Formation des policiers: moins d'école, plus de "terrain"

La police française vérifie l'autorisation de déplacement d'un conducteur le 15 décembre 2020 à Paris, alors qu'un nouveau couvre-feu de 20h à 18h est mis en place en France pour éviter une troisième vague d'infections par des coronavirus.  (Alain JOCARD / AFP)
La police française vérifie l'autorisation de déplacement d'un conducteur le 15 décembre 2020 à Paris, alors qu'un nouveau couvre-feu de 20h à 18h est mis en place en France pour éviter une troisième vague d'infections par des coronavirus. (Alain JOCARD / AFP)
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Publié le Jeudi 17 décembre 2020

Formation des policiers: moins d'école, plus de "terrain"

  • La durée et le contenu de la formation des policiers sont revenues sur le devant de la scène ces dernières semaines, après l'évacuation violente d'un camp illégal de migrants à Paris et le tabassage du producteur Michel Zecler en novembre
  • Cet ancien employé de banque espère être incorporé sur un poste de "police-secours", le "coeur de métier", selon lui, et à Paris, alors que la grande majorité des élèves gardiens de la paix sont affectés en Ile-de-France, souvent dans des zones difficiles

REIMS : "Huit mois, ça passe très vite". Depuis juin, les élèves gardiens de la paix bénéficient d'une nouvelle formation: leur passage à l'école a été réduit de douze à huit mois mais leur apprentissage sur le terrain porté à seize mois.

La durée et le contenu de la formation des policiers sont revenues sur le devant de la scène ces dernières semaines, après l'évacuation violente d'un camp illégal de migrants à Paris et le tabassage du producteur Michel Zecler en novembre.

"Il y avait un fossé entre les connaissances à la sortie de l’école et les besoins opérationnels", explique aujourd'hui Jean-Yves Frère, le directeur de l'école nationale de police (ENP) de Reims (Marne).

Le programme, désormais compacté sur huit mois, est dense. Il doit permettre aux 3.600 futurs gardiens de la paix de quitter l'une des huit écoles de formation avec des notions pénales, administratives, de connaître les cadres d'intervention ou les gestes techniques professionnels. 

"C'est la difficulté de faire du qualitatif et du quantitatif. Est-ce qu’à un moment donné on accepte que ça prend du temps de former un policier ?", s'alarme Olivier*, un officier passé par l'école de Cannes-Ecluse (Seine-et-Marne) il y a quelques années. 

"Le système fait qu'on n'a pas forcément le temps de se consacrer à la formation des collègues. On les accueille du mieux qu'on peut, mais finalement le stage correspond plus à une affectation", concède-t-il.

A l'école, la formation comprend un volet "mise en situation". Un jour de début décembre, les élèves du campus rémois apprennent ainsi comment annoncer le décès d'une victime à sa famille.

"On ne fait jamais cette annonce par téléphone, même quand le pronostic vital est engagé. On se déplace", explique Marina, psychologue. "Une fois, j'ai dit à une mère qui venait de perdre son fils +ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer+. C'est maladroit non ?", demande un élève. "Vous avez fait ce que vous avez pu", le rassure la psychologue.

"Laisser la chance au produit"

David* a 34 ans et, déjà, une poignée de cheveux gris. Il est presque le doyen de la 258e promotion de l'ENP de Reims. "S’il n'y avait que la formation de huit mois je dirais que ce n'est pas suffisant. C'est condensé, on travaille beaucoup. Mais avec le suivi pendant seize mois, on n'est pas lâché dans la nature", estime-t-il. 

Cet ancien employé de banque espère être incorporé sur un poste de "police-secours", le "coeur de métier", selon lui, et à Paris, alors que la grande majorité des élèves gardiens de la paix sont affectés en Ile-de-France, souvent dans des zones difficiles.

"Je suis pas sûre que ce soit judicieux d'envoyer les +pious pious+ sans expérience dans des quartiers difficiles, qui peuvent être amenés à devenir chef de bord en quelques mois, c'est prendre un risque", prévient Alexandra*, 33 ans, gardienne de la paix en banlieue parisienne.

Formée à l'école de police de Sens (Yonne), elle a suivi l'ancien cursus de douze mois. Si elle approuve la nouvelle formule, et le passage plus long sur le terrain "dans le concret", elle relève tout de même que "huit mois, ça passe très vite".

Eddy, formateur à l'école de Reims, a vu "passer pas mal d'élèves" depuis neuf ans. "J'ai connu différentes formations, à un moment donné il y a eu des formations de six mois. Alors ces huit mois sont denses, il ne faut pas se le cacher, mais c'est vraiment les bases du métier, ce dont ils vont avoir besoin tout de suite sur le terrain".  

Pour le directeur de l'école de Reims, la formation peut bien durer 8, 10 ou 12 mois, l'important, "c'est qu'on fait après". "Vous dire que cette formation est la solution à tout, c'est un peu tôt", dit Jean-Yves Frère. "Comme on dit, il faut laisser sa chance au produit".

Le "produit" formation constituera l'un des axes de discussion du "Beauvau de la sécurité" prévu en janvier autour d'Emmanuel Macron "améliorer les conditions d'exercice" des forces de l'ordre.

(*) Les prénoms ont été changés


Un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue à Rouen tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
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  • Les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", a indiqué une source policière
  • "L'homme était armé d'un couteau et d'une barre de fer, il s'est approché des policiers qui ont tiré, l'individu est décédé", a précisé à l'AFP une source proche du dossier

PARIS: Un homme armé qui tentait vendredi matin de mettre le feu à une synagogue à Rouen, dans le nord-ouest de la France, a été tué par la police, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", a indiqué une source policière.

"L'homme était armé d'un couteau et d'une barre de fer, il s'est approché des policiers qui ont tiré, l'individu est décédé", a précisé à l'AFP une source proche du dossier.

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X.


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.


Les députés érigent l'agriculture en « intérêt général majeur »

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  • "La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux"
  • L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein

PARIS: Les députés ont approuvé jeudi un article du projet de loi agricole qui prévoit de conférer à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", une innovation juridique censée répondre à une demande des agriculteurs, mais dont les oppositions contestent la portée.

"La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux", énonce cet article-clé du projet de loi.

L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein. "Sur le plan juridique, ça positionne l'agriculture en équilibre avec l'environnement", avait approuvé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole.

"Cela va venir produire, sur le long terme, des effets dans la manière dont vont pouvoir être pondérés différents objectifs de politiques publiques, et dans la manière dont, sur le terrain, des projets agricoles pourront être évalués, réalisés et développés", a affirmé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Plusieurs députés -- à l'instar de juristes --, doutent cependant de sa portée.

La mesure "crée le fantasme d'une remise en cause de la charte de l'environnement" et "donne l'illusion au monde paysan qu'on a répondu de façon démagogique à toutes ces attentes d'être au-dessus du reste des normes, du droit", a fustigé Dominique Potier (PS).

Nicole Le Peih, rapporteure Renaissance, a admis qu'il s'agissait d'une "innovation juridique" qui ne "modifie pas la hiérarchie des normes".

"Il n'y a pas de remise en cause du principe constitutionnel de la protection de l'environnement" mais "lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires, l'agriculture fera désormais l'objet d'une attention spécifique", a-t-elle soutenu.

« Intentions »

L'article propose également une longue définition de la souveraineté alimentaire et agricole de la France, reposant notamment sur sa capacité à "produire, transformer et distribuer" les produits nécessaires à "une alimentation suffisante, saine (et) sûre".

Il pose aussi le principe "d'ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans d'une programmation pluriannuelle de l'agriculture".

Le reste consiste surtout en une longue liste de bonnes pratiques que les politiques publiques sont censées suivre pour assurer cette "souveraineté alimentaire".

L'article a surtout permis à chaque groupe de faire valoir sa vision de l'agriculture, et au camp présidentiel de jouer la carte de la co-construction.

Il a intégré certains objectifs proposés par Les Républicains (justifier et évaluer les surtranspositions avant de les mettre en place, valoriser les agricultrices) ou la gauche (améliorer les conditions de travail des agriculteurs, développer la prévention sanitaire).

Mais l'article "n'a aucune valeur normative" et n'apporte "aucune contrainte", a déploré Sébastien Jumel (PCF). Aurélie Trouvé (LFI), a dénoncé l'absence de mesures pour des "prix planchers".

"C'est caricatural", a rétorqué Henri Alfandari (Horizons), estimant que les agriculteurs demandaient aussi de la clarté sur leurs missions. L'article pose des "intentions qui encouragent", pour Julien Dive (LR).

Les députés RN ont eux fustigé le manque de soutien à leurs amendements.

Les règles de la procédure parlementaire ont aussi donné lieu à une fin de séance kafkaïenne, les députés passant près d'une heure et demie à voter ou rejeter près de 560 amendements, dont certains avaient été débattus de nombreuses heures auparavant.

"C'était complètement dingue", soupirait une députée en sortant, mi-amusée, mi-fatiguée.