MARSEILLE: "Le pape ne vient pas ici pour qu'on le regarde, mais pour qu'avec lui on regarde la Méditerranée", insiste le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, dans un entretien avec l'AFP, avant l'arrivée de François, le 22 septembre, pour les Rencontres méditerranéennes.
Troisièmes du nom, après Bari en février 2020 puis Florence en février 2022, ces Rencontres qui réunissent des évêques et des jeunes de toutes confessions du pourtour méditerranéen se dérouleront pour la première fois hors d'Italie, du 16 au 24 septembre, à Marseille, deuxième ville de France.
"Evidemment, cela aurait été bien si on avait pu changer de rive, aller à Beyrouth ou Alger, mais les conditions n'étaient pas vraiment réunies, c'est malheureux", concède Mgr Aveline.
Enfant de Marseille, où il est arrivé à huit ans avec ses parents, à l'indépendance de l'Algérie, ce descendant d'une lignée de pieds-noirs andalous est fier d'accueillir le souverain pontife dans sa ville.
Et même s'il ne s'agit pas d'une visite d'Etat, comme l'a souligné François, en précisant qu'il venait "à Marseille, pas en France", "la France est heureuse que le pape vienne", rappelle Mgr Aveline.
"Vous ne pouvez pas empêcher la France de venir prier avec vous", a ainsi expliqué l'archevêque de Marseille au pape: "C'est pour ça qu'on a un peu étoffé le programme, avec notamment cette célébration au stade Vélodrome" le 23 septembre, qui réunira des dizaines de milliers de personnes juste avant le départ de François pour Rome.
Economie et social, environnement, migrations, tensions géopolitico-religieuses: quatre grands thèmes seront abordés lors de ces Rencontres, explique Jean-Marc Aveline, espérant que cela aidera "la France et l'Eglise de France à cesser de se regarder elles-mêmes mais à considérer aussi leur responsabilité dans le monde, qui n'est pas celle de donneuses de leçons".
Et si "les drames de la Méditerranée ne sont pas uniquement les drames de ceux qui veulent la traverser", insiste Mgr Aveline, évoquant le récent séisme au Maroc, les inondations en Libye, les incendies cet été en Grèce ou encore la crise politique et économique au Liban, les questions migratoires seront bien au coeur de la visite papale.
Ainsi, dès son arrivée, le 22 septembre, François conduira un "temps de recueillement pour les migrants morts en mer", devant la croix de Camargue érigée au pied de la "Bonne Mère", la basilique Notre-Dame-de-la-Garde. Plus de 28.000 personnes ayant tenté la traversée de la Méditerranée pour rejoindre l'Europe sont portées disparues depuis 2014, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Les identités meurtrières
Sur ce thème des migrants, "le pape a une position que j'estime personnellement équilibrée, ni neutre ni fade, qui tient compte de la complexité du problème", plaide l'archevêque de Marseille.
Et l'homme d'église de rejeter à la fois "les discours naïfs sur le vivre ensemble" égrenés par certains et les "discours agressifs" visant à "attiser le feu" déclamés par d'autres, pour qui tout serait "la faute aux migrants".
"Alors, quelle est la position de l'Eglise? Ni naïvement irénique (empreinte de compréhension, ndlr), ni inutilement agressive. C'est ça la position du pape François", insiste Mgr Aveline, rappelant que deux grands principes guident cette action.
"D'abord, en toutes situations, le respect de la dignité de toute personne humaine, quelle qu'elle soit. Surtout quand il y a péril en mer". Puis, "s'attaquer à la racine des choses", "la corruption, la course aux armements, les intérêts d’un certain nombre de multinationales", et cela afin que les migrants "puissent exercer leur droit de ne pas être obligés de migrer, le droit de migrer et le droit de rester, (....) le droit fondamental de vivre sur leur terre".
Ce sera "le titre du message" que le pape fera lire dimanche 24 septembre, au lendemain de son départ, pour la journée mondiale de l'Eglise catholique pour les migrants et les réfugiés, dévoile le cardinal Aveline.
Et s"il ne faut pas faire de Marseille le modèle d'un vivre ensemble idéalisé --"personne ne nous croirait!", sourit le cardinal--, cette ville "constituée de couches migratoires successives" a une force, celle d'avoir compris que "dans l'identité il y a toujours un facteur d'altérité: on est Marseillais, mais la grand-mère est venue d'Italie, l'autre était Arménienne, etc, etc".
"L'altérité, c'est très important. Quand on n'a pas conscience de la part d'altérité dans toute identité, c'est là que nos identités deviennent meurtrières", conclut Mgr Aveline, citant l'écrivain franco-libanais Amin Maalouf.