PARIS: Quand le marché des fusions et acquisitions est en chute libre, les banques d'affaires, qui conseillent les sociétés qui vendent et celles qui achètent, font grise mine.
C'est le cas au sein de Lazard, fleuron franco-américain du secteur qui a, fait exceptionnel, annoncé fin avril une perte nette lors du premier trimestre.
La situation est à peine plus favorable chez son concurrent de toujours Rothschild, qui a publié le 19 juin un avertissement sur résultats pour le premier semestre, attendus le 3 août. Son communiqué évoque "un environnement de marché plus difficile pour les métiers du conseil financier".
Le marché des fusions et acquisitions traverse "un semestre calme, le plus calme depuis très longtemps", notait lors d'un déjeuner de presse le directeur général France de Morgan Stanley Emmanuel Goldstein, notamment pour les plus gros "deals", ceux à plus d'un milliard d'euros.
Les opérations de rachat d'entreprises incluant des acteurs français ont connu leur pire début d'année depuis quatre ans en 2023, selon le spécialiste des données financières Refinitiv.
Vaches maigres
Pourquoi un tel blocage ? Car dans le monde des entreprises aussi, une vente ne se réalise que si vendeurs et acheteurs sont d'accord sur un prix.
Mais l'exercice de valorisation d'une société n'est pas chose aisée, tant elle peut dépendre de ses perspectives de croissance à moyen et long terme.
Depuis la guerre en Ukraine et le retour de politiques moins arrangeantes des banques centrales pour lutter contre une inflation qui peine à ralentir, les perspectives économiques sont moroses.
"Les vendeurs attendent le prix d'hier, les acheteurs veulent le prix demain, et on travaille dans l’entre-deux", résume un banquier d'affaires.
Les acheteurs ne se pressent pas pour se saisir du "couteau qui tombe", une métaphore employée en Bourse quand le cours d'un titre chute fortement.
Les fonds d'investissement, moteurs historiques de l'activité des banques d'affaires en qualité d'acheteurs et vendeurs compulsifs de sociétés, ont mis particulièrement le hola sur leurs opérations.
Leurs perspectives à moyen-terme sont mitigées puisqu'ils sont confrontés au premier chef par la difficulté à trouver de l'argent frais auprès de leurs investisseurs habituels.
Déserter la Bourse
Les banques d'affaires, plus attentives sur les coûts après des années fastes, ont commencé à tailler dans leurs effectifs.
L'hécatombe est particulièrement visible aux Etats-Unis: une source financière faisait état début janvier de 3.200 postes supprimés chez Goldman Sachs; plusieurs américains dont la chaîne CNN évoquaient eux début mai 3.000 suppressions de poste chez son concurrent Morgan Stanley.
Dans une moindre mesure, Lazard, dont le directeur général au niveau monde Ken Jacobs laissera sa place le 1er octobre au dauphin désigné Peter Orzsag pour devenir président du conseil d'administration, a annoncé en parallèle de ses résultats du premier trimestre un plan de départ portant sur 10% des 3.400 employés qu'elle employait à fin 2022.
Le modèle plus généraliste des banques françaises, à l'image de BNP Paribas, leur permet de mieux s'en sortir en s'appuyant sur d'autres activités d'investissement et de financement qui tournent à plein régime, comme les produits de couverture par exemple.
Autre mouvement à noter dans le secteur: le projet de sortie de cote du champion français Rothschild, mené par la holding de la famille Rothschild, Concordia, avec le concours de grands noms du capitalisme français, présents dans ce pacte d'actionnaires, dont les familles Peugeot et Wertheimer (Chanel).
Le secteur de la banque d'affaires, soumise aux aléas des cycles économiques, peut s'avérer difficilement lisible pour les boursicoteurs.