MOSCOU : La Banque centrale russe (BCR) a annoncé vendredi relever son taux directeur de 12% à 13%, sa troisième hausse d'affilée en moins de deux mois pour contrer l'inflation et l'affaiblissement du rouble, sur fond de sanctions internationales à cause de l'Ukraine.
«Nous nous attendons à ce que le taux de croissance soit plus modéré au second semestre», a également reconnu sa directrice, Elvira Nabioullina, lors d'une conférence de presse.
Plus tôt vendredi, ses services avaient annoncé dans un communiqué que face à «une pression inflationniste (...) élevée» et à «l'affaiblissement du rouble cet été», «un resserrement monétaire supplémentaire est nécessaire», faisant ainsi passer le taux directeur à 13%.
Pourtant, malgré deux hausses consécutives du taux directeur par la BCR, une première fois le 21 juillet (de 7,5% à 8,5%), puis une deuxième en urgence mi-août à 12%, la devise nationale reste à des niveaux très faibles face au dollar et à l'euro.
Cette faiblesse du rouble s'est inexorablement accompagnée d'un retour de l'inflation (à +5,15% en août), qui s'ajoute au coût croissant du conflit ukrainien, faisant craindre à de nombreux Russes pour leur niveau de vie.
Dans ces conditions, «le retour de l'inflation à l'objectif et sa stabilisation à près de 4% impliquent également une période prolongée de maintien de conditions monétaires strictes», a affirmé vendredi la BCR, qui s'attend désormais à une inflation «entre 6 et 7%» en fin d'année.
Une des causes des difficultés russes provient de la baisse considérable des revenus liés à la vente des hydrocarbures, sous l'effet des sanctions et de la détermination affichée des Européens à sortir de leur dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou.
- Bras de fer -
L'annonce de la BCR vendredi risque toutefois de ne pas satisfaire tous les grands patrons russes.
Ces derniers jours, le PDG de la première banque nationale, Sberbank, German Gref, et Andreï Kostine, le patron de sa rivale VTB, s'étaient dits en faveur du maintien du taux directeur à 12%.
Pour M. Gref, «les mesures prises par la BCR pour maintenir la stabilité financière affecteront forcément la croissance économique, toutes les entreprises le ressentiront, et les banques aussi» du fait du coût accru du crédit et donc des investissements, avait-il averti en début de semaine.
Ces derniers mois, un bras de fer s'est installé entre Elvira Nabioullina, selon qui il ne faut pas intervenir plus que nécessaire dans l'économie nationale au risque de l'affaiblir, et le ministre des Finances, Anton Silouanov, partisan d'un contrôle plus fort des mouvements de capitaux dans le pays.
Mi-août, après le précédent relèvement du taux directeur, les deux dirigeants avaient eu une réunion avec Vladimir Poutine, actant un statu quo temporaire en attendant de voir l'évolution des indicateurs.
Un mois plus tard, la BCR a donc été forcée de trancher et les autorités pourraient même décider d'agir au-delà de la seule variation du taux directeur.
Le ministère des Finances pousse en effet pour réintroduire une obligation pour les gros exportateurs russes de rapatrier et convertir en rouble leurs devises issus de leurs recettes à l'étranger, les forçant à ne plus les stocker hors de Russie malgré les sanctions, de façon à ce que ces revenus intègrent l'économie russe et soutiennent le rouble.
Début 2022, la BCR avait déjà mis en place un tel mécanisme pour tenter de limiter les effets des lourdes sanctions internationales, avant de progressivement le faire disparaître, satisfaite des indicateurs macro-économiques.
«Contrairement à la croyance populaire, la structure monétaire des règlements à l'export n'a pas d'impact significatif sur la dynamique du taux de change», a répliqué vendredi Mme Nabioullina.