PARIS: Contre "l'affaiblissement" de l'Europe et au service des "intérêts" de la France: Emmanuel Macron a déroulé lundi une feuille de route diplomatique offensive pour l'année à venir, malgré des marges de manoeuvre limitées.
De l'Afrique au Nagorny-Karabakh en passant par le Pacifique et le Moyen-Orient, le chef de l'Etat a invité les ambassadeurs de France, réunis à l'Elysée, à être présents sur tous les fronts.
Le contexte international "se complique et fait courir le risque d'un affaiblissement de l'Occident et plus particulièrement de notre Europe", a-t-il averti dans un discours de près de deux heures, évoquant la guerre en Ukraine et l'émergence de nouvelles puissances.
"Il y a une remise en cause progressive de notre ordre international (dans lequel) l'Occident avait une place prépondérante", a-t-il souligné, tout en se refusant au pessimisme.
Dernier exemple en date, le coup d'Etat au Niger, le troisième pays du Sahel à devoir y faire face après le Burkina et le Mali. Les militaires ayant pris le pouvoir à Niamey ont depuis engagé un bras de fer avec la France, qui compte 1.500 soldats dans le pays.
"Ni paternalisme, ni faiblesse, parce que sinon on n'est plus nulle part", a lancé Emmanuel Macron, alors que Paris est confronté à une remise en cause de sa politique en Afrique et un procès en post-colonialisme dans son ancien pré-carré.
«De l'audace»
Le chef de l'Etat a égratigné au passage Washington et certaines capitales européennes, dont Berlin et Rome, qui privilégient la diplomatie dans la crise nigérienne, quand la France se dit prête à soutenir une solution militaire si la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) décidait de franchir ce pas.
"On nous explique que la bonne politique serait de lâcher (le président nigérien Mohamed Bazoum) parce que c'est devenu à la mode, parce qu'en fait il faudrait produire local maintenant, même quand ce sont des putschistes", a-t-il ironisé.
Dans le conflit opposant l'Arménie et l'Azerbaïdjan sur l'enclave du Nagorny Karabakh, le président français a annoncé une prochaine "initiative diplomatique" afin d'"accroître la pression", après plusieurs tentatives pas toujours fructueuses.
"J'aurai l'occasion d'échanger cette semaine avec le Premier ministre (arménien Nikol) Pachinian et avec le président (azerbaïjanais) Ilham Aliev", a-t-il indiqué, demandant le "plein respect du corridor humanitaire de Latchine" reliant l'enclave à l'Arménie.
Réagissant à l'élargissement du bloc des pays émergents dits Brics -- qui incluent la Russie et la Chine, rivaux majeurs des Etats-Unis -- à six nouveaux pays, il a concédé "une volonté de faire émerger un ordre alternatif".
En réponse, les Européens doivent "travailler à des formats nouveaux" avec certains membres des Brics comme l'Inde et le Brésil sur l'agenda climatique, énergétique ou d'autres, a-t-il dit.
De "l'audace", il en faudra aussi à l'Union européenne, a-t-il souligné, plaidant pour plus "d'intégration" dans le coeur même de l'UE, voire "plusieurs vitesses" alors que l'Ukraine, la Moldavie et les pays des Balkans frappent à sa porte.
«Rayonnement» français
Le président Macron a par ailleurs annoncé que la prochaine conférence régionale de soutien à l'Irak, dont la France est co-organisatrice, aurait lieu "fin novembre" à Bagdad.
Ce sera la troisième édition de ce forum encore modeste, qui vise à "consolider un agenda régional" de sécurité en réunissant les voisins de l'Irak, parfois très antagonistes.
Le chef de l'Etat s'est montré très réservé sur la réintégration de la Syrie dans certaines instances régionales comme la Ligue arabe. Une telle réinsertion implique une "coopération accrue" de la Syrie dans la lutte anti-terroriste et le retour de réfugiés dans leur pays avec des "garanties de protection, de reconnaissance et de sécurité" de la part de Damas.
Concernant l'Iran, "d'expérience, je ne saurais trop me féliciter avec beaucoup d'enthousiasme" des récentes "avancées", a-t-il mis en garde, alors que Téhéran mène des pourparlers indirects avec les Etats-Unis en vue de relancer l'accord sur le nucléaire iranien, quasi-moribond.
Face aux campagnes de désinformation visant la France en Afrique et aux guerres d'influence entre puissances, le chef de l'Etat a aussi une nouvelle fois appelé le groupe France Médias Monde, qui regroupe la radio RFI et la chaîne de télévision France 24, à oeuvrer comme un "formidable levier de rayonnement".