Le nouveau ministre turc des Affaires étrangères doit tracer la voie à suivre dans un paysage mondial en pleine mutation

Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan (à droite) s'entretient avec le secrétaire d'État américain, Antony Blinken (inapparent) lors de la première journée de la Conférence sur le redressement de l'Ukraine, à Londres, le 21 juin 2023 (Photo, AFP).
Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan (à droite) s'entretient avec le secrétaire d'État américain, Antony Blinken (inapparent) lors de la première journée de la Conférence sur le redressement de l'Ukraine, à Londres, le 21 juin 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 09 juillet 2023

Le nouveau ministre turc des Affaires étrangères doit tracer la voie à suivre dans un paysage mondial en pleine mutation

  • Les analystes spéculent sur l'approche de Hakan Fidan face aux défis de la politique étrangère
  • Les experts ne prévoient pas de changements radicaux dans la politique étrangère de la Turquie

ANKARA: Après la réélection du président Recep Tayyip Erdogan à la fin du mois de mai, la politique étrangère de la Turquie est à nouveau sous le feu des projecteurs avec la nomination de Hakan Fidan au poste de ministre des Affaires étrangères.

Alors que le leadership diplomatique de la Turquie est en pleine transition, les observateurs attendent de voir quelle direction le pays prendra sous la supervision de Fidan.

On estime généralement que peu de choses changeront, mais la Turquie pourrait adopter une position plus affirmée, en mettant l'accent à la fois sur les efforts de normalisation et sur l'institutionnalisation d'une approche de la politique étrangère axée sur la sécurité, puisque les études doctorales de Fidan ont porté sur le rôle des services de renseignement dans la politique étrangère.

Le ministre de 55 ans, est une personnalité très influente en Turquie. Il a été chef des services de renseignement du pays de 2010 à 2023 et a orchestré plusieurs initiatives de réconciliation avec des pays du Moyen-Orient, dont la Syrie, Israël et l'Égypte.

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«Le financement du déficit de la balance courante restera une priorité absolue, ce qui pourrait amener la Turquie à entretenir des relations plus positives avec les alliés occidentaux.»

Ozgur Unluhisarcikli, analyste

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Réputé pour ses talents de négociateur, Fidan a joué un rôle direct dans des réunions de haut niveau, démontrant sa capacité à naviguer dans des questions géopolitiques complexes et à saisir les subtilités des dynamiques nationales dans d'autres pays.

Fidan a rencontré à plusieurs reprises le chef des services de renseignement syrien afin de jeter les bases de pourparlers politiques entre Damas et Ankara en 2022, évoquant que d'autres mesures pourraient être prises pour normaliser les relations avec le régime d’Al-Assad et répondre aux problèmes de sécurité liés à la milice kurde syrienne YPG, que la Turquie assimile au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui est interdit.

Outre son expérience de la diplomatie dure, Fidan a auparavant dirigé l'Agence turque de coopération et de coordination, l'agence d'aide internationale du pays. Il a développé le «pouvoir de velours» de la Turquie en apportant une aide infrastructurelle et humanitaire dans les Balkans, au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie centrale.

Son rôle précédent de représentant de la Turquie auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique l'a également familiarisé avec les négociations nucléaires impliquant l'Iran.

La nomination de Fidan est largement interprétée comme un signal de la volonté d'Ankara de jouer un rôle plus actif dans les affaires régionales et mondiales.

En tant que ministre des Affaires étrangères, Fidan devra relever le défi de négocier avec les puissances occidentales sur plusieurs questions épineuses, notamment l'adhésion potentielle de la Suède à l'OTAN et la livraison d'avions de chasse F-16 par les États-Unis.

Ce Jeudi, Fidan s'est entretenu à Bruxelles avec le plus haut responsable de l'OTAN, Jens Stoltenberg. Ankara insiste que la Suède s'aligne sur les récents amendements à la loi antiterroriste que la Turquie a fait adopter et qui permettraient aux autorités suédoises de poursuivre les individus qui soutiennent des groupes terroristes.

«La Suède a pris certaines mesures concernant des changements juridiques et la suppression des restrictions imposées à la Turquie dans le domaine de l'industrie de la défense. Ces changements juridiques doivent maintenant être mis en pratique», a déclaré Fidan.

On ne sait toujours pas si Washington approuvera la vente des F-16 en échange de l'accord de la Turquie sur l'adhésion de la Suède. Au début de l'année, un groupe bipartisan de sénateurs a déclaré au président américain, Joe Biden, que le Congrès ne doit pas envisager la vente avant que la Turquie ne ratifie l'adhésion de la Suède à l'OTAN.

Selon Ozgur Unluhisarcikli, directeur du bureau d'Ankara du Plan Marshall, Fidan est très respecté à Washington et dans les capitales européennes. «C'est un avantage au début de son mandat en tant que ministre des Affaires étrangères», a-t-il indiqué à Arab News

Récemment, Fidan a rencontré le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, à Londres, qui l'a qualifié de «collègue de longue date». La situation en Ukraine et l'expansion de l'OTAN ont été les principaux sujets abordés lors de cette rencontre.

Les experts ne prévoient pas de changements radicaux dans la politique étrangère de la Turquie. Ils s'attendent à ce que Fidan privilégie la continuité plutôt que des changements majeurs.

«Avant tout, Fidan est le ministre des Affaires étrangères d'Erdogan, comme l'était son prédécesseur, Mevlut Cavusoglu, et il conduira la politique étrangère en fonction des directives politiques qu'il recevra du président. Il a été très actif en matière de politique étrangère en tant que chef des services de renseignement et a joué un rôle dans la plupart des domaines politiques clés», a signalé Unluhisarcikli.

Toutefois, compte tenu de la dépréciation continue de la livre turque et de la flambée des taux d'inflation, la politique étrangère turque sera sans doute, étroitement liée au bien-être économique du pays, qui dépend fortement des devises étrangères.

«Je m'attends toujours à des changements dans la politique étrangère turque au cours de la période à venir. Le financement du déficit de la balance courante restera une priorité absolue, ce qui pourrait amener la Turquie à entretenir des relations plus positives avec les alliés occidentaux», a expliqué Unluhisarcikli.

Il a également déclaré qu'à court terme, l'aide de la Russie et du Golfe pourrait contribuer à combler le déficit, mais qu'il serait crucial d'accéder aux marchés financiers occidentaux à moyen terme.

Pour renforcer l'économie tendue de la Turquie, le président Erdogan prévoit de se rendre en Arabie saoudite, au Qatar et aux Émirats arabes unis du 17 au 19 juillet. Selon Reuters, il devrait chercher à obtenir des investissements directs de la part des pays du Golfe — d'un montant initial d'environ 10 milliards de dollars américains (1 dollar américain = 0,91 euro), pouvant aller jusqu'à 30 milliards de dollars — en particulier dans les secteurs de l'énergie, des infrastructures et de la défense. 

Fuad Shahbazov, analyste politique indépendant, suggère que, contrairement à Cavusoglu, Fidan pourrait faire preuve d'une certaine flexibilité.

«Cavusoglu était plus préoccupé par la courtoisie diplomatique — essayant de contourner une rhétorique dure — mais Fidan est un allié clé du président Erdogan et un partisan de sa politique étrangère conservatrice et pragmatique, même au prix d'un partenariat avec certains pays occidentaux», a expliqué Shahbazov à Arab News

Shahbazov reconnaît que le portefeuille de Fidan concernant les réseaux occidentaux et d'Asie centrale peut être quelque peu limité, mais il pense que cela ne posera pas de problème.

«Je ne m'attends pas à des revirements dans les dégels diplomatiques avec l'Égypte et Israël, car il est le cerveau du processus et en assurera probablement le suivi rapidement», a conclu Shahbazov.

Les présidents turc et égyptien doivent se rencontrer le 27 juillet en Turquie.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Le ministre saoudien des Affaires étrangères reçoit son homologue iranien à Djeddah

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
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  • M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens
  • Cette visite précède d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui se tiendront dimanche à Oman.

RIYAD : Le ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal ben Farhane a reçu samedi son homologue iranien Abbas Araqchi à Djeddah, a rapporté la chaîne d'information Al Arabiya.

M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens et discuter des questions bilatérales et des développements régionaux et internationaux.

Il devrait ensuite se rendre au Qatar pour participer au sommet du dialogue Iran-Monde arabe à Doha, a déclaré vendredi un porte-parole du ministère iranien.

Cette visite précède également d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui auront lieu dimanche à Oman.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Derrière le soutien d'Israël aux druzes, l'objectif d'affaiblir durablement la Syrie

Des religieux druzes assistent aux funérailles de membres de la minorité syrienne qui ont été tués lors de récents affrontements sectaires, dans le village de Salkhad, dans le gouvernorat de Suwayda, au sud du pays, le 3 mai 2025. (AFP)
Des religieux druzes assistent aux funérailles de membres de la minorité syrienne qui ont été tués lors de récents affrontements sectaires, dans le village de Salkhad, dans le gouvernorat de Suwayda, au sud du pays, le 3 mai 2025. (AFP)
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  • L'attachement affiché par Israël à défendre les druzes syriens s'accorde, de l'aveu même de certains de ses dirigeants, avec un but stratégique de long terme: l'affaiblissement de la Syrie
  • Pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, il s'agissait d'adresser un "message clair": Israël ne permettra aucun "déploiement de forces [armées syriennes] au sud de Damas" ni aucune "menace" contre les druzes

Jérusalem, Non défini: L'attachement affiché par Israël à défendre les druzes syriens s'accorde, de l'aveu même de certains de ses dirigeants, avec un but stratégique de long terme: l'affaiblissement de la Syrie.

A la suite de heurts intercommunautaires sanglants dans ce pays, Israël, qui occupe une partie de son territoire depuis 1967, a invoqué la protection de la minorité druze pour justifier plusieurs frappes, dont une le 3 mai à proximité du palais présidentiel à Damas.

Pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, il s'agissait d'adresser un "message clair": Israël ne permettra aucun "déploiement de forces [armées syriennes] au sud de Damas" ni aucune "menace" contre les druzes.

Dès mars, l'Etat hébreu avait menacé d'intervenir si le nouveau pouvoir qui a fait tomber Bachar al-Assad "s'en [prenait] aux druzes".

Toutefois, selon Andreas Krieg, maître de conférences au King's College de Londres, Israël n'est pas mu par "un souci altruiste": il "se sert [des druzes] comme d'un prétexte pour justifier son occupation militaire" en Syrie.

Dans une déclaration révélatrice des intentions d'Israël, le ministre des Finances Bezalel Smotrich a affirmé que son gouvernement ne mettrait pas fin à la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza avant que "la Syrie [soit] démantelée".

"Pour contenir la situation", le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, a confirmé mercredi "des discussions indirectes" avec Israël. Interrogée par l'AFP, la diplomatie israélienne n'a pas commenté.

- "Autonomie druze" -

Enferré depuis le 7-Octobre dans une guerre qui a largement débordé des frontières d'Israël, M. Netanyahu répète que son pays se bat pour sa survie et qu'il est déterminé à "changer le Moyen-Orient".

En 2015, alors membre de l'Institut d'études pour la sécurité nationale (INSS), son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, avait défendu un morcellement de la Syrie en diverses entités ethno-religieuses, prévoyant une "autonomie druze dans le sud".

Le projet rappelle le découpage de la Syrie imposé dans l'Entre-deux-guerres par la France, alors puissance mandataire. Paris avait dû y renoncer sous la pression des nationalistes syriens, y compris druzes.

Grand voisin d'Israël au nord-est, la Syrie a participé à trois guerres israélo-arabes, en 1948-1949, 1967 et 1973.

La dernière a consacré la mainmise d'Israël sur la partie du Golan syrien conquise en 1967 (et annexée depuis 1981).

Dans la foulée de la chute de M. Assad, Israël a pris le contrôle de la zone démilitarisée sous contrôle de l'ONU au Golan et mené des centaines de frappes sur des cibles militaires en Syrie.

Objectif affiché: empêcher que les armes du pouvoir déchu ne tombent entre les mains des nouvelles autorités, issues de la mouvance islamiste, et dans lesquelles le gouvernement israélien voit un ennemi.

Les druzes, adeptes d'une religion syncrétique issue de l'islam chiite, sont présents surtout en Syrie, au Liban et en Israël.

Israël recense quelque 152.000 druzes, selon les dernières données disponibles. Ce chiffre inclut les 24.000 druzes habitant dans la partie annexée du Golan, dont moins de 5% ont la nationalité israélienne.

- Contrer la Turquie -

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), des affrontements avec les forces de sécurité du nouveau pouvoir fin avril ont fait 126 morts dans des zones majoritairement druzes et chrétiennes proches de Damas et dans le bastion druze de Soueïda (sud-ouest).

Après ces heurts, cheikh Hikmat al-Hajri, sommité religieuse druze syrienne, a réclamé l'envoi d'une force de protection internationale, et souscrit à une déclaration communautaire affirmant que les druzes constituent "une partie inaliénable" de la Syrie.

En Israël, des druzes ont participé à plusieurs manifestations réclamant que le gouvernement défende leurs coreligionnaires en Syrie.

Loyaux à Israël, les druzes sont surreprésentés dans l'armée et la police, par rapport à leur importance dans la population.

"Israël se sent redevable vis-à-vis des druzes et de leur engagement exceptionnel dans l'armée", note Efraïm Inbar, chercheur à l'INSS.

Selon lui, les défendre s'inscrit aussi dans la géopolitique recomposée de l'après-Assad où Israël "tente de protéger les minorités druze et kurde de la majorité sunnite et d'éviter que la Turquie n'étende son influence à la Syrie".

A rebours d'Israël, Ankara, aux prises avec son propre problème kurde, soutient les nouvelles autorités de Damas et ne veut surtout pas voir se consolider les positions kurdes dans le nord-est de la Syrie, le long de sa frontière.


Liban: une "série" de frappes israéliennes dans le sud, selon l'agence officielle

Cette photo prise dans la région de Marjeyoun, au sud du Liban, montre la fumée qui s'échappe du site des frappes aériennes israéliennes sur les collines du village de Nabatiyeh, au sud du Liban, le 8 mai 2025. (AFP)
Cette photo prise dans la région de Marjeyoun, au sud du Liban, montre la fumée qui s'échappe du site des frappes aériennes israéliennes sur les collines du village de Nabatiyeh, au sud du Liban, le 8 mai 2025. (AFP)
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  • L'agence de presse officielle libanaise a fait état d'une "série" de frappes israéliennes jeudi dans le sud du Liban, en dépit du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah

BEYROUTH: L'agence de presse officielle libanaise a fait état d'une "série" de frappes israéliennes jeudi dans le sud du Liban, en dépit du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah.

"Une série de frappes israéliennes" a visé le secteur de Nabatiyé, à une dizaine de kilomètres de la frontière, a rapporté l'agence Ani.

Des médias locaux ont indiqué que les raids avaient touché des secteurs montagneux éloignés des zones d'habitation.

L'Ani a fait état "d'énormes explosions... ayant résonné dans la plupart des zones de Nabatiyé et du sud", provoquant "terreur et panique" parmi les habitants, qui se sont précipités pour aller chercher leurs enfants à l'école, tandis que des ambulances se dirigeaient vers les zones touchées.

Un photographe de l'AFP a vu de la fumée s'élever des collines de la région.

"On a entendu une forte explosion, environ dix frappes consécutives", a déclaré à l'AFP Jamal Sabbagh, un médecin de 29 ans qui effectuait des examens de santé auprès d'écoliers près de la ville de Nabatiyé.

"Certains enfants ont eu peur et il y avait de la panique, les enseignants étaient aussi effrayés", a-t-il confié.

Mercredi, une frappe israélienne à Saïda, également dans le sud du pays, avait tué un commandant du mouvement islamiste palestinien Hamas, allié du Hezbollah libanais.

Israël est en guerre contre le Hamas depuis que le mouvement palestinien a mené une attaque sans précédent dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, déclenchant une offensive israélienne dévastatrice dans la bande de Gaza.

Le Hezbollah, groupe armé libanais soutenu par l'Iran, avait alors ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban, affirmant agir en soutien aux Palestiniens.

Israël a mené entre septembre et novembre 2024 de violents bombardements sur le Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah.

Un cessez-le-feu est entré en vigueur le 27 novembre mais l'armée israélienne mène régulièrement depuis cette date des attaques au Liban, disant viser combattants et infrastructures du Hezbollah, très affaibli par la guerre.

Le Liban presse notamment les Etats-Unis et la France, garants de l'accord de cessez-le-feu, de contraindre Israël à cesser ses attaques et se retirer des cinq positions frontalières dans lesquels il s'est maintenu.

Beyrouth assure respecter ses engagements et accuse Israël de violer le cessez-le-feu.