Jean Moulin est devenu avec le temps «le symbole même de la Résistance»

Cette photographie prise le 19 décembre 1964 à Paris montre André Malraux, secrétaire d'Etat aux Affaires culturelles, prononçant un discours le 19 décembre 1964 devant le catafalque de Jean Moulin, premier président du Conseil national de la Résistance, dont les cendres ont été transférées au Panthéon lors d'une cérémonie présidée par le général de Gaulle. (Photo, AFP)
Cette photographie prise le 19 décembre 1964 à Paris montre André Malraux, secrétaire d'Etat aux Affaires culturelles, prononçant un discours le 19 décembre 1964 devant le catafalque de Jean Moulin, premier président du Conseil national de la Résistance, dont les cendres ont été transférées au Panthéon lors d'une cérémonie présidée par le général de Gaulle. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 18 juin 2023

Jean Moulin est devenu avec le temps «le symbole même de la Résistance»

  • Celui qui a unifié les mouvements de résistance est devenu avec le temps «le symbole même de la Résistance», explique Bénédicte Vergez-Chaignon, historienne et autrice de la biographie «Jean Moulin l'affranchi»
  • «La force de Jean Moulin, c'est d’avoir apporté, en même temps qu'un projet, des moyens financiers et logistiques»
Le résistant français Jean Moulin photographié en octobre 1939 à Montpellier.  (Photo AFP)
Le résistant français Jean Moulin photographié en octobre 1939 à Montpellier.  (Photo AFP)

PARIS: Il y a 80 ans, le 21 juin 1943, Jean Moulin était arrêté à Caluire (Rhône). Torturé par le chef local de la Gestapo Klaus Barbie, il est mort peu après.

Celui qui a unifié les mouvements de résistance est devenu avec le temps "le symbole même de la Résistance", explique à l'AFP Bénédicte Vergez-Chaignon, historienne et autrice de la biographie "Jean Moulin l'affranchi" (Flammarion).

"Avant Jean Moulin, il y avait des résistants; après Jean Moulin, il y avait la Résistance", selon l’historien Henri Michel. Quel rôle a-t-il joué précisément ?

"Dès leur première rencontre en octobre 1941 à Londres, Jean Moulin accepte de remplir les missions que lui confie Charles de Gaulle: faire reconnaître le général comme seul chef de la Résistance et obtenir une coordination de l'action des mouvements résistants. Il doit leur faire accepter de se défaire de leurs effectifs paramilitaires pour les fondre dans ce qui devient l'Armée secrète.

Quelle que soit la sympathie qu’ils pouvaient avoir pour le général, les résistants n’étaient pas, a priori, décidés à se placer sous ses ordres. La force de Jean Moulin, c'est d’avoir apporté, en même temps qu'un projet, des moyens financiers et logistiques.

Alors qu'il y a, en France et à l'extérieur, des rivaux potentiels, parfois soutenus par les Alliés, il donne corps, avec la création du Conseil national de la Résistance, à cette fédération de toutes les tendances de la Résistance qui ne reconnaît que le général comme chef.

Il est vraiment la cheville ouvrière de cet arrimage de la Résistance, y compris les communistes, au général de Gaulle".

"C’est un très grand bonhomme, grand de toutes façons", dit-il après sa première rencontre avec le général. Entre les deux, les choses n'étaient pourtant pas écrites à l'avance ?

"Exactement. Ce sont deux hommes qui ont des origines familiales, des opinions et des parcours différents, voire divergents. Il n'y a pas, a priori, d'entente envisageable. Mais Jean Moulin part du principe que la France libre, le général de Gaulle sont alors ce qui représente le plus la France. Quant au général, il n’a pas tellement de hauts fonctionnaires à sa disposition. En termes d'efficacité, il a besoin de cadres expérimentés qui donnent du sérieux à son entreprise.

Dès leur première entrevue, ils sont impressionnés l’un par l'autre et d'accord sur les buts communs: la libération de la France et le rétablissement de la République.

Ca ne présage pas de ce qui se serait passé après la guerre mais Jean Moulin, homme très loyal, va se comporter comme le préfet qu’il a toujours été: il est le représentant de l'Etat et obéit aux ordres.

C'est une relation sans nuages contrairement aux tensions et dissensions qui pourront exister entre Moulin et certaines figures de la Résistance. Avec le général, il y aura toujours un accord fondamental et un soutien mutuel".

80 ans après sa mort, Jean Moulin est auréolé de son statut de héros incontesté. Comment est-il devenu un emblème de la République ?

"Il y a eu des étapes. Juste après guerre, sa mémoire est portée fortement mais localement, dans sa région d’origine, le Midi, et dans les villes où il a été en poste. Il est une figure connue mais une figure parmi d'autres de la Résistance.

Le point de bascule, c'est évidemment son entrée au Panthéon, en décembre 1964, qui coïncide avec le 20e anniversaire de la libération de la France. A cause de la cérémonie et bien sûr du discours d'André Malraux, poignant et très vrai.

Jean Moulin prend alors un statut à part. Il est désigné au fond comme le premier des résistants. A partir de là, même s'il va encore y avoir des querelles pour savoir si c'était un communiste, celui qui a unifié les mouvements de résistance devient, pour l'opinion publique, le symbole même de la Résistance, à cause de son image et de son sacrifice".

Cinq facettes de Jean Moulin

Jean Moulin est, 80 ans après sa mort, une figure de l'histoire de France et l'emblème de la Résistance. Voici cinq facettes du héros panthéonisé:

Caricaturiste talentueux

Romanin. Il choisit ce pseudonyme d'artiste pour publier dans la presse ses dessins et caricatures. Sa famille a remarqué son joli coup de crayon, enfant. Il passe ses loisirs à noircir ses cahiers d'écolier. "C'était la seule chose qui l'intéressait vraiment", dira sa soeur Laure, qui a légué ses oeuvres au musée de Béziers, sa ville natale.

Dès 1915, à 16 ans, il publie son premier dessin satirique, anti-allemand, dans un hebdomadaire national, "La Baïonnette". On lui reconnaît vite du talent et un trait incisif. Pendant plusieurs années, il croque la vie parisienne et les personnalités de son époque.

Dans les années 30, alors sous-préfet dans le Finistère, il se met aussi à la peinture, s'initie aux techniques de la céramique, de la gravure, des eaux-fortes.

Passionné d'art, il est l'ami de Max Jacob et collectionne des oeuvres qu'il expose dans sa galerie à Nice. Cette activité lui servira de couverture pendant la guerre.

 

Iconique photo

Longtemps, elle est une photo parmi d'autres de Jean Moulin. Peu utilisée dans la presse. Elle change de statut après le Panthéon, en trônant en 1969 en couverture de la biographie écrite par Laure.

Depuis, elle est devenue une photo très célèbre de l'histoire contemporaine, spontanément reconnue par tous. Un de ces clichés identifiables sans légende. Et qui vient immédiatement à l'esprit quand on pense à lui.

On le voit songeur, adossé à un mur, regardant fixement devant lui. L'ombre de son feutre masque légèrement le haut du visage. Et une écharpe, sur son pardessus, cache le cou.

Contrairement à la légende, cette écharpe ne sert pas à dissimuler la trace que le préfet gardera de sa tentative de suicide le 17 juin 1940.

Pour la simple raison que ce cliché, qu'on doit à son ami d'enfance Marcel Bernard, est antérieur de quelques mois.

Le portrait est devenu iconique, comme celui de Che Guevara. Mieux, souligne l'historienne Bénédicte Vergez-Chaignon, la photo "ne s’identifie pas seulement à Jean Moulin, elle signifie la Résistance".

Laure, Antoinette et les autres...

Les femmes jouent un rôle majeur dans sa vie, à commencer par sa soeur et confidente, Laure. Qui remue ciel et terre, après guerre, pour promouvoir l'action de son cadet dans la Résistance.

Côté vie sentimentale, c'est plus compliqué: des fiançailles qui tournent court avec Jeanne et un mariage aussi bref que calamiteux avec Marguerite, une apprentie cantatrice...

C'est dès lors un célibataire endurci. Pas vraiment un coureur mais un séducteur, qui aime profiter de la vie.

Il connaîtra une relation, apaisée, avec Antoinette Sachs, artiste peintre, mécène fortunée et résistante elle aussi. Avec Laure, elle s'activera pour faire vivre sa mémoire.

Le choix du suicide

En 1940 déjà, il choisit la mort. Les premières troupes allemandes font leur entrée le 17 juin dans Chartres où il est préfet.

L'occupant exige qu'il signe une déclaration accusant -à tort- des tirailleurs sénégalais d'atrocités envers des civils. Il refuse. "Pensez-vous vraiment qu'un Français et, qui plus est, un haut fonctionnaire qui a la mission de représenter son pays devant l'ennemi puisse accepter de signer une pareille infamie ?"

Il est roué de coups. Et craint de finir par céder. Il préfère se donner la mort... La nuit, dans sa geôle, il s'ouvre la gorge jusqu'à la trachée avec un tesson de bouteille. Mais il survit.

En juin 1943, après son arrestation près de Lyon, torturé par Klaus Barbie, il tentera à nouveau, à plusieurs reprises, de se suicider et mourra des suites de ses blessures.

«Entre ici, Jean Moulin !»

Le 19 décembre 1964, il entre définitivement dans la légende. Après l'oraison d'André Malraux, les cendres du "pauvre roi supplicié des ombres" sont portées au Panthéon. Ou plutôt ses "cendres présumées".

Car le mystère demeure sur la date et le lieu exacts de son décès. Officiellement, selon un acte rédigé bien après par l'occupant, il meurt le 8 juillet 1943, en gare de Metz dans le train qui le conduit vers l'Allemagne... La famille apprend après guerre que le corps "d'un ressortissant français décédé en territoire allemand", présumé être Jean Moulin, a été rapatrié à Paris le 9 juillet et aussitôt incinéré.

L'urne contenant ses cendres a été déposée au Père-Lachaise, case 10137, avec pour seule mention "Inconnu incinéré, 09-07-43". Comme le souligne Bénédicte Vergez-Chaignon, "peu importe que le tombeau soit vide ou ne contienne peut-être pas les cendres de Moulin, cela n’enlève rien à la force de sa présence" dans ce temple républicain. La panthéonisation est l'acte de baptême du héros.


Menus anti-crise: les restaurateurs français s’adaptent à la baisse du pouvoir d’achat

Si la conjoncture économique reste tendue, l’inventivité des restaurateurs français, leur capacité à s’adapter sans renoncer à la qualité ni à la chaleur humaine, prouve que la restauration de proximité a encore de beaux jours devant elle. (AFP)
Si la conjoncture économique reste tendue, l’inventivité des restaurateurs français, leur capacité à s’adapter sans renoncer à la qualité ni à la chaleur humaine, prouve que la restauration de proximité a encore de beaux jours devant elle. (AFP)
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  • Le contexte économique pèse lourdement sur les habitudes de consommation
  • Pour beaucoup, avant de consommer on compare les prix, on achète le strict nécessaire, et surtout, on rogne sur les dépenses de loisirs, tels que les vacances ou les repas au restaurant

PARIS: Difficile de se promener dans les rues de Paris, ou dans les centres-villes français, sans remarquer le nombre croissant de commerces fermés. 

Boutiques de prêt-à-porter, librairies, opticiens… aucun secteur n’échappe à la vague de difficultés économiques qui frappe les petites entreprises, et les restaurants, piliers de la vie sociale et culturelle française. 

Si certains souffrent de la concurrence des grandes enseignes ou de modèles de consommation en pleine mutation, le facteur commun à toutes ces difficultés reste la baisse du pouvoir d’achat des Français.

Selon les dernières prévisions publiées par la Banque de France le 11 juin, le pouvoir d’achat des ménages ne devrait augmenter que de 0,5 % en 2025, contre une hausse de 2,5 % en 2024. 

Pourtant, l’inflation ralentit : elle passerait de 2,3 % en 2024 à seulement 1 % en moyenne en 2025, grâce notamment à la baisse des prix de l’énergie.

Selon les économistes, ce contraste est dû à l’essoufflement de la progression du pouvoir d’achat, les hausses de salaires sont plus limitées (2,3 % contre 2,6 % en 2024), le taux de chômage repart légèrement à la hausse (7,6 % en 2025), et les prestations sociales tout comme les revenus du patrimoine ne soutiennent plus autant les ménages.

La conséquence logique n’est autre qu’une consommation au ralenti, après une légère accélération en 2024, elle ne devrait croître que de 0,7 % en 2025, dans un climat d’incertitude qui pousse les Français à épargner plus et consommer moins.

Ce contexte économique pèse lourdement sur les habitudes de consommation. Pour beaucoup, avant de consommer on compare les prix, on achète le strict nécessaire, et surtout, on rogne sur les dépenses de loisirs, tels que les vacances ou les repas au restaurant. 

Ces derniers, autrefois partie intégrante du quotidien de nombreux Français, sont devenus une rareté.

Les restaurateurs s'adaptent 

Face à cette désertion progressive, les restaurateurs n’ont pas eu d’autre choix que de réinventer leurs formules et leurs prix, pour tenter de ramener la clientèle et sauver leur activité.

C’est ainsi qu’est née, dans plusieurs régions, l’idée de menus « anti-crise », des formules fixes à très bas prix, proposées certains jours de la semaine, avec entrée, plat et dessert pour environ 9 euros, un pari risqué, mais souvent gagnant.

À l’antenne de Franceinfo, Loïc, restaurateur en Gironde, témoigne de cette initiative, chaque mardi, son établissement propose ce menu spécial à prix serré. 

Le succès est tel qu’il envisage d’étendre la formule à un second jour, pour lui, mieux vaut rogner sur ses marges que de voir la salle vide.

D’autres restaurateurs de province lui ont emboîté le pas, mettant temporairement de côté la rentabilité pour préserver leurs salariés, maintenir une activité stable et surtout, garder le lien avec leur clientèle de proximité. 

Dans la capitale, certains établissements misent depuis longtemps sur la simplicité, l’accueil chaleureux et les prix accessibles. 

Au cœur du très chic 7ᵉ arrondissement, la brasserie Au Pied de Fouet fait figure d’exemple, ici pas de chichi, nappes à carreaux rouges et blanches, mobilier rustique, recettes traditionnelles du terroir. 

Les entrées plafonnent à 6 euros, et le plat le plus cher n’excède pas 16 euros, le décor est sobre, mais les portions sont généreuses et l’ambiance conviviale.

« Ici, on se régale à satiété dans la bonne humeur », confie l’un des habitués, la formule plaît et l’établissement affiche complet midi et soir, preuve qu’un restaurant peut encore prospérer en temps de crise, à condition de s’adapter aux contraintes de sa clientèle.

Ces formules « anti-crise » ne sont pas seulement un levier commercial, elles sont aussi le reflet d’un engagement humain et social, qui consiste à offrir à chacun, quel que soit son budget, la possibilité de partager un repas au restaurant, et maintenir un lien de proximité.

Dans une époque où la restauration haut de gamme et les additions salées occupent souvent le devant de la scène médiatique, ces initiatives redonnent du sens au mot “table”.

Une table autour de laquelle on se retrouve, on mange bien sans se ruiner, on parle, ou on rit, même quand les temps sont durs.

Si la conjoncture économique reste tendue, l’inventivité des restaurateurs français, leur capacité à s’adapter sans renoncer à la qualité ni à la chaleur humaine, prouve que la restauration de proximité a encore de beaux jours devant elle.


Algérie: le sort de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal connu mardi

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  • Il a été accusé d'"atteinte à l'unité nationale", "outrage à corps constitué", "pratiques de nature à nuire à l'économie nationale" et "détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays"
  • Le procès en appel a eu lieu aussi bien à la demande de l'écrivain que du parquet, qui avait déjà requis dix ans en première instance

ALGER: Le sort de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné en Algérie depuis plus de sept mois et au coeur d'une grave brouille diplomatique entre Paris et Alger, sera connu mardi à l'issue d'un procès en appel où le Parquet a requis dix ans de prison.

M. Sansal a été condamné le 27 mars à cinq ans de réclusion en première instance, notamment pour des déclarations en octobre 2024 au média français d'extrême droite Frontières, où il estimait que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.

Il a été accusé d'"atteinte à l'unité nationale", "outrage à corps constitué", "pratiques de nature à nuire à l'économie nationale" et "détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays".

Le procès en appel a eu lieu aussi bien à la demande de l'écrivain que du parquet, qui avait déjà requis dix ans en première instance.

L'écrivain, âgé de 80 ans et atteint d'un cancer de la prostate, selon ses proches, fait l'objet d'une âpre lutte diplomatique entre l'Algérie et la France depuis son arrestation à Alger le 16 novembre 2024.

Interrogé pendant son procès en appel sur sa déclaration sur les frontières, M. Sansal a répondu: "je ne fais pas que de la politique. Je m'exprime aussi sur l'histoire", invoquant le droit garanti par la Constitution "à la liberté d'expression".

"La France a créé les frontières (de l'Algérie colonisée à partir de 1830, NDLR) mais heureusement après l'indépendance (en 1962), l'Union africaine a décrété que ces frontières héritées de la colonisation étaient intangibles", a-t-il ajouté.

L'affaire Sansal a envenimé une brouille entre Paris et Alger déclenchée en juillet 2024 par la reconnaissance par la France d'un plan d'autonomie "sous souveraineté marocaine" pour le Sahara occidental, territoire que se disputent depuis 50 ans le Maroc et les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.

"Une petite chance" 

Depuis, les deux pays traversent une crise diplomatique sans précédent, marquée par des expulsions de diplomates de part et d'autre, des restrictions pour les titulaires de visas diplomatiques et un gel de toutes les coopérations.

Le 6 mai, l'Assemblée nationale française a adopté une résolution appelant à la "libération immédiate" de l'écrivain, et à subordonner au respect des "engagements internationaux en matière de droits humains" toute "coopération renforcée" entre l'Algérie d'une part, la France et l'Europe de l'autre.

Si en France, M. Sansal fait l'objet d'une intense campagne de soutien politique et médiatique, en Algérie, où il n'est pas très connu, peu de personnalités l'appuient.

Des prises de positions pro-israéliennes de l'écrivain rediffusées sur les réseaux sociaux lui ont valu l'hostilité d'une partie de l'opinion publique algérienne pour laquelle la cause palestinienne est sacrée.

Jusqu'à présent, les multiples demandes de libération ou d'une grâce du président algérien Abdelmajid Tebboune, "un geste d'humanité" réclamé par le président français Emmanuel Macron en personne, sont restées lettre morte.

Le célèbre écrivain Yasmina Khadra a plaidé début juin pour sa libération "le plus rapidement possible" lors d'une rencontre avec le président Tebboune. "J'ai fait mon devoir d'écrivain. S'il y a une petite chance, il faut la tenter", a-t-il dit.

Certains proches de l'auteur ont émis l'espoir qu'il soit gracié à l'occasion du 5 juillet, marquant le 63e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie.

"Assez, c'est assez. Il faut maintenant que le pouvoir algérien comprenne que la France défend ses citoyens", a déclaré la présidente du comité de soutien en France de l'écrivain, Noëlle Lenoir, à la radio Europe 1 mardi. Au comité de soutien, "nous sommes ulcérés par l'attitude du gouvernement algérien qui n'a rien à gagner ni sur le plan européen (...) ni vis-à-vis de la France", a-t-elle ajouté.


Paris "regrette vivement" la condamnation d'un journaliste français en Algérie

(Photo (AFP)
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  • « La France regrette vivement la lourde condamnation à une peine de sept ans de prison ferme du journaliste français Christophe Gleizes », a déclaré le ministère des Affaires étrangères.
  • Journaliste indépendant spécialiste du football, Christophe Gleizes écrivait depuis une décennie pour les magazines So Foot et Society. Il est également coauteur d’un ouvrage sur « l’esclavage moderne » des footballeurs africains.

PARIS : La France a exprimé lundi son profond regret face à la lourde condamnation à sept ans de prison du journaliste français Christophe Gleizes en Algérie, tout en s’abstenant d’appeler directement à sa libération. Cette affaire, révélée dimanche par Reporters sans frontières (RSF) et le groupe So Press, s’inscrit dans un contexte de fortes tensions diplomatiques entre Paris et Alger.

« La France regrette vivement la lourde condamnation à une peine de sept ans de prison ferme du journaliste français Christophe Gleizes », a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué, assurant suivre « de près » la situation depuis son arrestation en mai 2024. Le Quai d’Orsay a précisé lui avoir fourni « aide et protection consulaire tout au long de son contrôle judiciaire » et rester en contact régulier avec lui, ses proches et ses avocats.

Journaliste indépendant spécialiste du football, Christophe Gleizes écrivait depuis une décennie pour les magazines So Foot et Society. Il est également coauteur d’un ouvrage sur « l’esclavage moderne » des footballeurs africains. Selon Franck Annese, fondateur de So Press, « il est reconnu pour toujours travailler sans arrière-pensée politique. Cette condamnation est injuste et personne ne pouvait l’envisager ».

Le journaliste s’était rendu en Algérie pour enquêter sur l’un des plus grands clubs de football du pays, la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), basée à Tizi Ouzou. Il a été arrêté le 28 mai 2024, puis placé sous contrôle judiciaire pendant 13 mois avec interdiction de quitter le territoire.

Dimanche, il a été condamné notamment pour « apologie du terrorisme » et « possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national ». La justice algérienne lui reproche des échanges avec un responsable du club JSK, également cadre du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classé organisation terroriste par l’Algérie depuis 2021. Ses soutiens affirment qu’un seul de ces échanges a eu lieu après cette date, dans le cadre de son reportage.

Une affaire qui s’ajoute à une crise diplomatique profonde

Cette condamnation intervient alors que l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal doit connaître mardi le verdict en appel de son procès. Il avait été condamné à cinq ans de prison pour avoir tenu en France des propos jugés attentatoires à « l’unité nationale » algérienne. Selon lui, certains territoires algériens actuels auraient été hérités de la colonisation française au détriment du Maroc.

L’arrestation de Sansal a exacerbé une crise déjà vive entre les deux pays. Celle-ci avait éclaté à l’été 2023 après la reconnaissance par Emmanuel Macron du plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, en contradiction avec la position d’Alger qui soutient le Front Polisario. Depuis, les relations sont gelées, marquées par des expulsions réciproques de diplomates et la suspension de coopérations migratoire et judiciaire.

Le dossier Gleizes risque de compliquer davantage un réchauffement fragile entre Paris et Alger, amorcé brièvement au printemp 

Vers un nouveau procès en appel

D’après des sources judiciaires algériennes citées par l’AFP, Christophe Gleizes a été transféré à la prison de Tizi Ouzou après sa condamnation. Une procédure d’appel est en cours, mais son nouveau procès ne devrait pas avoir lieu avant octobre, lors de la prochaine session criminelle.

Pour Franck Annese, « il est important que tout soit mis en œuvre, y compris sur les plans politique et diplomatique, pour que la justice prévale et que Christophe puisse retrouver ses proches et sa rédaction ».

Les dates cles de l'affaire Christophe Gleizes

  • 28 mai 2024 : Arrestation de Christophe Gleizes à Tizi Ouzou, alors qu’il enquête sur la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK).

  • Mai 2024 – juin 2025 : Le journaliste est placé sous contrôle judiciaire pendant 13 mois, avec interdiction de quitter le territoire algérien.

  • 30 juin 2025 : Il est condamné à sept ans de prison ferme pour « apologie du terrorisme » et « propagande portant atteinte à l’intérêt national ».

  • 1er juillet 2025 : Le ministère français des Affaires étrangères exprime son « profond regret », sans toutefois demander sa libération.

  • Juillet 2025 : Christophe Gleizes est incarcéré à la prison de Tizi Ouzou. Un appel est déposé.

  • Octobre 2025 (prévision) : Son procès en appel devrait se tenir lors de la prochaine session criminelle.