PARIS : Les festivals sont devenus en quelques années le chantier d'expérimentation d'un monde sans espèces, à l'image du Cabaret Vert, qui se déroule ce week-end à Charleville-Mézières (Ardennes), mais restent surveillés par la Banque de France.
«La monnaie officielle du festival est le Bayard», explique l'organisation sur son site internet. Avis aux festivaliers, cette monnaie «dématérialisée grâce au système cashless» (sans espèces, NDLR) est «l'unique moyen de régler vos consommations».
Dans la pratique, les participants reçoivent un bracelet à l'entrée de l'événement qu'ils rechargent à loisir, en espèces à un stand dédié ou avec leur carte bancaire.
Ce porte-monnaie électronique, qui comprend également leur billet d'entrée ou leur éventuel accès au camping, est utilisable sans contact aux différents stands et buvettes.
«Je trouve que le cashless est très pratique car on ne se balade pas avec du liquide ou sa carte bleue sur le site», raconte à l'AFP Elise Krolak, 31 ans, bénévole.
«La vie sans cash est cool», abonde Maxence Hachon, 17 ans, venu écouter 5 jours de concert, «on n'a pas besoin de stresser car notre argent est toujours à notre poignet et pour les paiements c’est bien plus rapide».
- Consommer davantage -
Au Cabaret Vert comme dans la plupart des grands festivals, deux arguments ont permis aux dispositifs «cashless» d'emporter le morceau.
Ils permettent de «limiter très fortement la circulation du liquide sur le festival» et d'augmenter la «rapidité d'encaissement», souligne auprès de l'AFP Frédéric Leclef, directeur général délégué de Lyf, qui propose une solution de paiement via une application mobile.
Stockage, transport, erreurs de caisse voire tentations d'y piocher: le premier point répond à des questions de sécurité.
Ces paiements permettent également un meilleur contrôle de l'organisateur sur les rentrées d'argent des bars et autres foodtrucks présents sur le festival, surtout lorsque ceux-ci sont tenus par des prestataires extérieurs qui ont négocié avec l'organisateur un partage de revenus.
Ce moyen de paiement est aussi plus rapide que le paiement en espèces: plus besoin d'appoint côté festivalier, ni de rendu monnaie côté staff, de quoi limiter le temps d'attente entre deux concerts de Christine and the Queens et Juliette Armanet, par exemple.
«Si les gens font moins la queue, ils profitent plus de l'événement, ils peuvent consommer plus», observe auprès de l'AFP le cofondateur et directeur général du service de billetterie en ligne Weezevent Pierre-Henri Deballon, de quoi «doper les recettes».
Selon lui, les organisateurs de festival constatent une augmentation de leur chiffre d’affaires d'à peu près 10% lorsqu'une solution «cashless» est mise en place, une combinaison de gain de temps mais aussi de transactions «indolores» pour le festivalier, amené à dépenser davantage quand l'argent n'est pas matérialisé.
- Batterie à contretemps -
Deux technologies se font concurrence dans le domaine du «cashless»: l'usage d'un porte-monnaie électronique, souvent matérialisé par une carte ou un bracelet et chargé d'un montant défini par le festivalier, et celui d'une application mobile directement liée à une carte bancaire.
La première est souvent payante, c'est le cas par exemple du Cabaret Vert qui facture un euro de «frais d’activation».
De plus, rares sont les festivaliers qui dépensent exactement la somme chargée. Le remboursement est alors plus ou moins complexe: il n'est ouvert qu'un mois pour le Cabaret Vert, et ne se fait que sur une carte bancaire.
Selon le patron de Weezevent, les organisateurs récupèreraient en moyenne 5% des sommes chargées, laissées de côté ou volontairement reversées par les festivaliers, une manne non négligeable pour des organisations parfois juste à l'équilibre.
La seconde option, via une application, n'est pas non plus parfaite car elle dépend de la batterie des téléphones portables des festivaliers, mise à mal par le manque de prise de courant et l'usage à outrance de la caméra, mais aussi par des difficultés d'accès au réseau, parfois proche de la saturation en raison de la forte concentration de personnes.
L'éviction du cash a par ailleurs fait tiquer la vénérable Banque de France, qui rappelait en juin via le Comité national des moyens de paiement que les espèces doivent «être acceptées par les commerçants (...) lors de manifestations telles que des festivals ou des manifestations sportives».