PARIS: L'Assemblée nationale s'est prononcée jeudi en faveur de l'expérimentation décriée de "tribunaux des activités économiques" (TAE) élargissant les compétences des tribunaux de commerce, avec notamment dans leur champ les professions agricoles, lors de l'examen d'un projet de loi sur la justice.
Comme les sénateurs avant eux, les députés ont voté en première lecture une expérimentation de quatre ans pour "renommer neuf à douze tribunaux de commerce" en TAE. Ils ont aussi voté en faveur de la contribution financière prévue pour saisir ces tribunaux, elle aussi controversée.
Actuellement, les activités commerciales et artisanales relèvent, en cas de litiges et de défaillances, des tribunaux de commerce, composés de juges non professionnels et élus. Tandis que les autres activités économiques relèvent du tribunal judiciaire, composé de juges professionnels.
Expérimentation des TAE
Les TAE auraient eux, en matière de procédures collectives, une compétence étendue à un très large éventail d'activités. Les députés ont toutefois exclu en commission les professions réglementées du droit, comme celles d'avocat ou de notaire, alors que le texte adopté en première lecture par le Sénat les avait intégrées.
La gauche et le Rassemblement national se sont opposés sans succès à l'expérimentation des TAE. Ils "n'auront ni la connaissance des milieux économiques, ni des pratiques des nouvelles personnes physiques ou morales sur lesquelles ils auront à statuer, ni les compétences juridiques exigées", a notamment critiqué la députée socialiste Cécile Untermaier.
La principale source d'inquiétude concerne les agriculteurs, que la gauche a demandé en vain d'exclure du champ des TAE. Le monde agricole est "satisfait de la mission juridictionnelle remplie par le tribunal judiciaire", a estimé Mme Untermaier.
Partage des compétences
La gauche a également demandé en vain d'obtenir la présence d'un magistrat professionnel" dans les TAE, possibilité qui avait été supprimée par le Sénat.
Le Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a lui jugé l'expérimentation nécessaire, car le partage des compétences, pour les procédures collectives, "manque très franchement de lisibilité" dans le système actuel.
Elle "permettra aux agriculteurs de bénéficier de la culture de la prévention et de l'accompagnement de l'entrepreneur en difficulté, qui est au coeur de la pratique professionnelle des juges consulaires" des tribunaux de commerce, a-t-il plaidé.
«Une justice à péage»
Un amendement a été adopté pour permettre la nomination "d'un juge exploitant agricole" dans les TAE. Un autre a exclu du champ de ces tribunaux les structures n'ayant pas d'activité lucrative.
La contribution prévue pour saisir les TAE a également été vivement critiquée, le RN fustigeant "une justice à péage" et LFI une mesure visant "à dissuader les justiciables d'effectuer des recours".
Un amendement adopté en commission par les députés a exonéré de cette contribution les entreprises de moins de 250 salariés.
L'Assemblée poursuivra lundi après-midi l'examen du projet de loi.