STRASBOURG: La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rejeté jeudi la requête de Kamel Daoudi, qui dénonçait son assignation à résidence depuis 2008, cet Algérien de 49 ans n'ayant pas épuisé l'ensemble des recours auprès de la justice française.
La Cour "déclare, à l'unanimité, la requête irrecevable" et la "rejette (...) pour non- épuisement des voies de recours internes", indique dans un communiqué la juridiction basée à Strasbourg, une décision "définitive".
Or, l'épuisement de toutes les procédures au sein des juridictions nationales est l'une des conditions pour saisir le bras judiciaire du Conseil de l'Europe, qui rassemble 46 pays du continent.
Kamel Daoudi avait été condamné en 2005 en appel à six ans de prison et à une interdiction définitive du territoire pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" et avait été déchu de sa nationalité française.
Membre présumé d'un groupe islamiste affilié à Al-Qaïda, il était soupçonné d'avoir préparé un attentat contre l'ambassade des États-Unis à Paris en 2001.
En 2009, la CEDH avait toutefois interdit son expulsion en raison du risque de torture en Algérie, pays qu'il avait quitté à l'âge de cinq ans.
Cet ex-ingénieur informaticien, qui ne peut donc être ni expulsé, ni régularisé, a été assigné depuis avril 2008 à sa sortie de prison dans cinq départements du nord-est au sud-ouest du pays -la Creuse, la Haute-Marne, le Tarn, la Charente-Maritime et le Cantal.
Il "fut astreint à se présenter deux à quatre fois par jour auprès des forces de l'ordre" et contraint de "respecter un couvre-feu nocturne à compter du 24 novembre 2016", selon la CEDH.
Il présenta plusieurs recours pour "excès de pouvoir" mais fut à chaque fois débouté.
Mais, comme le souligne la Cour, "le requérant n'a pas formé de pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 5 novembre 2019". Par ailleurs, "son pourvoi contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 avril 2023 est actuellement pendant devant le Conseil d'Etat".
"Selon une jurisprudence constante, le recours pour excès de pouvoir est en principe une voie de recours à épuiser, la procédure devant être menée jusqu'au juge de cassation", justifie la CEDH, selon laquelle "aucune raison ou circonstances particulières ne dispensaient le requérant de se pourvoir en cassation".
"On bat tous les records. Cela fait plus de 14 ans qu'il est assigné à résidence. M. Daoudi a dû pointer 14 ou 15.000 fois. Qui pourrait encore survivre à un tel traitement?", a dénoncé jeudi sur France Inter son avocat, Emmanuel Daoud, avant la publication de l'arrêt.
"Il ne peut rien faire, il est emprisonné à ciel ouvert et dans un état d'assistanat permanent, sans pouvoir pourvoir aux besoins essentiels de sa famille", avait ajouté le conseil dont le client, marié à une Française, est père de quatre enfants français résidant dans le Tarn (sud).
Il dénonçait notamment devant la CEDH les modalités de son assignation dans lesquelles il voyait "une mesure privative de liberté" qui violait l'article 5 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des droits de l'homme.
Invoquant les articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif), il se plaignait aussi d'avoir été séparé de ses proches et critiquait l'équité des procédures engagées devant le juge administratif.