TOULOUSE: L'arrivée annoncée d'une cinquantaine de migrants dans la commune tarnaise de Réalmont et ses environs a suscité l'hostilité d'élus de droite et d'extrême droite mais l'Etat, déterminé à ce que l'accueil se fasse, continue de chercher une solution.
"Non au centre d'accueil des migrants dans le Réalmontais, signez la pétition": cela a commencé début juin par un tract diffusé dans les boîtes aux lettres du village par le député du Rassemblement national (RN) Frédéric Cabrolier et son équipe.
Et rapidement sur les réseaux sociaux, un groupuscule d'extrême droite local, Patria Albiges, a appelé à manifester au coeur de Réalmont, sur sa place centrale à arcades, une bastide médiévale comme en abritent de nombreux villages occitans.
Pour éviter "tout risque de trouble à l'ordre public" et "dans un climat de tension autour du projet départemental d'ouverture de 50 places pour demandeurs d'asile", le préfet du Tarn, François-Xavier Lauch, a finalement décidé d'interdire tout rassemblement et organisé une réunion avec les élus locaux.
Dans un contexte encore marqué par la démission retentissante du maire DVD de Saint-Brevin, visé par des menaces et des violences de l'extrême droite, le représentant de l'Etat a alors réaffirmé sa volonté d'ouvrir un Centre d'accueil de demandeurs d'asile départemental (CADA). Mais il a accepté que les places ne soient ouvertes que dans les "communes où les maires sont volontaires pour les accueillir".
«Opposer un véto»
"Je lance un appel à tous les maires républicains pour me faire des propositions puisque de nombreux élus (...) m'ont dit à quel point ils étaient attachés au droit d'asile", a déclaré le préfet, qui souhaite également associer les populations des villages concernés.
Aujourd'hui, M. Lauch ne souhaite plus s'exprimer sur le dossier. "Le préfet du Tarn est au travail et communiquera sur ce sujet en temps voulu", fait valoir son équipe.
M. Cabrolier, à l'origine du tract initial, attend désormais de voir, affirmant: "Moi j'ai joué mon rôle, si ça revient dans ma circonscription et que les habitants me saisissent, je répondrai".
Mais, dit-il encore à l'AFP, "ce n'est pas moi qui vais m'opposer" si des communes "plus immigrationistes" y sont favorables.
Ce n'est pas l'avis d'un autre élu tarnais, le maire LR de Lavaur et ancien député Bernard Carayon, qui a pris la plume pour inviter tous ses homologues tarnais à "opposer un veto" à l'accueil des 50 étrangers.
"Le président de la République a décidé de disperser dans les campagnes des dizaines de milliers de migrants séjournant jusqu'à présent (...) dans la région parisienne", écrit l'élu local en préambule.
Emmanuel Macron "veut ainsi faire partager aux ruraux la vie des banlieues" pour rendre "Paris +plus présentable+ un an avant les Jeux olympiques", estime le maire de Lavaur.
Interrogé par l'AFP, M. Carayon, qui dit n'avoir "jamais vu en France un tel consensus pour refuser l'immigration massive", précise qu'une "quarantaine de maires" lui a apporté son soutien.
«Haut-le-coeur»
Jean-François Rochedreux, maire sans étiquette de la petite commune de Salies, non loin d'Albi, n'est pas de ceux-là. "J'ai d'abord eu un haut-le-coeur" en lisant le courrier, écrit-il dans une lettre, elle-aussi adressée aux maires tarnais.
Rappelant que 50 demandeurs d'asile représenteraient dans le Tarn 0,12 personne pour 1 000 habitants et qu'on est donc "loin de la submersion", il "propose que nous, maires du Tarn, affirmions notre profond attachement aux valeurs de la République" en les accueillant.
Du côté du prestataire choisi par l'Etat pour gérer le CADA, l'association Habitat & Humanisme, on espère "pouvoir installer les premières personnes d'ici quelques semaines", malgré le tumulte.
"On va s'appliquer à ce que les choses se fassent de façon apaisée", indique à l'AFP Christophe Perrin, président de la branche hébergement d'urgence de l'association.
Il affirme comprendre que "les gens puissent avoir un premier réflexe de recul et de prudence", mais c'est lié à une "méconnaissance totale" de la réalité, estime-t-il, ajoutant que "dans 99 cas sur 100 pour ne pas dire 999 sur 1 000", il n'y a aucun problème.
Dans d'autres territoires ruraux d'Occitanie, "l'intégration se passe très bien", dit-il, évoquant par exemple des centres installés à Saint-Affrique (Aveyron) ou à Saint-Chély-d'Apcher (Lozère).