NIAMEY: Le président du Nigeria Bola Tinubu a évoqué jeudi l'idée d'une transition de neuf mois pour les militaires au pouvoir au Niger voisin, ces derniers ayant de leur côté haussé le ton contre la France en annonçant leur volonté d'expulser l'ambassadeur français à Niamey.
M. Tinubu qui est également à la tête de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a cité en exemple jeudi la transition de "neuf mois" qui avait été mise en oeuvre dans son pays en 1999.
"Le président ne voit pas de raison que cela ne puisse pas se reproduire au Niger, si les autorités militaires sont sincères", rapporte un communiqué de la présidence nigériane tout en prévenant néanmoins que les sanctions imposées par la Cedeao ne seront pas allégées sans "ajustements positifs" du nouveau régime à Niamey.
C'est la première fois qu'un pays de la Cedeao évoque une durée pour une éventuelle transition.
L'organisation ouest-africaine a toutefois rappelé dans un communiqué jeudi soir que sa position restait "claire" et que les "autorités militaires au Niger doivent restaurer l'ordre constitutionnel immédiatement en libérant et en réinstallant dans ses fonctions le président Mohamed Bazoum", déchu lors du putsch le 26 juillet.
La Cedeao a imposé de lourdes sanctions économiques au Niger depuis fin juillet et a brandi plusieurs fois la menace d'une intervention militaire.
Mardi, l'Algérie, influent voisin du Niger, avait proposé un "plan de transition de six mois" avant un retour à l'ordre constitutionnel.
Les généraux au pouvoir à Niamey avaient évoqué le 19 août une transition de trois ans maximum.
Bras de fer diplomatique
Le régime militaire nigérien est par ailleurs engagé dans un bras de fer diplomatique avec la France, ancienne puissance coloniale et partenaire du pays dans la lutte antijihadiste.
Selon un courrier du ministère des Affaires étrangères nigérien adressé à Paris et daté de mardi, les services de police ont été "instruits afin de procéder à l'expulsion" de l'ambassadeur français Sylvain Itté.
La lettre précise également que les autorités lui ont retiré son immunité et son visa diplomatiques ainsi que ceux des membres de sa famille.
Vendredi soir, les militaires au pouvoir avaient donné 48 heures au diplomate français pour quitter le territoire, ce que Paris a refusé, arguant que ce gouvernement était illégitime et n'avait aucune autorité pour fonder une telle requête.
A l'expiration de ce délai, M. Itté, dont Emmanuel Macron a salué mardi le travail, se trouvait toujours en poste à Niamey.
Jeudi après-midi, les véhicules qui sortaient de l'ambassade de France étaient systématiquement fouillés, ont rapporté plusieurs riverains à l'AFP.
Selon l'article 22 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, les locaux d'une ambassade sont "inviolables" et il n'est pas permis aux agents de l'Etat où ils se trouvent "d'y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission".
Suspension des activités des ONG et organisations internationales dans les «zones d'opérations» militaires
"En raison de la situation sécuritaire du moment et de l'engagement opérationnel actuel des forces armées nigériennes, le ministère informe les organisations internationales, les ONG nationales et internationales et agences onusiennes présentes au Niger, que toute les activités et ou mouvements dans les zones d'opérations sont momentanément suspendus", indique un communiqué du ministère de l'Intérieur lu à la radio nationale, sans préciser les régions concernées.
«Situation irrégulière»
Le Front patriotique pour la souveraineté du Niger (FPSN), une organisation créée au lendemain du putsch et hostile à la présence militaire française au Niger, a qualifié mercredi M. Itté de "citoyen français en situation irrégulière".
Jeudi, le porte-parole de l'état-major français, le colonel Pierre Gaudillière, a averti que "les forces militaires françaises sont prêtes à répondre à tout regain de tension qui porterait atteinte aux emprises militaires et diplomatiques françaises au Niger" et que "des dispositions ont été prises pour protéger ces emprises".
La question du départ des 1.500 soldats basés à Niamey pour aider le Niger dans sa lutte antijihadiste se pose également.
Le 3 août, les généraux au pouvoir ont dénoncé une série d'accords militaires avec la France, une décision que Paris a également ignoré, ne reconnaissant que le président renversé Mohamed Bazoum comme dirigeant légitime du Niger.
Ses deux voisins, le Burkina et le Mali, également confrontés aux attaques jihadistes meurtrières et eux aussi dirigés par des militaires ayant pris le pouvoir par la force en 2020 et 2022, ont rapidement soutenu les nouvelles autorités de Niamey.
Jeudi, le gouvernement burkinabè a approuvé un projet de loi autorisant l'envoi d'un contingent militaire au Niger, sans préciser les modalités.