PARIS: "Les années folles sont terminées": sept années de hausse incessante de l'immobilier ancien en France touchent à leur fin, avec une progression des prix de 0,5% au deuxième trimestre, probable prélude à un repli.
L'indice Notaires-Insee publié jeudi, qui fait référence pour son exhaustivité, fait état d'une hausse de 0,5% sur un an des prix en France (hors Mayotte).
C'est un très net coup de frein depuis la mi-2022.
De 6,8% au deuxième trimestre 2022, la hausse a reculé à 6,4%, 4,6%, 2,7% et à présent 0,5%.
"Les années folles sont terminées; on va passer à un autre paradigme de l'immobilier", a prévenu d'emblée Elodie Frémont, présidente de la commission statistiques immobilières des Notaires du Grand Paris.
Inflation et taux
Les causes sont multiples, mais la principale est la flambée des taux d'intérêt, qui ont renchéri le coût des crédits, a souligné Mme Frémont.
"Désormais, il faut épargner, ou en tout cas faire des apports conséquents, pour que le dossier de crédit puisse même être instruit, on ne parle même pas de son succès à la sortie", a-t-elle observé.
"C'est la revanche du cash", pour ceux qui ont les moyens, a-t-elle ajouté, notant "un petit rebond des prêts familiaux, des prêts amicaux, et une grande aide de papa-maman grâce à des dons."
L'inflation, qui entame le reste à vivre des ménages, pousse aussi les prix à la baisse, en particulier pour les maisons, a noté Mme Frémont.
"Quand vous avez une maison, vous avez besoin d'un véhicule, donc ça se ressent sur le prix de l'essence, ça se ressent sur la consommation énergétique et ça se ressent en cas de vente avec les normes énergétiques qui contraignent désormais, quand vous êtes mal noté, à faire de la rénovation et (...) un audit énergétique".
Les maisons, dont les prix avaient explosé en 2020, à la sortie des confinements, restent néanmoins toujours en hausse sur l'ensemble du pays, avec des prix en augmentation de 0,9% sur un an. Contrairement aux appartements, dont le prix moyen n'a pas bougé.
Si les acquéreurs sont sous tension, les vendeurs le sont tout autant. Les prix étant en baisse, ceux qui le peuvent retirent leurs biens du marché, et "celui qu'on retrouve autour de notre table, c'est celui qui se retrouve dans une situation financière qui le contraint à vendre, ou une situation personnelle qui fasse qu'il n'a pas le choix : divorce, séparation ou succession", a relevé Mme Frémont.
Conséquence : le nombre de transactions, indicateur de l'activité du marché et qui avait atteint un record absolu (plus de 1,2 million) en 2021, continue de reculer rapidement.
Pour l'ensemble de la France hors Mayotte, il s'est établi à 1 million, un chiffre toujours supérieur à la moyenne historique, relève néanmoins l'Insee.
Baisse en vue
Une baisse générale des prix, déjà observée par les réseaux d'agences, ne devrait pas tarder à arriver.
"Sans aucun doute, la baisse va s'accélérer", juge ainsi Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Meilleurs Agents.
Les taux d'intérêt ont en effet accéléré leur montée à partir du premier trimestre, quand l'Etat a assoupli les conditions d'octroi.
"L'achat devient de moins en moins intéressant financièrement, parce que pour rentabiliser son achat, il faut attendre de plus en plus longtemps", remarque aussi M. Lefebvre.
Guillaume Martinaud, président du réseau d'agences Orpi, pointe aussi du doigt la politique du logement, jugeant les conditions d'accès au crédit toujours trop restrictives.
Plusieurs mesures sont de nature à dissuader l'investissement immobilier, juge-t-il aussi, comme l'augmentation de la taxe foncière dans de nombreuses villes, la fin d'aides publiques ou les obligations de rénovation.
"Tout ça n'aide pas à offrir plus de logements sur le marché", grince-t-il.