PARIS: A Marseille, Emmanuel Macron prend son temps. A Paris, se lamentent certains de ses soutiens, "il n'y a pas de gouvernement": les "cent jours" virent à l'interminable attente pour une majorité suspendue à la parole du président, jamais pressé pour un remaniement.
Mardi, un Emmanuel Macron enthousiaste poursuivait sa visite de trois jours dans la cité phocéenne. Marseille, la "ville de cœur" du président qu'il souhaite voir érigée en "laboratoire de nouvelles politiques publiques". En soirée, M. Macron doit prononcer un grand discours du Fort Saint-Jean. Et les militants Renaissance placardent les murs d'affiches le proclamant "président de tous les Marseillais."
Pendant ce temps, son camp entier est suspendu à ses décisions qui engageront la suite du quinquennat.
La tendance ? "70% remaniement maintenant, 30% après les sénatoriales" fin septembre, croit savoir une ministre.
Et membres du gouvernement, conseillers et députés d'éplucher, comme les journalistes, l'agenda présidentiel afin d'identifier la fameuse fenêtre de tir pour un remaniement rapide. De retour de Marseille, le président participe jeudi et vendredi à un sommet européen. Une visite d’État en Allemagne est programmée en début de semaine prochaine et un sommet de l'Otan en Lituanie se tiendra les 11 et 12 juillet.
"Ca ne peut pas tarder. Il n'y a aucun intérêt à remanier après le 14 juillet", juge un ministre.
Avec un nouveau locataire à Matignon ? Un simple remaniement technique ? Un changement d'équipe d'ampleur ? "Personne n'en sait rien", soufflait, la semaine dernière, un de ses collègues.
Le chef de l’État a lui-même fixé l'échéance du 14 juillet comme clause de revoyure lorsqu'il a décrété, en avril, "cent jours d'apaisement pour le pays" après l'adoption au forceps de la réforme des retraites.
"Il s'est lui-même mis la pression. Il a fixé un calendrier, un rendez-vous... Il s'est mis dans la seringue", juge un ancien conseiller à Matignon.
«On n'avance pas»
Les quelques phrases présidentielles lâchées lundi dans La Provence peuvent laisser supposer un maintien d'Élisabeth Borne: la Première ministre doit présenter une "nouvelle stratégie" sur les priorités gouvernementales - finances publiques, immigration, planification écologique - "dans les quinze premiers jours de juillet."
Pour autant, tous les stratèges de la majorité, passés maîtres dans l'analyse de la moindre syllabe présidentielle, ne se hasardent pas jusqu'à entériner son maintien à Matignon.
Mme Borne n'a d'ailleurs toujours pas trouvé de successeur à Aurélien Rousseau, son directeur de cabinet qui doit quitter ses fonctions le 1er juillet. "Personne ne va rentrer dans le cabinet alors qu'on ne sait pas si Élisabeth Borne va être maintenue", euphémise un influent député de la majorité.
Dans ce contexte, rares sont les prétendants à Matignon, réels ou supposés, à s'exprimer. Toujours populaire au sein de la majorité, Richard Ferrand s'y est essayé dans Le Figaro. Un entretien surtout retenu pour le passage sur l’impossibilité pour Emmanuel Macron d'accomplir un troisième mandat à l’Élysée. "Il s'est planté. Il ne voulait pas du tout dire ça. Il a mis le pied dans un trou", s'amuse un cadre de la majorité, pourtant favorable à l'ancien président de l'Assemblée.
Cette période d'attente laisse une impression de flottement à tous les étages. "L'instabilité alimente le marigot", reconnaît un ministre.
Une de ses collègues, comme la plupart des ministres et parlementaires interrogés, égrènent les ministres réellement ou supposément menacés: Catherine Colonna (Affaires étrangères), Pap Ndiaye (Éducation), François Braun (Santé), Franck Riester (Relations avec le Parlement) ou encore Olivier Klein (Logement), Jean-François Carenco (Outre-mer) et Marlène Schiappa.
"Il faudrait moins de ministres, des politiques plus incarnées et des cabinets plus étoffés, pour délivrer des résultats plus rapidement", prône une députée Renaissance.
Mais, en attendant, "on n'avance pas. On n'a pas de projet, les ministres sont tous recroquevillés parce qu'ils ont peur de sauter et les parlementaires sont tous aux aguets parce qu'ils espèrent rentrer" au gouvernement, résume un parlementaire.