PARIS: "Inexcusable" et "inexplicable": Emmanuel Macron et la majorité se sont voulus implacables après le drame de Nanterre, où un adolescent a succombé au tir à bout portant d'un policier, alors que certains à gauche ont pointé "un problème de racisme" et que Marine Le Pen s'en est remise à la prudence.
À Marseille où il était en déplacement, le président de la République a fait part de "l'émotion de la Nation toute entière" après la mort mardi de Nahel, 17 ans. Une vidéo, authentifiée par l'AFP, a montré qu'un des deux policiers le tenait en joue, puis a tiré à bout portant.
Alors que la garde à vue du suspect a été prolongée, la Première ministre a qualifié au Sénat ces images de "choquantes". Elles montrent selon elle "une intervention qui n'est manifestement pas conforme aux règles d'engagement de nos forces de l'ordre".
Un peu plus tôt, elle avait déjà fait valoir "une exigence absolue de vérité" dans cette affaire pour laquelle la défenseure des droits s'est saisie d'office.
Près de vingt ans après les émeutes dans les banlieues françaises qui avaient éclaté à la suite de la mort de deux adolescents électrocutés à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) alors qu'ils cherchaient à échapper au contrôle de deux policiers, l'exécutif entend circonscrire un potentiel brasier.
"Il y a le fantôme de 2005", consent ainsi un conseiller de l'exécutif, s'inquiétant de "voir des mouvements se structurer sur les réseaux sociaux" autour de l'affaire: "il y a tous les ingrédients pour que cela pète potentiellement".
À la demande du président de la République, le ministre délégué à la Ville, Olivier Klein, par ailleurs ancien maire de Clichy-sous-Bois, s'est donc entretenu avec la mère de la victime pour lui présenter les "condoléances du gouvernement" et l'assurer du "soutien de la Nation". Et, à l'Assemblée nationale, la présidente Yaël Braun-Pivet a donné droit à la requête de la députée LFI Mathilde Panot de faire observer une minute de silence.
Après une nuit de violences urbaines, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a par ailleurs lancé "un appel au calme", à l'issue du Conseil des ministres.
Lors de cette réunion, le ministre de l'Intérieur a d'ailleurs fait une "communication non prévue" sur cette affaire, un type de prise de parole "rare" qui "montre la sensibilité de la situation" et "l'attention qu'on y accorde", selon l'un des participants.
Gérald Darmanin a également indiqué qu'il allait saisir la justice après un tweet de Syndicat France Police - proche de l'extrême droite - qui avait justifié la mort de la victime, et demandé à ses services "d'étudier les modalités d'une dissolution de ce groupuscule".
«'Américanisation' de la police»
Face à cet empressement de l'exécutif et de la majorité, Marine Le Pen a déploré les propos "très excessifs et "irresponsables" du chef de l'État.
"Le président est prêt à oublier les principes constitutionnels pour tenter d'éteindre un potentiel incendie", a-t-elle fustigé. Tout en reconnaissant "un drame" et "une tragédie", elle en a appelé à la "présomption d'innocence".
"Est-ce que l'acte est inexcusable, est-ce qu'il est inexplicable ? C'est à la justice de répondre", a estimé la candidate malheureuse à la présidentielle, alors que le porte-parole du RN Sébastien Chenu a exhorté à "être très précautionneux, surtout ne pas chercher des responsabilités qui n'existeraient peut-être pas ici ou là".
De même, le président des LR, Eric Ciotti, a appelé "la justice à faire son travail", en faisant valoir que "cela ne change en rien le soutien que l'on doit porter à ceux qui nous protègent".
La gauche a pour sa part voulu mettre l'accent sur des défaillances supposées structurelles de la police, la patronne d'EELV, Marine Tondelier, dénonçant à la fois "une 'américanisation' de la police" et "un problème de racisme" dans ses rangs.
"Assez ! Ces meurtres engagent l'autorité de l'État ! Cette police doit être entièrement refondée, ses meurtriers punis", a embrayé dans un tweet le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
Le groupe LFI à l'Assemblée nationale a en outre rappelé avoir demandé en décembre une "commission d'enquête parlementaire sur l'augmentation des décès suite à des refus d'obtempérer".
En cause notamment, une disposition votée en 2017 qui offre un nouveau cadre d'intervention pour les forces de l'ordre confrontées au délit de "refus d'obtempérer", dont le groupe communiste à l'Assemblée a réclamé mercredi l'abrogation.