NOUMÉA: Emmanuel Macron a appelé mardi les Calédoniens à "bâtir l'avenir", estimant que les trois référendums qui se sont soldés par la victoire du "non" à l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie n'étaient "pas un point final", mais "un point virgule".
Après une cérémonie militaire sur la place Bir Hakeim de Nouméa, survolée par deux avions de combat Rafale présents dans la région dans le cadre de la stratégie "indopacifique" de la France, le chef de l'Etat est vraiment entré dans le vif de sa visite en se rendant au Sénat coutumier.
Le président de cette institution consultative qui représente la coutume kanak, Victor Gogny, a dit espérer que la venue d'Emmanuel Macron favorise un "climat de confiance et de dialogue", alors que les négociations sur le futur statut institutionnel de l'archipel sont enlisées.
"Nous formons le voeu que votre déplacement en Nouvelle-Calédonie marque véritablement le début d’un processus de réconciliation et de refondation", a-t-il lancé dans la "grande case" du Sénat.
Mais il a aussi mis en garde contre la volonté du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin d'attendre "une ou deux générations" pour une éventuelle mise en oeuvre du "droit à l'autodétermination" des Néo-Calédoniens, après les derniers référendums.
"Cela peut être apparenté à un retour en arrière, et nous avons la conviction que la France doit vraiment construire et réussir avec le peuple kanak et les citoyens calédoniens notre modèle de décolonisation", a prévenu Victor Gogny.
Face à cette attente, exprimée de manière posée mais ferme, Emmanuel Macron a reconnu que l'issue des référendums ouvrait une nouvelle page.
«Construire la suite»
"Ce n’est pas un point final. C’est un point virgule", et il faut désormais "construire la suite", a-t-il dit.
Mais il s'est aussi inscrit dans un temps relativement long en jugeant que la nécessité de "bâtir" une "histoire commune", à travers un processus "vérité et réconciliation", était "une bonne méthode". "Un travail de mémoire et d'histoire" qui est "lent, humble, exigeant", a-t-il glissé.
"Le grand risque qui est le nôtre, c'est de faire du sur-place" et "de s'enfermer" dans "une identité figée et un débat institutionnel avec à nouveau des rendez-vous pour voter", a insisté le chef de l'Etat.
Les indépendantistes du Front de libération national kanak socialiste (FLNKS) contestent le résultat du dernier référendum de 2021, qu'ils avaient boycotté.
Dès lors, les tractations sur le futur statut du territoire patinent, et butent notamment sur la question épineuse du corps électoral, sur laquelle il est pourtant urgent de s'entendre pour aboutir à une révision institutionnelle à temps pour les élections provinciales de 2024.
A ce stade, Gérald Darmanin n'a pas réussi à réunir indépendentistes et non-indépendantistes autour d'une même table pour de véritables négociations tripartites. Il a fixé un nouveau rendez-vous à Paris fin août.
Emmanuel Macron va-t-il débloquer l'impasse? Il doit réunir mercredi tous les acteurs ensemble, même si une frange du FLNKS affirme vouloir boycotter la rencontre.
Bain de foule
Lors d'un bain de foule auprès d'un public en grande majorité loyaliste, le président a été chaleureusement accueilli mardi. Interrogé par un homme qui s'alarmait de la mauvaise volonté des dirigeants politiques, il a tenté de le rassurer: "tout le monde va bouger", a-t-il lancé.
Mais on sent pointer chez lui la tentation d'enjamber le blocage institutionnel pour se concentrer sur des sujets plus concrets.
"Si les débats institutionnels sont importants", "ils doivent servir un projet commun", géopolitique, économique, culturel et éducatif, a martelé Emmanuel Macron.
Il a insisté sur les thèmes censés mobiliser la jeunesse, dont il a rencontré des représentants lors d'un échange au centre culturel Jean-Marie Tjibaou. Et notamment la lutte contre le changement climatique qui a un impact sur l'érosion du littoral -- principal thème d'un déplacement qui devait le mener en début d'après-midi à Touho, sur la côte Est.
"Nous sommes prêts à nous engager pour vous aider" face à ce phénomène, a-t-il assuré.
"Notre devoir commun", "c'est maintenant de bâtir l'avenir", avec "audace", a résumé le président. Il faut pouvoir "regarder l’avenir ensemble".