SAN FRANCISCO: Le marché attendait beaucoup de Nvidia, et le géant américain des processeurs avait lui-même mis la barre haut, mais ses résultats de deuxième trimestre ont quand même largement dépassé toutes les prévisions, montrant l'importance des investissements dans l'intelligence artificielle (IA).
Pour la période de mai à juillet, le groupe californien a doublé son chiffre d'affaires sur un an, à 13,5 milliards de dollars. Il en a dégagé 6,2 milliards de bénéfice net, soit 843% de plus que l'année dernière à la même période.
"Le parrain de l'IA (...) a réussi un coup de maître", a immédiatement réagi Dan Ives, analyste de Wedbush.
"L'ensemble du secteur technologique et du marché attendait Nvidia, car il s'agit du baromètre le plus pur et le plus précis de la demande en matière d'IA", a-t-il ajouté.
A Wall Street, le titre de Nvidia prenait près de 10% lors des échanges électroniques après la clôture de la Bourse.
Depuis le début de l'année, son action a gonflé de 200% et l'entreprise est entrée dans le cercle très fermé des sociétés qui valent plus de mille milliards de dollars en Bourse (dont Apple, Microsoft, Amazon et Alphabet).
Le patron de Nvidia, Jensen Huang, a salué mercredi lors d'une conférence téléphonique des résultats "record", dus à "l'énorme demande" pour les plateformes et semi-conducteurs conçus par son entreprise.
"Les centres de données installés dans le monde représentent actuellement environ mille milliards de dollars. Et ils sont tous en train de passer à l'IA générative", la dernière génération de cette technologie, et à des processeurs perfectionnés plus rapides, a-t-il assuré.
Les ventes de Nvidia aux entreprises du cloud ont dépassé les 10 milliards de dollars pendant le trimestre écoulé, soit un bond de 171% sur un an.
«Époustouflants»
Dan Ives a comparé le bouleversement induit par l'IA à l'émergence d'internet en 1995, "car cette vague de dépenses devrait, selon nos estimations prudentes, se traduire par une augmentation de 800 milliards de dollars des dépenses des entreprises et des consommateurs au cours de la prochaine décennie".
Les chiffres "époustouflants" de Nvidia prouvent selon lui "qu'il ne s'agit PAS d'un cycle de battage médiatique, mais d'une véritable transformation".
Pour le trimestre en cours, l'entreprise prévoit environ 16 milliards de dollars de revenus, un chiffre aussi au-delà des attentes.
Le groupe américain est d'abord connu pour ses processeurs graphiques (les "GPU"), qui permettent notamment de jouer à des jeux vidéo en haute résolution ou de faire des visioconférences.
Mais l'engouement pour l'IA dite générative suscite des besoins énormes dans ces composants de pointe depuis le début de l'année.
Le produit vedette de Nvidia, le H100, est de loin le plus demandé du secteur et vaut plusieurs dizaines de milliers de dollars pièce.
Il permet aux géants des technologies de lancer des programmes capables de créer du texte, de la musique, des images ou de la vidéo sans intervention humaine, en réponse à une requête en langage courant, à l'instar de ChatGPT.
Selon le cabinet d'étude TrendForce, cette interface nécessite environ 30 000 processeurs graphiques (GPU) pour fonctionner.
"Pratiquement tous les secteurs d'activité peuvent bénéficier de l'IA générative", a estimé Jensen Huang, évoquant notamment les assistants virtuels qui aident ou aideront les ingénieurs à coder, les consommateurs à choisir des produits, les étudiants à faire leurs devoirs, etc.
"Ces assistants vont créer des opportunités de l'ordre de plusieurs centaines de milliards de dollars pour nos clients", a-t-il insisté.
Chine
La production de l'écrasante majorité des semi-conducteurs utilisés pour l'entraînement de modèles d'intelligence artificielle dans le monde dépend de deux entreprises, Nvidia pour la conception, et le Taïwanais TSMC pour la fabrication.
Et cette industrie est considérée comme un enjeu de sécurité nationale par certains gouvernements.
Les Etats-Unis cherchent ainsi à réduire leur dépendance aux principaux producteurs, en soutenant des fabricants américains comme Intel.
Washington a aussi imposé des restrictions aux exportations de puces haut de gamme vers la Chine, qui a elle restreint les exportations de certains métaux nécessaires pour produire des semi-conducteurs.
"Les lois (américaines) actuelles ont les effets escomptés", a souligné Jensen Huang, qui a cofondé Nvidia il y a trente ans.
Mais il a averti que si jamais le gouvernement décidait d'interdire la vente de GPU aux centres de données à la Chine, cela signifierait "une opportunité perdue pour l'industrie américaine d'être concurrentielle et leader sur l'un des plus grands marchés du monde".