PARIS: La présence de mineurs parfois très jeunes parmi les auteurs de violences urbaines est-elle imputable au supposé laxisme de leurs parents ? L'idée, défendue par une partie de la classe politique, ne fait pas l'unanimité parmi les associations familiales et de banlieue, qui appellent à un discours plus nuancé.
"Le malaise est profond", juge l'association Familles de France. Mais "s'il est familial, il est aussi éducatif et social", car "personne ne respecte plus vraiment personne", ajoute-t-elle.
Pour Mireille Lachaud, l'une des responsables de cette association, "il y a peut-être un laisser-faire de la part d'une minorité de parents", mais d'un autre côté "la société est de moins en moins aux côtés des familles", du fait de la saturation des dispositifs destinés à leur venir en aide - comme les assistantes sociales, les juges pour enfants ou encore la protection maternelle et infantile, selon elle.
La mise en cause des familles est vécue comme particulièrement "injuste" par les parents solo, qui peinent à concilier vie de famille et vie professionnelle, souligne pour sa part Patricia Augustin, de la Fédération syndicale des familles monoparentales (FSFM).
"Quand on part très tôt le matin et qu'on rentre tard le soir, les enfants sont laissés seuls, mais ce n'est pas de l'abandon, ou alors malgré eux", analyse Mme Augustin, pour qui "ce sont toujours les mêmes qui sont pointés du doigt, mais en même temps on ne propose pas grand-chose pour leur faciliter la vie".
Accuser ainsi les familles "de tous les maux" relève d'une "vaste hypocrisie", déplore également Fatima Mostefaoui, fondatrice de l'association Avec Nous, créée par un collectif d'habitants dans les quartiers nord de Marseille. Si "la cocotte minute n'a pas complètement explosé" pendant ces émeutes, c'est grâce à de nombreuses mères "qui ont rattrapé les jeunes", selon elle.
Catherine Arenou, de l'association Villes et Banlieues, juge également "un peu facile de tout mettre sur le compte" des familles. On ne peut notamment pas leur imputer l'"ambiance de violence qui monte" dans la société, et qui s'est manifestée dans les manifestations contre la réforme des retraites ou durant le mouvement des gilets jaunes, pointe la maire de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines).
«Détresse»
Si la "détresse" de certaines familles, qui ne "savent pas maîtriser" leurs enfants, est une réalité, leur imposer des sanctions financières n'aboutirait qu'à leur imposer une "double peine", estime de son côté Moussa Kebe, de l'association d'éducation populaire et de médiation Espoirs Jeunes au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).
Réunies lundi soir dans le local de l'association des Femmes relais, en plein cœur du quartier des 3000 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), huit mères de famille illustrent toute la difficulté du sujet.
Pour Bineta Marega Mbengue, présidente de l'association La calebasse aulnaysienne: "Ce sont les parents qui subissent les conséquences (des émeutes), beaucoup travaillent sur la plateforme de Roissy" et sont donc fortement impactés par la réduction des transports en commun. "On ne peut pas rester insensible, il faut mettre la main à la pâte et contribuer de notre manière."
Mais "les parents aussi sont fatigués, surtout les mamans. Elles se réveillent à 4H00 du matin, elles vont au travail, avec leur salaire elles payent le loyer. Beaucoup de papas sont démissionnaires. La maman est débordée, avec les taches ménagères, les devoirs des enfants, l'éducation... tu ne sais pas ce que tes enfants font à l'école", complète-t-elle.
"Il y a un problème quelque part, aussi bien au niveau de l'État que des familles. il faut qu’on se réunisse et qu’on se demande : quelle est la solution ?", interroge Aïssa Sago, présidente de l'association des Femmes relais et adjointe au maire.
La présence de très jeunes émeutiers avait déjà été relevée lors du précédent épisode comparable, en 2005, note le sociologue Olivier Galland, qui y voit la preuve que l'école "n'a pas joué son rôle de formation des citoyens". De ce fait, relève ce spécialiste de la jeunesse, il ne sert à rien d'incriminer les familles "souvent impuissantes face à (des) groupes de jeunes très soudés".