PARIS: Moult fois menacée, Elisabeth Borne s'accroche à son poste à Matignon malgré les rumeurs de remaniement, en défendant son bilan et en se projetant sur l'automne avec les partenaires sociaux, forte du soutien, rarement défaillant, de la majorité.
Première ministre en sursis, elle a déjà survécu à des législatives ratées il y a plus d'un an, puis au 49-3 utilisé pour faire passer la très contestée réforme des retraites au printemps, et à de multiples dissonances avec le président de la République qui ont relancé les spéculations sur son avenir.
Et les rumeurs de remaniement ont repris de plus belle en fin de semaine dernière, allant d'un simple ajustement, selon un responsable de la majorité, à un déménagement de la cheffe du gouvernement, selon un ministre.
Dans ce climat de flou, Élisabeth Borne a défendu son action dans une interview au Parisien mise en ligne samedi soir, où elle assure avoir "délivré" la feuille de route des 100 jours qu'Emmanuel Macron lui avait confiée le 17 avril.
"Tous les chantiers que nous avions présentés fin avril (...) ont été engagés sur les quatre axes", à savoir le travail, l'ordre républicain, la transition écologique et les services publics de la santé et de l'éducation, fait-elle valoir.
«Vision»
Or, difficile d'imaginer que la Première ministre réalise cet entretien "sans en avoir informé l’Elysée au préalable et donc sans disposer d’un minimum de garanties", note un député de la majorité.
A l'inverse, un bilan peut aussi être lu comme un moment conclusif, suggère une conseillère de l'exécutif.
Confortée dans les sondages au sortir des émeutes, l'intéressée se refuse à tout "commentaire".
Mais elle ne cache pas discuter du remaniement avec le président --dont elle espère toujours la "confiance"-- laissant ainsi entendre qu'elle-même souhaiterait changer quelques membres de son équipe.
Elle en a ainsi dressé le portrait-robot mi-juin dans Le Figaro, à savoir des ministres capables d'avoir "la vision, la capacité à diriger leur administration, à porter des textes au Parlement". Chacun y lira des critiques en creux.
En outre, qui d'autre pourrait élargir la majorité relative, en apportant un contingent de nouveaux députés ? "J'ai beau chercher, je n'ai pas trouvé", affirme un responsable du camp présidentiel.
Première ministre par défaut, il ne reste à Élisabeth Borne qu'à "caler le calendrier" du délicat projet de loi immigration, alors que les consultations avec la droite ont été suspendues à cause des émeutes, selon lui.
Offensive
A moins que la Première ministre soit elle-même à l'offensive, en dessinant son horizon, comme lorsqu'elle annonce une réunion avec les partenaires sociaux le 12 juillet.
Ce rendez-vous avec les syndicats et le patronat lui permet de se projeter à l'automne puisqu'il vise à bâtir un agenda de travail pour ensuite en négocier le contenu "jusqu'à la fin de l'année".
De ce fait, "elle a imposé son calendrier à l'Elysée", analyse ce cadre de la majorité.
Elisabeth Borne a d'autant plus intérêt à défendre ses platebandes qu'elles sont convoitées par d'autres ministres, au premier rang desquels Gérald Darmanin.
"Je la sens très combative", "très à son poste", confie un ministre.
Revigoré par sa gestion des émeutes, qui ont cessé au bout de quelques jours, M. Darmanin "mène clairement l'offensive" pour Matignon, susurrent des membres de la majorité.
A défaut de percer les intentions du président, Elisabeth Borne peut compter sur le soutien des parlementaires du camp présidentiel, qu'elle réunit mardi soir à Matignon pour l'apéritif traditionnel de fin de session.
La Première ministre fera valoir qu'une quarantaine de textes ont été adoptés "ce qui est une belle performance en majorité relative", souligne son entourage, et saluera le fait que "la majorité est restée unie".
Avec ou sans Elisabeth Borne, les ministres donnés partants aimeraient quand même être fixés avant l'été. "Je préférerais être relégitimé rapidement", dit l'un d'eux. Un autre assure ne pas prêter attention aux "voix" autour du remaniement, car sinon "on n'est pas prêt d'avancer".
Mais pour l'Elysée à ce stade, "rien n'est figé, rien n'est décidé".