ISTANBUL : La Turquie a rejeté vendredi les sanctions de l'Union européenne la visant en lien avec ses activités controversées en Méditerranée orientale, mais le président Recep Tayyip Erdogan les a minimisées tout en cherchant à calmer le jeu.
Les sanctions, dont le principe a été adopté jeudi lors d'un sommet de l'UE à Bruxelles en réponse aux explorations gazières de la Turquie et ses démonstrations de force dans des eaux disputées avec la Grèce et Chypre, surviennent au moment où Ankara risque aussi de se voir infliger des représailles américaines liées à l'acquisition d'un système de missiles russe.
L'ampleur des sanctions européennes et, potentiellement, américaines n'est pas encore connue, mais elles pourraient plomber une économie turque qui bat déjà de l'aile et fragiliser davantage la livre turque, qui a essuyé de nouvelles pertes vendredi.
"Nous rejetons cette attitude biaisée et illégitime figurant dans les conclusions du sommet de l'UE", a déclaré le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué.
Condamnant les actions "illégales et agressives" d'Ankara, les dirigeants de l'UE ont seulement adopté des sanctions individuelles qui devraient viser des noms impliqués dans les activités d'exploration.
Mais l'absence de consensus a empêché l'adoption de sanctions économiques contre des secteurs d'activité et la demande de la Grèce d'imposer un embargo européen sur les armes à la Turquie.
Si le président français Emmanuel Macron, partisan d'une ligne dure face à Ankara, s'est félicité vendredi de ce que l'Union européenne ait "démontré sa capacité à faire preuve de fermeté" face à la Turquie, M. Erdogan a minimisé les mesures adoptées.
"Des pays de l'UE dotés de bon sens ont adopté une approche positive et ont torpillé ce jeu" visant à imposer des sanctions plus sévères, a déclaré le président turc à Istanbul.
"Manque de respect"
"Nous avons des profondes relations politiques et économiques à la fois avec les Etats-Unis et avec l'UE et aucun des deux ne peut les ignorer ou prendre le risque de les perdre", a-t-il ajouté.
Se voulant apaisant, il a affirmé que la Turquie "n'a jamais entrepris et n'entreprendra jamais une quelconque action susceptible de porter atteinte à l'esprit de ces relations".
"Un agenda de sanctions mu par des considérations politiques sur des bases irrationnelles est nuisible pour toutes les parties et ne bénéficiera à personne", a-t-il poursuivi. "Nous croyons qu'il n'existe aucun problème qui ne saurait être résolu à travers le dialogue et la coopération".
Cette volonté apparente de M. Erdogan de calmer le jeu semble destinée à préserver l'économie turque, dont la croissance fut longtemps un pilier de sa popularité, de l'impact potentiellement dévastateur de sanctions américaines et européennes plus musclées.
Dans des déclarations publiées par les médias turcs, M. Erdogan a affirmé que des sanctions américaines contre son pays en lien avec l'acquisition d'un système de missiles russe seraient "un manque de respect", à la suite d'informations de presse sur l'imminence d'une telle mesure.
"Sous l'administration Obama comme sous celle de Trump, on s'enorgueillissait d'avoir un membre de l'Otan comme la Turquie. Soumettre la Turquie à des sanctions serait un manque de respect de la part des Etats-Unis envers son allié très important au sein de l'Otan", a-t-il dit.
L'achat par Ankara du système de défense aérienne russe S-400 avait envenimé ces dernières années les relations avec Washington qui fait valoir que ces missiles sont incompatibles avec les systèmes de l'Otan.
Le menace de sanctions américaines plane sur la Turquie depuis qu'elle a pris livraison de ces missiles, mais le président Donald Trump, qui entretient de bons rapports personnels avec M. Erdogan, s'est abstenu jusqu'ici de les déclencher.
Pourtant, les mesures punitives d'ordre économique sont inscrites dans une loi adoptée en 2017 par le Congrès, quasiment à l'unanimité, pour "contrer les adversaires de l'Amérique à travers les sanctions" (Caatsa).
Des médias américains, dont le Washington Post, ont affirmé jeudi que l'administration américaine devrait finalement annoncer des sanctions contre la Turquie dans les prochains jours.