VIENNE: Les signataires de l'accord sur le nucléaire iranien se sont retrouvés mercredi pour tenter de calmer le jeu dans l'attente de la nouvelle administration américaine, alors que l'Iran s'éloigne toujours plus de ses engagements.
Cette « commission conjointe », virtuelle pour cause de pandémie de Covid-19, a duré environ deux heures et s'est conclue par un communiqué laconique.
« A la lumière des défis actuels, les participants ont discuté des travaux en cours pour préserver l'accord JCPoA et de la manière d'en assurer la mise en œuvre complète et efficace par l'ensemble des parties », a commenté la diplomate représentant l'Union européenne Helga Schmid, qui présidait la rencontre.
L'ambassadeur russe Mikhail Ulyanov a de son côté rappelé « l'engagement ferme » des pays à ce pacte conclu en 2015 à Vienne, mais mis à mal depuis le retrait américain en mai 2018, à l'initiative de Donald Trump, et le rétablissement des sanctions économiques par les Etats-Unis.
Lui et ses partenaires se sont dits « prêts à entreprendre des efforts diplomatiques intenses », a-t-il écrit sur Twitter. A commencer par une « réunion informelle » le 21 décembre, cette fois au niveau des ministres des Affaires étrangères.
« Le prix fort »
Le dossier iranien connaît de nouveaux soubresauts depuis l'assassinat fin novembre d'un éminent physicien nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh.
Dans la foulée de cette attaque attribuée à Israël, Téhéran a durci sa position, fragilisant encore un peu plus le JCPoa (Joint comprehensive plan of action).
Début décembre, Paris, Londres et Berlin ont exprimé leur « profonde préoccupation » face à l'installation de trois nouvelles cascades de centrifugeuses avancées d'enrichissement d'uranium à Natanz (centre de l'Iran).
Les trois pays se sont aussi alarmés de l'adoption par le Parlement iranien d'une loi controversée sur la question nucléaire qui, si elle était promulguée, signerait probablement la mort de l'accord.
Ce texte appelle le gouvernement à nettement renforcer le programme nucléaire et à mettre fin aux inspections de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Pour les différentes parties prenantes (Chine, France, Allemagne, Russie, Royaume-Uni), l'enjeu mercredi était de rappeler Téhéran à l'ordre.
« Nous leur avons dit de se plier à l'accord, de laisser la place à la diplomatie et de ne surtout pas mettre en œuvre la loi », résume un diplomate.
En réponse, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi a répété que Téhéran ne saurait « payer le prix fort » d'un respect de l'accord sans obtenir en échange les avantages économiques promis.
Signaux d'ouverture
Pour résoudre cette question centrale, il faudra toutefois attendre l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, prévue le 20 janvier.
D'ici là, il s'agit d'éviter à tout prix « que la situation ne se dégrade davantage », souligne Rafati, analyste de l'International Crisis Group. En « espérant un nouveau départ sous la prochaine administration américaine ».
Le vainqueur de la présidentielle américaine a confirmé sa volonté de revenir dans le giron de l'accord de Vienne, mettant en garde contre une course à la bombe atomique au Moyen-Orient.
« Les prochaines semaines vont sans doute être agitées », pronostique Ellie Geranmayeh, du Conseil européen des relations internationales. « Les partisans de la pression maximale contre l'Iran vont travailler dur pour ruiner les chances de la diplomatie et d'une stabilisation de l'accord ».
Dans ce contexte tendu, l'exécution samedi de l'opposant Rouhollah Zam, qui a suscité des réactions outrées dans le monde, a accentué le malaise entre l'Iran et l'Occident.
A ce stade, malgré les crispations politiques, « la coopération se déroule normalement » au niveau des inpections de l'AIEA sur le terrain, selon le diplomate.
Et le président iranien Hassan Rohani, opposé au texte voté par les députés conservateurs, multiplie les signaux d'ouverture.
Dès que les sanctions seront levées, « nous reviendrons aussi à tous les engagements que nous avons pris », a-t-il récemment déclaré, invitant Joe Biden à ouvrir une nouvelle page en revenant à la « situation qui prévalait » avant la présidence du « tyran » Donald Trump.
Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a toutefois tempéré l'enthousiasme mercredi. « Les inimitiés ne se limitent pas à l'Amérique de Trump et ne cesseront pas à son départ », a-t-il prévenu devant les hauts responsables de son pays.