NEW DELHI: Le Premier ministre indien Narendra Modi a ouvert samedi le G20 de New Delhi derrière une plaque où son pays était identifié comme "Bharat", soit le plus fort signal à ce jour d'un potentiel changement du nom officiel "India", hérité du passé colonial.
Il y a quelques jours déjà, les invitations au dîner du sommet avaient été adressées aux dirigeants du G20 au nom de la "Présidente du Bharat", provoquant un flot de rumeurs selon lesquelles l'usage officiel du nom anglais du pays serait abandonné.
M. Modi recourt généralement, quand il évoque l'Inde, au mot "Bharat" qui remonte aux anciens textes hindous écrits en sanscrit.
Dans le "Mahabharata", épopée sanskrite de la mythologie hindoue, le fils du roi Dushyant et de Shakuntala s'appelait "Bharat" et le royaume dont il héritait se nommait "Bharatvarsha".
Les hindous constituent l'écrasante majorité des 1,4 milliard d'habitants de l'Inde, mais de nombreuses minorités religieuses, en particulier les plus de 200 millions de musulmans, craignent que Modi ne veuille refaire du pays une nation hindoue.
Selon Zakia Soman, cofondatrice de Bharatiya Muslim Mahila Andolan, une organisation de défense des droits, le changement potentiel de nom est une nouvelle tentative de "polarisation" du gouvernement hindou.
"Cela nous éloigne des vraies questions et des vrais problèmes auxquels sont confrontés les habitants du pays", a-t-elle déclaré à l'AFP. "Nous avons toujours été à la fois l'Inde et le +Bharat+. En insistant uniquement sur +Bharat+, ils banalisent notre patrimoine et notre héritage."
Colonisation britannique
L'Inde et le Bharat sont les deux noms officiels du pays en vertu de sa Constitution, dont l'article 1 commence par: "L'Inde, c'est le Bharat".
Mais les membres du BJP, le parti nationaliste hindou au pouvoir, ont déjà fait campagne contre l'utilisation du nom "Inde", qui trouve ses racines dans l'Antiquité occidentale et a été imposé par le Royaume-Uni.
Le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi s'est en effet efforcé de supprimer les symboles persistants de la colonisation britannique dans le paysage urbain, les institutions politiques et les livres d'histoire du pays aujourd'hui le plus peuplé du monde.
Dans le nord du pays, la ville d'Allahabad, nommée ainsi par le souverain moghol Akbar au XVIe siècle, a été renommée, en 2018, Prayagraj, un nom sanskrit.
Cette semaine, le ministre des Affaires étrangères, S. Jaishankar, a semblé soutenir l'idée de l'abandon du nom "Inde".
"Bharat" a "une signification, une compréhension et une connotation qui l'accompagnent et qui se reflètent également dans notre Constitution", a-t-il déclaré, cité par le journal Hindustan Times mercredi.
La seule perspective d'un tel changement a suffi à susciter un mélange de réactions offusquées parmi les adversaires de Narendra Modi et de soutiens enthousiastes dans d'autres milieux.
"J'espère que le gouvernement ne sera pas assez stupide pour se passer complètement de l'+Inde+", a ainsi commenté Shashi Tharoor, un responsable du parti du Congrès (opposition), sur X (anciennement Twitter).
"Nous devrions continuer à utiliser les deux mots" et ne pas renoncer à "un nom chargé d'histoire, un nom reconnu dans le monde entier", a-t-il ajouté.
L'ancien joueur de cricket Virender Sehwag s'est au contraire félicité de la perspective d'un tel changement d'appellation et a exhorté le conseil de cricket indien à commencer à mettre "Bharat" sur les uniformes des équipes.
"Inde est un nom donné par les Britanniques (et) il est grand temps de retrouver notre nom d'origine +Bharat+", a-t-il fait valoir.