«Dès que nous avons appris cette douloureuse tragédie, une campagne (d'aides) s'est spontanément organisée à Tajoura, sans le soutien d'aucune institution», a confié à l'AFP Mohannad Bennour, qui réside dans cette banlieue de la capitale Tripoli (ouest).
Depuis lundi, les dons affluent, et «près de 70.000 dinars (1 dinar = 0.19 euro) ont déjà été récoltés, dont 20.000» pour la seule journée de vendredi, s'est-il félicité.
«Les gens donnent de la nourriture, des produits de nettoyage et d'hygiène, des serviettes, des médicaments, tout ce qui est nécessaire pour les bébés et les femmes, mais aussi des vêtements», a ajouté le trentenaire.
Suite au passage de la tempête Daniel dimanche, les deux barrages sur l'oued qui traverse Derna (est) ont rompu, provoquant un déluge qui a détruit les ponts et emporté des quartiers entiers avec leurs habitants dans la Méditerranée.
Le bilan provisoire est de 3.252 morts, selon Othman Abdeljalil, ministre de la Santé de l'administration de l'Est de la Libye.
Les survivants, pour la plupart sans abri aujourd'hui, ont quitté les zones sinistrées mais ont besoin d'aide.
L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a fait état de plus de 38.000 déplacés dans l'Est frappé par les inondations, dont 30.000 à Derna.
«Il est essentiel de fournir aux populations des produits vitaux et de prévenir une crise sanitaire secondaire», a insisté cette semaine Martin Griffiths, sous-secrétaire général de l'ONU aux affaires humanitaires sur X (ex-Twitter).
Mais le pays est miné par les divisions régionales depuis la chute du régime de Kadhafi, ce qui complique la coordination de l'aide.
Deux administrations rivales se disputent le pouvoir: l'une à Tripoli (ouest), reconnue par l'ONU et dirigée par le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, l'autre dans l'Est, affiliée au camp du puissant maréchal Khalifa Haftar.
Mettant de côté les clivages face à la tragédie, les Libyens de tous bords se mobilisent: dans chaque ville, dans les mosquées ou sur les réseaux sociaux, des collectes de fonds et d'aides
de toutes sortes sont organisées et des centaines de bénévoles, de secouristes, de médecins et d'infirmiers sont déjà arrivés dans la zone sinistrée.
De nombreux bénévoles rappellent toutefois que l'élan de solidarité doit perdurer une fois passé le choc lié à la catastrophe.
- Fin de l'impunité? -
A Hay al-Andalous, un quartier cossu de la capitale, Bader Marii est venu déposer des packs d'eau sur l'esplanade d'une mosquée, où deux gros camions étaient déjà presque entièrement chargés.
Selon lui, l'aide apportée aux familles touchées ne doit pas faiblir car «la reconstruction des zones sinistrées», dans un pays fragmenté et avec des autorités rivales, pourrait prendre «deux fois plus de temps que dans des conditions normales».
«Les gouvernements ont l'habitude de laisser passer le temps sans que personne ne leur demande des comptes», s'exclame le quinquagénaire en levant les mains vers le ciel.
Nouri el-Makhlouf, 43 ans, fonctionnaire du ministère de la Culture, coordonne dans le centre-ville de Tripoli les dons avant le départ du convoi dimanche. Les aides sont apportées «par des familles de toute la Libye qui nous contactent pour participer».
Cet élan de solidarité prend forme en parallèle de la mobilisation chaotique des autorités rivales de l'Est et de l'Ouest, qui se rejettent déjà la responsabilité de ce drame national.
Le Procureur général, qui s'est rendu vendredi à Derna, a promis des «mesures sévères» à l'encontre de ceux jugés responsables.
Pendant ce temps, les organisations de la société civile, qui font habituellement l'objet de harcèlement de la part des autorités, sont sur le terrain.
Au cours de la dernière décennie, «l'élite politique de tous bords a systématiquement et délibérément fermé les organisations de la société civile et persécuté leurs membres», a fustigé Elham Saudi, directrice de l'association Lawyers For Justice in Libya.
La société civile «constitue une menace» pour l'élite politique, «car elle tente de combler ses lacunes», a déclaré à l'AFP cette avocate libyenne qui a fait de la lutte contre l'impunité son cheval de bataille.
Selon elle, la société civile veillera à ce que les responsables du drame soient traduits en justice.
«Il est important que ce moment marque la fin de la culture de l'impunité en Libye», a-t-elle insisté.
Inondations en Libye: la Russie a envoyé 35 médecins urgentistes et de l'aide humanitaire
La Russie a annoncé avoir envoyé 35 médecins urgentistes et de l'aide humanitaire dans l'est de la Libye, touché il y a près d'une semaine par des inondations sans précédent.
«Le troisième avion du ministère avec des spécialistes (...) a atterri en Libye. Environ 35 employés du ministère russe des Situations d'urgence fourniront une assistance médicale à la population touchée par les inondations», a affirmé le ministère dans un communiqué.
Un hôpital mobile a ainsi été envoyé par la Russie, avec des blocs opératoires, ainsi qu'une unité de soins intensifs.
Sur place, ces 35 urgentistes spécialistes fourniront «une assistance médicale qualifiée», a précisé le ministère russe, selon qui «jusqu'à 100 personnes» peuvent être traitées «par jour» sur site.
Le ministère a par ailleurs diffusé sur Telegram une vidéo montrant des caisses d'aide humanitaire être rapidement déchargées.
La tempête Daniel qui a frappé dans la nuit de dimanche à lundi dernier Derna, une ville de 100.000 habitants située dans l'Est de la Libye, a entraîné la rupture de deux barrages en amont provoquant une crue de l'ampleur d'un tsunami le long de l'oued qui traverse la cité. Elle a tout emporté sur son passage.
Au moins 11.300 personnes sont décédées et 10.100 restent portées disparues à Derna, selon l'ONU, les organisations humanitaires présentes sur place craignant un bilan beaucoup plus lourd.