PARIS: Plus d'un mois après la démission du maire de Saint-Brevin, des groupuscules d'extrême droite continuent d'intimider les élus, dont celui d'Annecy après l'attaque au couteau perpétrée par un réfugié syrien, ou celui d'une autre localité qui a donné son feu vert à un centre d'accueil.
"On va se souvenir de toi": François Astorg, le maire EELV d'Annecy, où quelques dizaines de militants d'ultradroite se sont rassemblés peu après l'attaque qui a laissé six blessés la semaine dernière, a choisi de porter plainte. En cause: des messages odieux l'accusant d'avoir encouragé l'immigration et visant sa mère sénégalaise.
A l'autre bout du pays, à Bègles, dans la banlieue de Bordeaux, c'était la permanence du député insoumis Loïc Prud'homme qui apparaissait taguée avec des croix celtiques: "Vos migrants, nos morts!", était-il écrit.
Et la tension n'est pas retombée à Saint-Brevin, station balnéaire de 14.800 habitants où l'élection de la nouvelle maire a été marquée il y a une semaine par la présence de jeunes militants d’ultradroite, qui ne contestent le déplacement d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Ces manifestants ont crié sous les vitres du conseil municipal "Hier Annecy, demain Saint-Brevin", avant d’être repoussés par les gendarmes.
La démission retentissante de Yannick Morez, le maire DVD de Saint-Brevin, n'a pas empêché les groupuscules d'ultradroite de poursuivre parfois au grand jour leurs campagnes intimidation.
«Ne pas leur donner raison»
Au contraire, l'emblématique photo de l'élu devant deux voitures calcinées s'est retrouvée sur les réseaux sociaux d'opposants à un autre CADA dans une petite localité, dont le maire souhaite garder l'anonymat.
Son sang n'a fait qu'un tour lorsqu'il a découvert le commentaire qui l'accompagnait: "il est PRIMORDIAL pour un maire d'ÉCOUTER l'avis de ses habitants", tout en précisant qu'ils "n'encourageaient absolument PAS ce type de dégradation et de vandalisme".
Une "menace déguisée" pour cet élu d'une localité d'un millier d'habitants, qui se confie à l'AFP, et dont le conseil municipal a approuvé en début d'année l'installation d’un CADA, entraînant depuis moult menaces anonymes.
Il vit aujourd'hui sous protection de la gendarmerie, est suivi médicalement après un récent malaise et il assure que son épouse "vit très mal" cette situation après qu'une manifestation s'est conclue devant leur domicile.
Au point qu'il avoue s'être rendu récemment avec son épouse l'estomac noué à un dîner de l'amicale des sapeurs-pompiers qui s'est finalement déroulé sans tension.
Le maire, non encarté comme souvent dans les petites localités, reconnaît avoir songé à démissionner comme son collègue de Saint-Brevin.
"Mais je ne suis pas dans cette optique-là. Je ne vais quand même pas leur donner raison", s'indigne-t-il, tout en assurant qu'il se sent protégé par l'Etat, en particulier la préfecture, contrairement à M. Morez qui avait dénoncé le manque "flagrant" de soutien.
«Inadmissible !»
Face à ces intimidations qui s'ajoutent aux agressions déjà en hausse contre les élus, l'influente l'Association des maires de France (AMF) appelle le gouvernement à "plus de fermeté" et à des peines renforcées contre les auteurs d'agressions "qu'elles que soient les origines des violences".
"Le gouvernement n'a pas pris la mesure de la situation", déplore son vice-président délégué PS André Laignel, qui regrette que "l'Etat ait toujours du mal à caractériser politiquement certaines manifestations, en particulier lorsqu'il s'agit de l'extrême droite".
Des peines renforcées, c'est ce que propose un projet de loi déposé au Sénat, à majorité de droite, notamment par le président LR de la commission des Lois, François-Noël Buffet, qui a auditionné récemment le maire démissionnaire de Saint-Brevin.
"Le passage à l'acte est désormais possible avec le risque d'entraîner au minimum des blessures graves, voire la mort. C'est une évolution récente", déplore-t-il, appelant à y mettre fin.
Outre le renforcement des dispositions pénales par le Parlement, le sénateur attend du ministère de l'Intérieur "un gros travail" afin d'identifier les groupuscules d'extrême droite, mais aussi d'extrême gauche qu'il désigne également comme auteurs d'intimidations ou de violences sur les élus.
"L'autorité démocratiquement élue est en permanence contestée et on n'hésite plus à passer à l'acte", déplore-t-il. "C'est inadmissible!".