La Tunisie: malgré la démocratisation, une révolution inachevée

La Tunisie s'est débarrassée il y a dix ans du régime dictatorial et kleptocrate de Zine el Abidine Ben Ali (Photo, AFP/Archives)
La Tunisie s'est débarrassée il y a dix ans du régime dictatorial et kleptocrate de Zine el Abidine Ben Ali (Photo, AFP/Archives)
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Publié le Lundi 14 décembre 2020

La Tunisie: malgré la démocratisation, une révolution inachevée

  • «On a fait des droits civiques et politiques une priorité, mais on a négligé les droits économiques et environnementaux», dit Selim Kharrat
  • Ce contexte risque de «remettre en cause tout ce que l'on a réalisé sur le plan politique»

TUNIS: La Tunisie s'est débarrassée il y a dix ans du régime dictatorial et kleptocrate de Zine el Abidine Ben Ali. Mais ni la justice ni l'appareil sécuritaire n'ont été réformés, et l'économie, durablement grippée, reste sous la coupe de quelques clans. 

Lorsque Ben Ali a fui le 14 janvier 2011, après une manifestation monstre inédite, seuls quelques membres de la famille et conseillers directs ont quitté le pouvoir avec lui. 

Alors que la police fut le principal pilier du régime, seuls «54 cadres du ministère de l'Intérieur ont été écartés en 2011», puis une poignée d'autres en 2013, explique Oula Ben Nejma, vice-présidente de l'organisation de réforme pénale et sécuritaire, qui a dirigé les investigations de la « justice transitionnelle ». 

« Ils n'ont pas été jugés ni sanctionnés, et les autres ont vu leur carrière continuer à évoluer, y compris ceux qui sont poursuivis par la justice spécialisée pour des crimes commis sous Ben Ali », ajoute-t-elle. 

Dans la foulée de la révolution, quelques tortionnaires ont été condamnés, le service de Sûreté de l'Etat, qui torturait ouvertement dans les geôles du ministère de l'Intérieur, a été dissous, et la Constitution de 2014, saluée à l'international, a clairement redéfini le rôle de la police en démocratie. 

Mais, après une période d'ouverture, « des démons du passé ont voulu reprendre du service », affirme Sihem Bensedrine, ex-présidente de l'Instance vérité et dignité (IVD), institution créée après la révolution pour enquêter sur les crimes des dictatures. 

Le fléau du jihadisme a ranimé la tentation sécuritaire et ralenti les efforts pour mieux respecter les droits des justiciables, avec des mesures de surveillance peu encadrées, et un état d'urgence en vigueur sans discontinuer depuis une série d'attentats en 2015. 

« Courage kamikaze »  

Certains syndicats de police formés après 2011 sont devenus des instruments de pression politique, avec des interventions parfois musclées dans des tribunaux pour empêcher toute poursuite contre des forces de l'ordre. 

Si la torture n'est plus érigée en système, le vent démocratique n'a pas balayé cette pratique: depuis 2013, l'Organisation mondiale contre la torture a pris en charge 500 victimes directes, et dénonce l'« impunité quasi totale » des auteurs. 

Lorsque des tribunaux spéciaux ont commencé en 2018 à juger les meurtres, viols et tortures commis entre 1955 et 2013, les autorités sécuritaires ont entravé le processus et les policiers témoins ou accusés ont quasiment tous refusé de comparaître. 

Pour s'assurer que les dérives du régime déchu ne se reproduisent pas, l'IVD, dont le difficile mandat s'est achevé en 2018, avait notamment préconisé la création d'une "instance de contrôle de la police », et d'un service de renseignement soumis à un contrôle parlementaire. Des recommandations restées lettre morte. 

Pire: à défaut d'améliorer la formation ou les conditions de travail des policiers, les autorités ont à plusieurs reprises tenté de faire passer une loi leur accordant davantage d'impunité dans le recours à la force. Elles y ont renoncé face au rejet de la société civile. 

« Il faut un courage politique presque kamikaze » pour s'attaquer à une réforme des secteurs de la police et judiciaire, qui ont de profonds relais politiques, estime le politologue Selim Kharrat. 

Au sein de la justice, largement instrumentalisée sous le régime déchu, les magistrats les plus en vue de l'ère Ben Ali ont été écartés, mais rien n'a été fait pour demander des comptes aux juges corrompus. 

Economie de rente  

Dans son rapport final en 2019, l'IVD préconisait un renforcement de l'indépendance des magistrats et des tribunaux administratifs - là encore sans que cela ne se soit concrétisé.  

Mais dans cette démocratie saluée comme la seule réussite du Printemps arabe, avec une nouvelle Constitution, des élections libres et une liberté d'expression, le plus vaste chantier reste celui de la réforme de l'économie. 

« On a fait des droits civiques et politiques une priorité, mais on a négligé les droits économiques et environnementaux », dit Selim Kharrat. 

Il se réjouit que, depuis deux ans, le débat public se saisisse d'une clef du problème: le « capitalisme de copinage », entretenu par l'Etat, « et ces conglomérats familiaux qui ont la mainmise" sur des pans de l'économie. 

Ce système de rente consistant à confier des privilèges d'exploitation à telle ou telle famille durant les colonisations s'est amplifié sous Ben Ali. Et il continue à limiter l'accès aux affaires à ceux qui sont extérieurs au cénacle, au détriment du développement du pays. 

Ainsi, « l'Etat impose aux compagnies de transport routier d'avoir soit un seul camion, soit plus de 18 - garantissant aux gros acteurs déjà en place de se partager le marché sans concurrence », prend pour exemple Louaï Chebbi, président de l'ONG Alerte, lancée récemment pour lutter contre ce fléau. 

De même, chaque marque de voiture ne peut être importée que par un seul concessionnaire, garantissant de juteuses exclusivités à un groupe longtemps détenu par un gendre de Ben Ali et racheté en 2013 par une famille bien établie. 

Nostalgie de l'ancien régime  

Signe que la chute du régime n'a pas mis fin aux mauvaises habitudes, la perception de la corruption a augmenté depuis la chute de Ben Ali: la Tunisie a perdu 15 places entre 2010 et 2017 au classement de l'ONG Transparency. 

Les participations croisées de plusieurs conglomérats et de l'Etat dans les banques compliquent l'accès au crédit pour ceux qui n'appartiennent pas aux réseaux existants. 

Des start-ups ayant lancé des systèmes de paiement via smartphone ont été écartées par l'obligation d'avoir un capital d'au moins cinq millions de dinars (1,5 million d'euros), un montant plus élevé qu'ailleurs. Là aussi au bénéfice d'acteurs établis, déplore M. Chebbi. 

Ce système d'autorisations existe jusqu'au bas de l'échelle, perpétuant un clientélisme qui exclut des secteurs entiers de la société. 

Or, le marasme social (inflation, hausse du chômage....), accentué par les retombées dévastatrices du Covid-19, sapent la démocratisation et alimentent même une nostalgie de l'ancien régime, qui cultivait l'image d'une réussite économique. 

Ce contexte risque de « remettre en cause tout ce que l'on a réalisé sur le plan politique », met en garde Radhouane Erguez, du laboratoire d'idées Joussour. 


L'aviation israélienne pilonne la banlieue sud de Beyrouth, 22 morts dans l'est du Liban

Un Palestinien marche à côté des débris d'un bâtiment à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 21 novembre 2024, alors que la guerre entre Israël et les militants palestiniens du Hamas se poursuit. (AFP)
Un Palestinien marche à côté des débris d'un bâtiment à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 21 novembre 2024, alors que la guerre entre Israël et les militants palestiniens du Hamas se poursuit. (AFP)
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  • L'aviation israélienne a pilonné tout au long de la journée de jeudi la banlieue sud de Beyrouth ainsi que l'est du Liban, où 22 personnes ont été tuées selon les autorités
  • L'Agence nationale d'information (ANI, officielle), a recensé 12 frappes sur la banlieue sud, certaines "très violentes", l'armée israélienne disant avoir attaqué des centres de commandement et des infrastructures du Hezbollah

BEYROUTH: L'aviation israélienne a pilonné tout au long de la journée de jeudi la banlieue sud de Beyrouth ainsi que l'est du Liban, où 22 personnes ont été tuées selon les autorités, le Hezbollah revendiquant sa frappe la plus profonde en Israël depuis plus d'un an d'hostilités.

L'Agence nationale d'information (ANI, officielle), a recensé 12 frappes sur la banlieue sud, certaines "très violentes", l'armée israélienne disant avoir attaqué des centres de commandement et des infrastructures du Hezbollah.

Les raids ont été précédés par des appels de l'armée israélienne à évacuer certains quartiers.

Les images de l'AFPTV montraient d'épaisses colonnes de fumée sur la banlieue sud de la capitale libanaise, désertée par une grande partie de ses habitants en raison des frappes quotidiennes qui la visent depuis fin septembre.

Les frappes, qui s'étaient arrêtées mardi, ont repris au lendemain du départ de l'émissaire américain Amos Hochstein, qui tente d'arracher un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

Après Beyrouth, il devait rencontrer jeudi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

Des frappes israéliennes ont également visé jeudi l'est et le sud du Liban, bastions du Hezbollah, selon l'ANI.

Les frappes de "l'ennemi israélien" sur cinq zones de la région de Baalbeck (est) ont coûté le vie à 22 personnes, a indiqué le ministère de la Santé.

L'ANI a précisé qu'une frappe sur le village de Makneh dans cette région avait entraîné la mort d'au moins quatre membres d'une même famille.

La coordinatrice spéciale de l'ONU pour le Liban, Jeanine Hennis-Plasschaert s'est rendue sur le site de Baalbeck, classé au patrimoine mondial de l'Unesco, qui a annoncé lundi placer sous "protection renforcée provisoire" 34 sites culturels au Liban menacés par les bombardements israéliens, et octroyer une assistance financière d'urgence pour sauver le patrimoine de ce pays.

- Khiam -

Pour sa part, la formation islamiste a annoncé jeudi avoir lancé des missiles sur une base aérienne près de la ville d'Ashdod, dans sa première attaque contre le sud d'Israël.

Dans un communiqué, le Hezbollah a précisé que cette base à l'est d'Ashdod se trouvait "à 150 km de la frontière" israélo-libanaise.

C'est la première fois que le Hezbollah annonce viser un objectif aussi éloigné de la frontière depuis plus d'un an d'affrontements.

La formation pro-iranienne a également revendiqué des tirs contre le nord d'Israël, où les secours ont annoncé qu'un homme était mort après avoir été blessé à la suite de tirs de projectiles en Galilée.

Dans le sud du Liban frontalier d'Israël, le Hezbollah a fait état dans neuf communiqués distincts d'attaques menées par le mouvement contre des soldats israéliens dans et autour du village de Khiam.

Les médias officiels libanais ont affirmé que l'armée israélienne dynamitait des maisons et bâtiments dans cette localité proche de la frontière israélienne.

Les violences entre Israël et le Hezbollah, initiées par ce dernier au début de la guerre dans la bande de Gaza, ont fait plus de 3.583 morts depuis octobre 2023 au Liban.

La plupart des victimes ont été tuées depuis que l'armée israélienne a déclenché fin septembre dernier une campagne massive de bombardements visant notamment les bastions du Hezbollah, suivie d'une offensive terrestre dans le sud du Liban.


La CPI émet des mandats d'arrêt contre Netanyahu, Gallant et Deif

"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye. (AFP)
"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye. (AFP)
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  • La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de Benjamin Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire
  • Le gouvernement israélien a aussitôt accusé la CPI d'avoir "perdu toute légitimité" avec ses mandats d'arrêt "absurdes"

LA HAYE: La Cour pénale internationale a émis jeudi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de Benjamin Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire.

Le gouvernement israélien a aussitôt accusé la CPI d'avoir "perdu toute légitimité" avec ses mandats d'arrêt "absurdes".

"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye.

Dans un autre communiqué, elle émet un mandat d'arrêt contre Mohammed Deif, également pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

La cour "a émis à l'unanimité un mandat d'arrêt contre M. Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, communément appelé +Deif+, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'État d'Israël et de l'État de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023".

Classés "secrets" 

Les mandats d'arrêt ont été classés "secrets", afin de protéger les témoins et de garantir la conduite des enquêtes, a déclaré la cour.

Mais la CPI "considère qu'il est dans l'intérêt des victimes et de leurs familles qu'elles soient informées de l'existence des mandats".

Le procureur de la CPI, Karim Khan, a demandé en mai à la cour de délivrer des mandats d'arrêt contre Netanyahu et Gallant (qui a été limogé début novembre par le Premier ministre israélien) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés à Gaza.

M. Khan a également demandé des mandats d'arrêt contre de hauts dirigeant du Hamas, dont Mohammed Deif, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.

Selon Israël, Deif a été tué par une frappe le 13 juillet dans le sud de Gaza, bien que le Hamas nie sa mort.

Le procureur a depuis abandonné la demande de mandats d'arrêt contre le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et le chef du Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinouar, dont les morts ont été confirmées.

Le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza a annoncé jeudi un nouveau bilan de 44.056 morts dans le territoire palestinien depuis le début de la guerre avec Israël il y a plus d'un an.

Au moins 71 personnes ont été tuées ces dernières 24 heures, a-t-il indiqué dans un communiqué, ajoutant que 104.268 personnes avaient été blessées dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.


Liban: frappes sur la banlieue sud de Beyrouth après un appel israélien à évacuer

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  • La banlieue sud, désertée par une grande partie de ses habitants en raison des frappes systématiques, avait été visée par trois frappes israéliennes à l'aube, qui ont "détruit plusieurs bâtiments" selon l'Ani
  • Le porte-parole de l'armée israélienne a affirmé qu'elles avaient visé "des centres de commandement et des structures militaires" du Hezbollah

BEYROUTH: De nouvelles frappes ont visé jeudi matin la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah libanais contre lequel Israël est en guerre, peu après un appel de l'armée israélienne à évacuer, selon un média d'Etat libanais.

L'Agence nationale d'information libanaise (Ani) a rapporté trois frappes sur la banlieue sud, dont une "très violente sur Haret Hreik", un quartier de ce secteur, et précisé qu'un immeuble avait été détruit.

Sur les images de l'AFPTV, on peut voir des panaches de fumée s'élever d'au moins trois sites visés.

Les frappes ont été précédées par un appel du porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichai Adraee, sur les réseaux sociaux, à évacuer trois secteurs de la banlieue sud.

Après cet appel, des tirs nourris ont été entendus dans la banlieue, visant à avertir les habitants.

La banlieue sud, désertée par une grande partie de ses habitants en raison des frappes systématiques, avait été visée par trois frappes israéliennes à l'aube, qui ont "détruit plusieurs bâtiments" selon l'Ani.

Le porte-parole de l'armée israélienne a affirmé qu'elles avaient visé "des centres de commandement et des structures militaires" du Hezbollah.

Les frappes interviennent alors que l'émissaire américain Amos Hochstein tente de parvenir à un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah libanais.

Après avoir vu les responsables libanais à Beyrouth, il doit rencontrer jeudi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a-t-on appris de source officielle israélienne.

Les violences entre Israël et le mouvement pro-iranien, initiées par ce dernier au début de la guerre dans la bande de Gaza, ont fait plus de 3.550 morts depuis octobre 2023.

La plupart des victimes ont été tuées depuis que l'armée israélienne a déclenché fin septembre dernier une campagne massive de bombardements visant notamment les bastions du Hezbollah, suivie d'une offensive terrestre dans le sud du Liban.