PARIS: Ils ont 20 ans ou dépassent les 80. Certains sont profs de facs, d'autres ouvriers à la retraite. Mais hommes et femmes qui militent à la "section" du PCF du XIIIe arrondissement de Paris parlent tous passionnément de "fraternité", "solidarité" et "justice sociale".
A l'heure de la pandémie, les festivités pour le 100e anniversaire du PCF, né en 1920 au congrès de Tours de la scission de la SFIO, ont triste mine. Ni grands meetings, ni rassemblements festifs.
Boulevard Vincent Auriol, dans le petit local qui leur sert de QG, les militants et militantes du parti rouge refusent de baisser les bras, quand bien même leur parti ne fait plus recette chez les Français.
Jeudi soir, c'est collage. Tandis que Michel, 81 ans, ancien ouvrier en orfèvrerie, verse précautionneusement la poudre de colle dans un grand sceau d'eau, Victor, étudiant en gestion de 20 ans, touille la mixture qui servira à apposer les affiches créées spécialement par un "camarade" graphiste pour le centenaire du parti.
"Le collage, ça renforce la cohésion du groupe et la connaissance du terrain", se félicite Jean-Noël Aqua, responsable de la section (une cinquantaine d'adhérents). Une équipe de "colleurs" file vers la Bibliothèque nationale, une autre vers la Butte aux Cailles. Leur mission: trouver des surfaces suffisamment en vue pour que leurs affiches soient remarquées par les passants, sans se faire pincer par la police. Le collage est interdit.
Bruno Charzat, 49 ans, fervent militant CGT entré il y a peu au "PC", s'est beaucoup amusé en dessinant un Emmanuel Macron cramoisi, couteau entre les dents (détournement ironique de l'image d'Epinal du "Rouge", censé, il y a plusieurs décennies, faire peur au "bourgeois"). Il fait dire au président: "le PCF a 100 ans. Puisque c'est ça, je taxe les actionnaires".
"L'idée, c'est de faire des images qui provoquent, pour faire réagir ceux qui les regardent", explique Bruno, en passant le balai brosse enduit de colle sur un grand mur lisse de l'arrondissement.
Engoncés dans leur manteau, anonymisés par le masque qui dissimile leurs traits, les rares passants pressent le pas. L'heure du couvre-feu approche.
"Militants de terrain"
"Coller, c'est une tradition, comme distribuer des tracts. C'est important, les tracts, ça permet de nouer des liens et de faire vivre la citoyenneté de base", explique Pierre Busseuil, 66 ans, ancien directeur d'école. Militant depuis 1975, issu d'un "milieu catholique", il a trouvé au PC "quelque chose de fraternel, une recherche de la justice". Et d'affirmer: "Nous sommes des militants de terrain".
"Nous ne voulons pas devenir un parti d'élus, comme le PS", dit un autre, "ni être un parti élitiste, comme la LCR, un parti où les chefs décident de tout, les militants ne sont rien, comme à LFI". Jean-Luc Mélenchon, que le PCF a soutenu aux deux dernières élections présidentielles, "c'est une caricature", affirme Thao, arrivée en France avec ses parents boat-people, en 1977.
Régulièrement, la section organise des collectes de vêtements et nourriture en faveur des personnes démunies. Le Secours populaire s'occupe ensuite de la distribution.
"La solidarité" est une des "valeurs" cardinales dont ils se réclament. Quand ils revendiquent leur communisme auprès de personnes ne partageant pas leurs opinions, ils s'agacent de s'entendre répliquer: "le goulag, vous avez oublié"?
"Moi je suis entrée au PC après la chute du Mur, en pensant que désormais, il était possible de partir sur de nouvelles bases", confie Anne, 63 ans, professeure d'histoire à l'université de Poitiers.
"Le communisme, c'est les conquêtes sociales", lance fièrement Hakim, un informaticien de 48 ans.
"Le parti, c'est la fraternité, c'est lui qui nous tient debout", souffle Michèle, ex-commerçante de 76 ans, qui s'empresse d'offrir café et croissant à René, vieux militant à la barbe en broussaille de 77 ans, fidèle au poste chaque week-end pour vendre l'Humanité sur les marchés. "Je suis au parti depuis 1967. Je n'ai jamais douté", dit celui-ci en saisissant sa pile de journaux.