MONTPELLIER, France : Il est un adepte des pièces marathons et du grand écran sur scène: au Festival d’Avignon, le metteur en scène Julien Gosselin poursuit avec «Extinction», cinq heures durant, sa chronique d'une fin du monde annoncée.
Moins de deux ans après «Le Passé», adaptation de textes de l'auteur russe Léonid Andréïev dans laquelle il était déjà question de disparition de l'humanité, une «angoisse assez générale», il donne cette fois à voir et ressentir «trois fois une extinction», allusion aux trois volets du spectacle.
«J'avais l'idée depuis des années de faire un spectacle sur la fin du monde mais pas dans un monde décadent, plutôt dans un monde très bien portant, très haut culturellement», explique le metteur en scène de 36 ans, habitué du Festival d'Avignon depuis son adaptation en 2013 des «Particules élémentaires» de Michel Houellebecq, qui avait fait sensation.
Avec «Extinction», dont la première a eu lieu au Printemps des comédiens de Montpellier début juin, «l'idée était vraiment d'aller du côté de l'Autriche, c'est-à-dire au début du XXe siècle, dans quelque chose qui est extrêmement délicat, fin, intellectuel», relate-t-il.
Cette civilisation européenne à son acmé, tout autant qu'au bord du gouffre, prend vie dans les mots des écrivains autrichiens Arthur Schnitzler et Hugo von Hofmannsthal, incarnés --en français et en allemand-- par une troupe mixte d'acteurs et techniciens.
A cette partie centrale du spectacle, entièrement filmée en direct et projetée sur un grand écran qui surplombe le décor d'une maison bourgeoise dont l'intérieur est à peine perceptible, succède un monologue corrosif, extrait du dernier roman de Thomas Bernhard, qui donne son titre au spectacle.
Un écrivain dont Julien Gosselin confesse avoir redécouvert l'écriture avec ce texte de 1986 d'une «très grande violence» et qui «détruit tout».
- «Art véritablement impur» -
Mais c'est d'abord avec un concert électro de 45 minutes que le spectateur vit sa première extinction, «uniquement par la puissance de la musique, par la violence des corps», précise le metteur en scène.
En commençant ainsi, ce qui «ne ressemble strictement pas à du théâtre», admet-il, «on crée chez certains spectateurs une joie immense et chez d'autres une opposition par rapport à ce qu'ils sont en train de voir».
Dans sa définition du théâtre, «il n'y a pas forcément un rideau rouge, les trois coups». C'est plutôt «le premier art véritablement impur, qui combine le chant, la poésie, les arts plastiques, la lumière».
«Je ne me pose pas la question de savoir si ça ressemble ou pas à l'idée préconçue que les gens se font du théâtre», poursuit celui dont le recours quasi systématique à la vidéo dans ses spectacles fleuves divise la critique.
«Je me suis fait une sorte de joie de décevoir les gens qui ont une vision disons assez fermée du théâtre et qui ne sont généralement pas contents quand ils voient mes spectacles» assume-t-il, avant de lancer: «Je ne fais pas du divertissement».
S'il admet pouvoir être un jour tenté par le cinéma, cela ne «remplacera jamais la joie que j'ai à faire du théâtre», confesse Julien Gosselin: «tous les jours on remet ça, tous les jours c'est du pur présent. Il y a le rapport avec le public» et c'est «la chose qui me rend le plus heureux du monde».