PARIS: Emmanuel Macron a annoncé mardi une "loi d'urgence" pour accélérer la reconstruction dans les villes touchées par les émeutes de la semaine écoulée, ouvrant plusieurs chantiers avec une "priorité absolue", le rétablissement d'un "ordre durable".
Devant les maires de plus de 300 communes réunis à l'Elysée, le chef de l'Etat s'est d'abord dit "très prudent" sur la perspective d'un retour au calme, tout en considérant que le "pic" des premiers soirs était "passé".
Il a donc confirmé des "moyens exceptionnels" pour garantir "l'ordre durable, républicain" et "maintenir l'effort et la pression", notamment les 13 et 14 juillet, autour de la fête nationale.
Les émeutes nocturnes ont éclaté le 27 juin, quelques heures après la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier lors d'un contrôle routier à Nanterre.
Heurts avec les forces de l'ordre, incendies de mairies, écoles, commissariats et pillages de magasins se sont multipliés à travers la France, culminant avec l'attaque du domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses dans le Val-de-Marne, avant une décrue nette depuis dimanche soir.
Ce retour au calme s'est poursuivi mardi: aucun incident majeur n'avait été signalé en fin de soirée.
Le parquet de Marseille a toutefois signalé qu'un homme de 27 ans était mort dans cette ville à la suite probable d'un "choc violent au niveau du thorax" causé par un projectile de "type flash-ball", un décès remontant à la nuit de samedi à dimanche, émaillée d'émeutes.
Au niveau national, en une semaine, 3 625 personnes ont été placées en garde à vue, dont 1 124 mineurs. Parmi elles, 990 ont été déférées devant la justice et 380 incarcérées.
«Atteintes graves» aux élus
Treize "atteintes graves" aux élus ont été recensées, a précisé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
"Même si le calme est revenu, je considère que l'on ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé", a insisté le président.
La mort du jeune Nahel a relancé le débat sur les violences policières. Mais malgré son incarcération, le policier auteur du coup de feu a bénéficié d'un mouvement de solidarité marqué par la constitution d'une cagnotte initiée par une figure de l'extrême droite, Jean Messiha.
Après avoir fait scandale à gauche, ce pot commun a été clôturé mercredi peu après 0h00, en affichant 1 636 220 euros de dons. L'avocat de la famille de Nahel a annoncé dans la soirée avoir porté plainte contre Jean Messiha, notamment pour escroquerie en bande organisée.
Lors de la réunion à l'Elysée, Patricia Tordjman, maire communiste de Gentilly, dans le Val-de-Marne, a interpellé frontalement le président, estimant que "rien n'a été fait" depuis qu'il a été élu en 2017, "pire on nous retire des moyens".
Jean-François Copé, maire LR de Meaux, "ne croit pas à l'émeute sociale, l'émeute de la faim".
Résumé d'Eric Straumann, maire LR de Colmar (Haut-Rhin), devant des journalistes : "les maires de droite proposent des solutions de droite, autorité, éducation, les maires de gauche des solutions de gauche, plus d'argent".
Prenant la parole à la fin, Emmanuel Macron n'a pu que constater cette absence d'"unanimité".
Solutions très concrètes
S'agissant des destructions subies par les communes, il a annoncé une "loi d'urgence pour écraser tous les délais" et accélérer la reconstruction.
Il a promis un accompagnement "pour très vite pouvoir réparer" le matériel de vidéosurveillance cassé, ainsi que des aides financières pour les réparations concernant "la voirie, les établissements communaux, les écoles".
Le gouvernement s'est dit ouvert à des "annulations" de cotisations sociales et fiscales "au cas par cas" pour les commerces vandalisés. Le ministre de l'Économie a fait savoir que les assureurs avaient accepté de "considérer des réductions de franchise".
En outre, Bruno Le Maire veut croire que la flambée de violences n'aura pas de conséquences sur la croissance et l'attractivité de la France, comme il l'a dit à la chaîne américaine CNN et au quotidien britannique Telegraph afin de rassurer une clientèle touristique anglophone très prisée.
Le chef de l'Etat a aussi ouvert des chantiers au plus long cours, du logement à la décentralisation en passant par la justice des mineurs et l'éducation, sans entrer dans le détail.
L'exécutif doit y travailler pendant l'été "pour déboucher sur des solutions très concrètes", car "on ne doit pas laisser la pâte retomber", a-t-il lancé.
Parmi ces chantiers, il a dit vouloir "mieux accompagner, mieux responsabiliser et parfois mieux sanctionner" les parents d'enfants auteurs de violences. Lundi soir, devant des policiers, il avait envisagé une "sorte de tarif minimum dès la première connerie" de leur enfant, reprenant une antienne de la droite.
Le gouvernement s'interroge aussi sur le rôle d'amplification des violences qu'ont pu jouer les réseaux sociaux : le ministre chargé de la Transition numérique Jean-Noël Barrot a d'ailleurs proposé mardi soir au Sénat la mise en place d'un groupe de travail sur ce thème.