PARIS: L'aile gauche de la macronie a marqué les esprits lundi en publiant de manière inédite une tribune commune avec des parlementaires de la Nupes sur l'immigration.
Mais cet espace politique peu structuré et fragmenté reste difficile à cerner, en l'absence de leader face aux nombreux ténors issus de la droite.
Une galaxie éclatée
L'aile gauche de la macronie, quelle adresse ? Les députés et ministres s'en revendiquant appartiennent à différentes chapelles peu identifiées du grand public.
Territoires de progrès (TDP), parti créé en 2020 par Jean-Yves Le Drian et Olivier Dussopt, s'est associé à Renaissance lors de son congrès de septembre 2022. Mais aussi "En commun", courant cofondé en mai 2020 par 46 députés, et qui n'en compte aujourd'hui plus que quatre, apparentés Renaissance.
Parmi eux, l'ex-ministre Barbara Pompili que l'on retrouve aussi dans le "collectif progressiste" lancé en juin 2023 et qui regrouperait une vingtaine de députés - pour la plupart des socialistes dissidents membres du groupe centriste Liot et des élus Renaissance.
Le collectif s'est fait remarquer en publiant le 5 septembre un texte appelant à la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension... quelques jours avant une initiative plus large sur le même thème regroupant 12 députés de la majorité (Renaissance, MoDem) et des parlementaires socialistes, écologistes et communistes.
A l'initiative côté majorité, Sacha Houlié, le président de la commission des Lois. Ce dernier affirme réunir "depuis trois mois" une "cinquantaine" de députés pour élaborer des "propositions". Un réseau aux contours flous qui n'a pas encore de nom.
Une incarnation à la peine
Chef de file revendiqué de l'aile gauche de la macronie, M. Houlié affirme avoir refusé d'entrer au gouvernement car on lui proposait de devenir ministre délégué de Gérald Darmanin qui incarne selon lui sa "droite". Mais il le reconnaît: "Il y a un gros problème d'incarnation sur la gauche et le centre gauche dans la vie politique française".
Majoritairement issue à l'origine de la gauche, la macronie s'est vue renforcer au fil du temps de nombreux poids lourds de droite, Edouard Philippe, Bruno Le Maire ou encore Gérald Darmanin.
"Le barycentre du macronisme s'est nettement déplacé vers la droite. On parle encore d'une aile gauche de la majorité", mais il y a tout au plus "quelques figures sympathiques (...) très peu armées pour résister au mouvement général qui pousse vers des politiques de droite", analyse un macroniste de la première heure.
Parmi les ministres identifiés comme appartenant à l'aile gauche - Olivier Dussopt, Olivier Véran, Clément Beaune... -, aucun ne semble avoir l'étoffe pour devenir candidat à la présidentielle. Quant à Elisabeth Borne, elle cherche à accroître son poids au sein de la majorité.
"Sur l’aile droite on identifie assez facilement des gens qui pourraient être candidat à la présidentielle, c’est moins évident sur l’aile gauche", dit un cadre de la majorité. Un pêché mortel en Ve République.
Une influence à démontrer
En l'état, que pèse cette fameuse aile gauche ? Le projet de loi immigration aura valeur de test. Un député anticipe déjà sa défaite: "si d’emblée on fait une entourloupe sur la régularisation des immigrés travaillant dans les métiers en tension, ça criera très fort mais ça se couchera".
L'aile gauche de la macronie ne semble pas en mesure d'imposer un véritable rapport de force. "Sacha Houlié ne va pas aller dans l’opposition, et (la députée) Stella Dupont non plus", affirme un député Renaissance.
Reste, pour tenter de peser davantage, la possibilité de créer un groupe "clairement assumé de l'aile gauche de la majorité", dit un responsable de Territoire de Progrès.
"Ça ne sert à rien à court terme, à part diviser. Peut-être que dans deux ans ça aura du sens", observe un ministre. "Ce n’est pas le bon moment pour créer une chapelle".