NIAMEY: Les dirigeants de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) vont à nouveau se réunir jeudi pour évoquer la situation au Niger, deux semaines après un coup d'Etat et la fin dimanche de leur ultimatum exigeant le retour à l'ordre constitutionnel sous peine d'utiliser la "force".
"Au cours de cette rencontre, les dirigeants de l’organisation ouest-africaine se pencheront sur la situation politique et les récents développements au Niger", indique lundi un communiqué de la Cédéao.
Le sommet aura lieu à Abuja, capitale du Nigeria dirigé par Bola Tinubu, président en exercice de l'organisation régionale.
Le 30 juillet, lors d'un précédent sommet à Abuja, les dirigeants ouest-africains avaient donné un ultimatum d'une semaine aux militaires ayant pris le pouvoir à Niamey pour rétablir le président Mohamed Bazoum, sous peine d'une intervention armée pour ce faire.
Les chefs d'état-major de la région avaient même dessiné les "contours" de cette éventuelle intervention, mais elle n'a pas été déclenchée à l'issue de l'ultimatum, qui s'est achevé dimanche à 23H00 GMT.
Selon une source proche de la Cédéao, une intervention n'est pas envisagée à ce stade. La voie du dialogue semble donc être toujours sur la table et les Etats-Unis, alliés du Niger, pourraient y participer, selon cette source.
De son côté, "la junte a demandé à la délégation de la Cédéao de revenir", ses membres "seront à Niamey probablement aujourd'hui (lundi) ou demain", a déclaré lundi le Premier ministre nigérien Ouhoumoudou Mahamadou lors d'une interview accordée à TV5 Monde.
La délégation de la Cédéao arrivée jeudi soir à Niamey pour trouver une sortie de crise était pourtant repartie quelques heures plus tard, sans avoir rencontré ni le chef des militaires au pouvoir, le général Abdourahamane Tiani, ni le président renversé Mohamed Bazoum.
Il est encore "possible" de mettre fin par la diplomatie au coup d'Etat au Niger, a estimé lundi un porte-parole de la diplomatie américaine à Washington, Matthew Miller.
Le représentant du secrétaire général de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel, Léonardo Santos Simao, est, lui, "actuellement à Abuja" pour un dialogue avec les "parties prenantes régionales", selon un communiqué de l'organisation.
Diplomatie
Plusieurs voix africaines ont rejeté ces derniers jours l'option militaire.
Une intervention militaire pourrait être "une catastrophe", a prévenu lundi à Bamako le chef de la diplomatie malienne Abdoulaye Diop.
Les sénateurs du Nigeria, poids lourd de la Cédéao, ont appelé à renforcer "l'option politique et diplomatique". L'Algérie, autre voisin du Niger et acteur majeur dans le Sahel, a estimé par la voix de son président Abdelmadjid Tebboune qu'une intervention serait une "menace directe" contre son pays.
Certains pays occidentaux se sont également dit lundi favorables à une solution diplomatique, dont l'Allemagne qui estime que les efforts de médiation n'en sont "qu'à leur début", et l'Italie, dont le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani a dit "espérer" que l'ultimatum de la Cédéao allait être "prolongé".
Niger: la fermeture de l'espace aérien complique certaines dessertes aériennes en Afrique
La fermeture de l'espace aérien du Niger par les militaires qui ont pris le pouvoir à Niamey complique la desserte de certaines destinations africaines par les compagnies européennes qui ont dû s'adapter lundi parfois en urgence.
Peu après la fermeture de l'espace aérien nigérien, "jusqu'à nouvel ordre", plusieurs appareils en vol ont dû immédiatement se dérouter.
Des vols depuis Libreville, Douala, Kinshasa et Cotonou à destination de Paris ont dû revenir à leur point de départ pour reprendre du carburant en prévision d'un trajet rallongé de façon à pouvoir contourner l'immense territoire nigérien, a affirmé Air France-KLM à l'AFP.
Un autre vol reliant Nairobi à Paris a dû être dérouté sur Casablanca au Maroc, un vol venant de Johannesburg à destination de la capitale française être redirigé vers Abidjan en Côte d'Ivoire, là aussi pour compléter le plein de kérosène.
Air France, principale compagnie aérienne entre l'Europe et l'Afrique, n'a pas été la seule affectée.
Un vol Johannesburg-Amsterdam de KLM a dû être dérouté sur Athènes, tandis qu'un autre de Virgin Airways parti de la capitale économique sud-africaine a dû se poser à Lagos pour refaire le plein.
Un vol British Airways parti de l'Ile Maurice à destination de Londres a dû faire demi-tour au-dessus de la Centrafrique en apprenant la fermeture de l'espace aérien nigérien.
Une mésaventure similaire arrivée à un autre vol de British Airways, Londres-Johannesburg, contraint de rebrousser chemin alors qu'il se trouvait au-dessus de l'Algérie, selon les données de Flightradar24.
Un A330 d'Air Belgium Bruxelles-Johannesbourg a lui vu son temps de parcours prolongé d'une heure pour rejoindre la capitale économique sud-africaine.
"Un allongement des temps de vols de et vers plusieurs escales subsahariennes est à prévoir", selon Air France qui évoque 15 minutes à deux heures de plus pour le Tchad et l'Afrique du Sud.
Outre le Niger, les compagnies aériennes ne peuvent survoler la Libye et le Soudan, selon les préconisations de l'Agence européenne de sécurité aérienne (EASA).
La compagnie française "ne desservira plus l'aéroport de Niamey-Diori Hamani jusqu'à nouvel ordre", a ajouté Air France, qui effectuait quatre vols par semaine vers la capitale nigérienne.
Air France indique en outre avoir suspendu ses vols à destination de Bamako (7 vols par semaines) et Ouagadougou (5 vols par semaines) "jusqu’au 11 août inclus".
Les autorités maliennes et burkinabè ont apporté leur soutien aux auteurs du coup d'Etat au Niger.
L'armée malienne a envoyé à Niamey une délégation officielle conjointe Mali-Burkina Faso.
"Nous avons réitéré" la "décision des présidents (burkinabè Assimi) Goïta et (malien Ibrahim) Traoré de participer pleinement aux opérations de légitime défense aux côtés des Forces de défense et de sécurité nigériennes", a affirmé le porte-parole du gouvernement malien Abdoulaye Maïga.
Le Burkina Faso et le Mali, voisins du Niger eux aussi gouvernés par des militaires et confrontés à la violence des groupes jihadistes, ont souligné ces derniers jours qu'une intervention armée serait "une déclaration de guerre" à leurs deux pays.
Vols perturbés
Dimanche, les militaires nigériens s'en sont à nouveau pris à la France sans la nommer, mettant en garde la Cédéao, qu'ils jugent "à la solde" d'une "puissance étrangère, contre toute ingérence dans les affaires intérieures du Niger".
Peu avant la fin de l'ultimatum fixé par la Cédéao, ils ont annoncé fermer l'espace aérien du Niger "jusqu'à nouvel ordre", invoquant une "menace d'intervention qui se précise à partir des pays voisins". "Tout Etat impliqué sera considéré comme cobelligérant", ont-ils ajouté.
La fermeture de l'espace aérien perturbait lundi la desserte de certaines destinations africaines par les compagnies européennes.
Lundi, Niamey était calme et aucun déploiement exceptionnel des forces de sécurité n'y était visible, selon des journalistes de l'AFP.
Dimanche, quelque 30.000 partisans des militaires se sont livrés à une démonstration de force en se rassemblant dans le plus grand stade du pays, dans la capitale.
Le président Mohamed Bazoum, renversé le 26 juillet, est depuis retenu prisonnier.
Dimanche, la ministre des Mines, Ousseini Hadizatou, a été remise en liberté "pour des raisons médicales", a affirmé lundi un membre de son entourage. Selon une source proche du parti du président déchu, "toutes les autres personnalités, ministres et responsables politiques arrêtés sont toujours détenus".
Niger: les militaires au pouvoir demandent un dialogue avec la Cédéao, selon le Premier ministre
Les militaires auteurs du coup d'Etat au Niger ont demandé à la délégation de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) de "revenir" à Niamey, a affirmé lundi le Premier ministre nigérien Ouhoumoudou Mahamadou lors d'une interview accordée à la chaîne TV5 Monde.
"La junte a demandé à la délégation de la Cédéao de revenir", ses membres "seront à Niamey probablement aujourd'hui (lundi) ou demain", a-t-il déclaré.
La délégation de la Cédéao arrivée jeudi soir à Niamey pour trouver une sortie de crise était repartie quelques heures plus tard, sans avoir rencontré ni le chef des militaires au pouvoir, le général Abdourahamane Tiani, ni le président renversé Mohamed Bazoum.
Le lendemain de l'expiration de l'ultimatum posé par la Cédéao aux militaires au pouvoir pour rétablir l'ordre constitutionnel (avant dimanche 23h GMT), l'organisation ouest-africaine, qui avait menacé d'utiliser la "force", a annoncé que ses dirigeants se réuniront jeudi à Abuja, au Nigeria, pour un "sommet extraordinaire".
Vendredi dernier, les chefs d'état-major de la Cédéao avaient défini les contours d'une "éventuelle intervention militaire" contre les auteurs du coup d'Etat, selon un responsable de l'organisation.
Alors qu'aucune intervention militaire n'a eu lieu pour le moment, "nous ne sommes pas déçus, parce que notre objectif, ce n'est pas l'intervention militaire. Notre objectif, c'est la restauration de la démocratie et la fin de la séquestration du président Bazoum", a assuré M. Mahamadou.
Le Premier ministre a indiqué que les conditions de vie du président Mohamed Bazoum, séquestré depuis le jour du coup d'Etat, le 26 juillet, avec son fils et sa femme, se durcissent. "On leur a coupé l'électricité, on leur a coupé l’eau", a-t-il déploré.
"La négociation est encore possible", a-t-il lancé.
Il a dit ne pas être "surpris" par les manifestations de soutien aux militaires, affirmant que "pour remplir le stade comme cela a été fait, il suffit de mettre les moyens, de promettre des per diem à ceux qui (y) participent", en référence aux 30.000 partisans du coup d'Etat rassemblés dimanche au stade Seini Kountché à Niamey.
Enfin, selon M. Mahamadou, le "sentiment anti-français", exprimé par des drapeaux et des slogans hostiles à la France lors des manifestations pro-militaires à Niamey, est "une manipulation" par "un petit groupuscule d'acteurs soi-disant de la société civile".
"Ce que nous attendons de la France, c'est qu'elle continue de soutenir le Niger", a-t-il ajouté.