PARIS: Invité vedette devenu encombrant, le rappeur Médine cannibalise la rentrée politique des écologistes, piégés dans une polémique sur l'antisémitisme quand l'événement devait être l'occasion de lancer en grande pompe leur campagne pour les européennes.
Tous les feux étaient au vert: des sondages encourageants, une stratégie et une tête de liste - l'eurodéputée Marie Toussaint - largement validées par les militants, et même une canicule tardive pour remettre la question climatique au premier plan juste avant la rentrée.
La tempête Médine a tout emporté. Un simple tweet, dans la torpeur du mois d'août, a suffi à relancer les accusations d'antisémitisme contre l'artiste, dont les excuses n'ont pas convaincu. Pour lui, qualifier l'essayiste Rachel Khan, juive et petite-fille de déportés, de "resKHANpée", était une "formule pas adaptée".
C'était surtout "incontestablement antisémite", relève Yannick Jadot mardi dans un entretien au quotidien régional L'Union. Comme d'autres ténors d'EELV, l'ex-candidat à la présidentielle souhaite que le rappeur "fasse des déclarations extrêmement claires" lors de son débat jeudi avec la patronne du parti, Marine Tondelier.
Mais le mal est fait. "Je crains qu'on ne retienne que cette polémique", regrette M. Jadot, alors que ces journées d'été devaient à la fois "être la démonstration que les écologistes peuvent gouverner ce pays" et "lancer la campagne des européennes de 2024". Un boulevard transformé en impasse par la seule "faute" des Verts et des "polémiques (qu'ils) savent créer à répétition", assène-t-il.
Son prédécesseur Noël Mamère dressait dès la semaine dernière le même constat désabusé d'une "occasion ratée", voyant sa famille politique "en train de prêter le flanc à tous ceux qui nous haïssent (et) nous traitent d'islamo-gauchistes".
Malgré ces dissensions, Mme Tondelier a maintenu l'invitation de Médine, expliquant encore lundi dans Le Parisien les propos du rappeur par un "antisémitisme insidieux, qui se colporte par mimétisme, ignorance ou maladresse".
«Problème de flou»
Puisqu'il y sera, d'autres ont renoncé à venir. Comme la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, qui juge que le rappeur "a une position trop ambiguë sur l'antisémitisme" et "avait plaidé pour l'annulation" de sa venue. Ou celui de Bordeaux, Pierre Hurmic, qui refuse de se "disperser dans de vaines polémiques" et préfère rester dans sa ville écrasée par la chaleur.
Deux défections qui ne constituent "pas du tout un acte de revendication ou d'opposition" selon la direction du parti, pour qui "chacun a le droit d'exprimer une sensibilité différente".
La remarque vaut aussi pour les adversaires politiques. Le ministre de l'Industrie, Roland Lescure, s'est ainsi décommandé dans la foulée du tweet litigieux, estimant que le rappeur "joue avec l'ambiguïté". Mardi, c'est l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, pressenti pour un mot de bienvenue, qui a fait savoir qu'il ne se rendrait pas à cet événement organisé dans sa ville du Havre, mais qu'il recevrait certains élus écologistes dans sa mairie, "de façon républicaine".
D'autres ont toutefois confirmé leur participation, comme Grégory Doucet mardi matin sur RTL: "J'irai écouter ce que Médine a à dire et je me ferai ma propre opinion", a déclaré le maire de Lyon, pour qui le tweet "extrêmement maladroit" du rappeur est un "sujet mineur", relevant de la "cuisine interne" d'EELV.
Au même moment, la députée Sandrine Rousseau se désolait sur RMC et BFMTV d'un "problème de flou (...) puisque manifestement une partie des personnes ne considère pas que c'est antisémite", tout en espérant que l'artiste "évolue sur la question" à la faveur de son débat avec Mme Tondelier.
Mais tout de même, "le tweet qu'il a fait changeait la donne" et les organisateurs auraient "pu réfléchir au fait qu'il ne vienne pas". Trop tard pour reculer: "Maintenant il est invité, il faut aller jusqu'au bout". Et tant pis si "ça fait trois semaines qu'on est dans cette polémique".