KIEV: Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé mercredi la Russie de cibler "délibérément" les infrastructures utilisées pour l'exportation des produits agricoles ukrainiens, quelques jours après l'expiration d'un accord crucial sur le sujet.
La Russie, de son côté, était aux prises avec un important incendie sur un terrain militaire dans la péninsule ukrainienne annexée de Crimée, qui a provoqué l'évacuation de 2.000 habitants des communes voisines.
Après une deuxième nuit consécutive de frappes russes sur Odessa, port stratégique du sud de l'Ukraine, le président ukrainien a accusé sur Telegram les troupes russes de cibler "délibérément les infrastructures de l'accord sur les céréales", grâce auquel Kiev pouvait exporter sa production cruciale pour l'alimentation mondiale.
Selon le ministère en charge de la Reconstruction de l'Ukraine, "les terminaux céréaliers et les infrastructures portuaires" des ports d'Odessa et de Tchornomorsk ont notamment été attaqués, "les silos et les quais du port d'Odessa" ayant par exemple été endommagés.
Le Parquet général ukrainien a, lui, indiqué qu'il s'agissait de "la plus grande attaque" russe sur la région.
Selon Kiev, des missiles de croisière Kalibr, des drones explosifs Shahed mais aussi des missiles anti-navires Onyx et Kh-22, plus rarement utilisés par Moscou, ont été lancés, principalement sur la région d'Odessa.
Au total, cette nouvelle salve d'attaques russes a fait au moins 12 blessés au cours de la nuit dans cette région, selon son gouverneur Oleg Kiper, le Parquet annonçant de son côté le chiffre de dix blessés.
Le Kremlin avait averti mardi de nouveaux "risques" en mer Noire après la suspension de l'accord céréalier, qui permettait de transporter de façon sécurisée les produits agricoles ukrainiens, malgré le conflit et le blocus des ports ukrainiens par la marine russe.
Moscou a refusé de maintenir cet accord signé en juillet 2022 sous l'égide des Nations unies et de la Turquie, et prolongé depuis à plusieurs reprises, en dénonçant des entraves au commerce des engrais et des produits alimentaires russes.
Le Kremlin a également accusé l'Ukraine d'utiliser le couloir maritime ouvert dans le cadre de l'accord "à des fins militaires".
Importations de céréales : cinq pays voisins de l'Ukraine réclament à l'UE de pouvoir prolonger leurs restrictions
Cinq pays voisins de l'Ukraine ont appelé l'UE à leur permettre de prolonger les restrictions qu'ils ont imposées aux importations de céréales ukrainiennes pour protéger leurs agriculteurs au-delà du 15 septembre, date de leur expiration, a annoncé mercredi le ministre polonais de l'Agriculture.
"Nous avons signé une déclaration commune de cinq pays - la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Slovaquie et la Roumanie - sur la prolongation de l'embargo sur les importations (...) de céréales d'Ukraine dans nos pays jusqu'à la fin de l'année", a déclaré Robert Telus à l'issue d'une réunion avec ses homologues à Varsovie.
En juin, la Commission européenne avait annoncé que les restrictions mises en oeuvre par cinq Etats de l'UE sur les importations de céréales ukrainiennes pourraient être prolongées jusqu'au 15 septembre, en dépit de l'opposition de Kiev et des résistances d'une partie des Vingt-Sept.
Mercredi, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, dont le pays est un allié fidèle de l'Ukraine dans sa guerre contre la Russie, a exhorté l'exécutif de l'Union européenne à reconduire ces mesures.
"Soit la Commission européenne accepte de préparer (...) des réglementations pour prolonger cette interdiction, soit nous le ferons nous-mêmes", a-t-il déclaré devant les journalistes.
"Ce n'est pas contre les Ukrainiens, c'est (...) pour les agriculteurs polonais", a souligné M. Morawiecki, ajoutant que la Pologne autorisait actuellement le transit sur son territoire de céréales transportées à partir de l'Ukraine.
"Cela ne menace pas de déstabiliser le marché intérieur, c'est pourquoi nous facilitons ces exportations et permettons le transit", a-t-il expliqué.
Face à l'afflux de produits agricoles ukrainiens à la suite de la levée des droits de douane par l'Union européenne en mai 2022, des pays voisins de l'Ukraine avaient unilatéralement interdit mi-avril les importations de céréales d'Ukraine pour endiguer la saturation de leurs silos et l'effondrement des prix locaux.
Terrain militaire en feu
Odessa et sa région abritent les trois ports par lesquels l'Ukraine pouvait, dans le cadre de l'accord céréalier expiré, exporter ses produits agricoles.
En un an, l'accord a permis de sortir près de 33 millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens, essentiellement du maïs et du blé, contribuant à stabiliser les prix alimentaires mondiaux et à écarter les risques de pénurie.
"La terreur russe sur Odessa prouve une fois encore qu'ils ont besoin de la faim et des problèmes dans les pays du Sud global", a réagi le chef de l'administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak, sur Telegram.
Dans cette même zone de la mer Noire, un incendie sur un terrain d'entraînement militaire faisait rage mercredi dans le district de Kirovski, dans l'est de la péninsule ukrainienne annexée de Crimée.
Selon le gouverneur russe de la région, Sergueï Aksionov, il a provoqué l'évacuation des "habitants de quatre localités adjacentes", soit plus de 2.000 personnes qui ne pourront pas rentrer chez eux avant deux ou trois jours, selon le président du Parlement de Crimée, Vladimir Konstantinov.
Deux médias russes en ligne, Mash et Baza, proches des services de sécurité russes, ont signalé dans la matinée que des détonations étaient audibles dans la zone depuis plusieurs heures et publié des vidéos montrant des déflagrations.
Kiev reste muet et les autorités russes n'ont pas confirmé l'explosion de munitions alors que le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a indiqué à la presse que Vladimir Poutine était tenu "informé" de l'incendie.
Depuis le début du conflit, l'Ukraine mène régulièrement des attaques sur la Crimée, région stratégique qui sert de base arrière aux troupes russes dans leur offensive sur l'Ukraine.
Lundi, le pont de Kertch, importante infrastructure routière et ferroviaire reliant la péninsule annexée à la Russie, avait déjà été frappé par une attaque ukrainienne qui l'a endommagé pour la deuxième fois en dix mois.
Sur le front, les combats se concentrent, eux, dans l'est de l'Ukraine où les deux armées se font face. Mardi, dix civils ont été blessés dans des bombardements russes, a indiqué mercredi sur Telegram le gouverneur de la région de Donetsk, Pavlo Kyrylenko.
Par ailleurs, la présidence sud-africaine a annoncé mercredi que le président russe Vladimir Poutine ne participera pas au sommet des Brics (Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde et Russie) prévu fin août à Johannesburg, mettant fin à plusieurs mois de spéculation sur le sujet.