique traitement de «quitter l'obsession de la maladie», selon M. Van der Veen.
A l'arrière de la maison, entourée d'un jardin fleuri, séquence émotion: un petit tertre entre deux tilleuls où Van Gogh s'asseyait avec le docteur et ses amis, Paul Cézanne, Camille Pissarro et Armand Guillaumin, autour d'une absinthe et en fumant la pipe.
Des calligraphies, tracées à l'entrée d'une petite grotte, en retrait, rappellent la passion des impressionnistes pour l'estampe japonaise.
Le 7 octobre, la maison du Dr Gachet, ancienne école de jeunes filles, sera ouverte au public ainsi qu'une exposition au château d'Auvers-sur-Oise, en forme de parcours numérique des oeuvres de Van Gogh en très haute définition.
- «Champ de blé aux corbeaux» -
Destination l'église, où des touristes sud-coréens se prennent en photo. Van Gogh l'a sublimée dans un format donnant l'illusion de la 3D: une symphonie de bleu, contrastée d'orange et de verts éclatants.
Non loin, place au recueillement: la tombe recouverte de lierre où repose le peintre près de Théo, mort six mois après lui de la syphilis.
Un chemin de terre, bordé d'amarantes fanées, conduit à l'endroit où Van Gogh a peint son «Champ de blé aux corbeaux». Tout près: celui où il s'est donné la mort.
Le voyage s'achève à l'auberge Ravoux qui abrite encore la minuscule chambre du peintre, austère et sombre, sans meubles aujourd'hui, où Van Gogh a vécu «modestement mais pas dans la pauvreté», selon M. Van der Veen.
Dans la salle à manger, où tout semble resté intact, un bouquet de tournesols accueille les visiteurs.
«Le cercueil de Van Gogh, couvert de dahlias jaunes» y fut entreposé «au milieu de ses toiles», confie le spécialiste, commissaire d'une exposition consacrée aux derniers jours du peintre qui ouvrira le 3 octobre au Musée d'Orsay à Paris.