PARIS: Jetée dans le débat juste avant le grand raout des chefs de parti autour d'Emmanuel Macron, la piste d'un "préférendum" laisse perplexe, tant au sein de la majorité que chez les constitutionnalistes, tous en peine de définir ce concept.
"Et pourquoi pas un préférendum?" L'air de rien, lundi matin, Olivier Véran a ouvert la boîte à questions. Préférendum, quésaco? "C'est un concept qui nous permettrait de tester plusieurs sujets à la fois au cours d'un même vote", a expliqué le porte-parole du gouvernement sur RMC et BFMTV.
Une "forme de démocratie directe", pas pour déplaire au ministre dont le portefeuille inclut aussi le "renouveau démocratique". D'autant plus "qu'en posant plusieurs questions", l'exécutif espère réduire le risque de "voter pour ou contre celui qui (les) pose". A la rigueur, "les gens vont peut-être se lâcher sur un item et pouvoir répondre sur le fond à l'ensemble des autres".
A cette aune, le "préférendum" ressemble à s'y méprendre au référendum à questions multiples que M. Macron avait envisagé durant son premier mandat, après la crise des gilets jaunes puis la convention citoyenne sur le climat, sans passer à l'acte.
Désormais privé de majorité au Parlement, le chef de l'Etat y songe donc à nouveau, à la veille de son "initiative politique d'ampleur" mercredi.
Réunis en bureau exécutif lundi soir, les cadres du parti Renaissance ont "validé" le principe d'un "référendum avec entre trois et cinq questions" mêlant "de l'international, du national et du pouvoir d'achat", a indiqué Renaud Muselier sur Sud Radio.
Le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur n'a cependant pas caché qu'une interrogation demeure: "Est-ce que la Constitution ou la loi le permet?"
«Autant faire un sondage»
En tout cas, rien ne l'interdit. "Ça ne s'est jamais produit, mais ce n'est pas impossible", observe Dominique Chagnollaud, professeur de droit public à l'université Panthéon-Assas.
A quelques détails près: "Tout dépend comment les questions sont formulées" et si l'ensemble est "cohérent", faute de quoi "le Conseil constitutionnel peut juger que c'est inintelligible", précise cet expert.
Sans oublier l'article 11 de la loi fondamentale, qui limite le champ référendaire à "l'organisation des pouvoirs publics (et) à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation".
Dans ce cadre, "on peut effectivement poser la question le même jour sur plusieurs textes de loi", confirme Bastien François, professeur de science politique à l'université Panthéon-Sorbonne.
Mais si l'objectif est de "prendre la forme du référendum pour demander aux gens ce qu'ils préfèrent", sans "aucune portée normative", alors "autant faire un sondage", suggère-t-il.
Certes, "rien n'interdit de dépenser les moyens de la République pour faire une consultation géante" comme ce fut le cas lors du "grand débat" début 2019, observe M. François. Reste que "la souveraineté nationale appartient au peuple" comme en dispose l'article 3 de la Constitution, et qu'"un souverain ne donne pas son opinion, il décide", souligne-t-il.
Le pouvoir donne plutôt l'impression d'hésiter. Quelques caciques parlent déjà de "pré-référendum", comme une primaire des idées afin d'identifier les thèmes porteurs. Sans méthode préétablie: M. Muselier a évoqué un éventail de réponses allant de "oui, non, peut-être", à "je m'abstiens, ça ne m'intéresse pas ou je n'ai pas d'avis".
Une sorte de questionnaire à choix multiples rappelant le "jugement majoritaire", mis au point par deux chercheurs du CNRS et promu par le collectif Mieux Voter. Méthode utilisée l'an dernier par la "primaire populaire" remportée par Christiane Taubira, qui avait ensuite échoué à recueillir assez de parrainages pour concourir à la présidentielle