Jean Moulin est devenu avec le temps «le symbole même de la Résistance»

Cette photographie prise le 19 décembre 1964 à Paris montre André Malraux, secrétaire d'Etat aux Affaires culturelles, prononçant un discours le 19 décembre 1964 devant le catafalque de Jean Moulin, premier président du Conseil national de la Résistance, dont les cendres ont été transférées au Panthéon lors d'une cérémonie présidée par le général de Gaulle. (Photo, AFP)
Cette photographie prise le 19 décembre 1964 à Paris montre André Malraux, secrétaire d'Etat aux Affaires culturelles, prononçant un discours le 19 décembre 1964 devant le catafalque de Jean Moulin, premier président du Conseil national de la Résistance, dont les cendres ont été transférées au Panthéon lors d'une cérémonie présidée par le général de Gaulle. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 18 juin 2023

Jean Moulin est devenu avec le temps «le symbole même de la Résistance»

  • Celui qui a unifié les mouvements de résistance est devenu avec le temps «le symbole même de la Résistance», explique Bénédicte Vergez-Chaignon, historienne et autrice de la biographie «Jean Moulin l'affranchi»
  • «La force de Jean Moulin, c'est d’avoir apporté, en même temps qu'un projet, des moyens financiers et logistiques»
Le résistant français Jean Moulin photographié en octobre 1939 à Montpellier.  (Photo AFP)
Le résistant français Jean Moulin photographié en octobre 1939 à Montpellier.  (Photo AFP)

PARIS: Il y a 80 ans, le 21 juin 1943, Jean Moulin était arrêté à Caluire (Rhône). Torturé par le chef local de la Gestapo Klaus Barbie, il est mort peu après.

Celui qui a unifié les mouvements de résistance est devenu avec le temps "le symbole même de la Résistance", explique à l'AFP Bénédicte Vergez-Chaignon, historienne et autrice de la biographie "Jean Moulin l'affranchi" (Flammarion).

"Avant Jean Moulin, il y avait des résistants; après Jean Moulin, il y avait la Résistance", selon l’historien Henri Michel. Quel rôle a-t-il joué précisément ?

"Dès leur première rencontre en octobre 1941 à Londres, Jean Moulin accepte de remplir les missions que lui confie Charles de Gaulle: faire reconnaître le général comme seul chef de la Résistance et obtenir une coordination de l'action des mouvements résistants. Il doit leur faire accepter de se défaire de leurs effectifs paramilitaires pour les fondre dans ce qui devient l'Armée secrète.

Quelle que soit la sympathie qu’ils pouvaient avoir pour le général, les résistants n’étaient pas, a priori, décidés à se placer sous ses ordres. La force de Jean Moulin, c'est d’avoir apporté, en même temps qu'un projet, des moyens financiers et logistiques.

Alors qu'il y a, en France et à l'extérieur, des rivaux potentiels, parfois soutenus par les Alliés, il donne corps, avec la création du Conseil national de la Résistance, à cette fédération de toutes les tendances de la Résistance qui ne reconnaît que le général comme chef.

Il est vraiment la cheville ouvrière de cet arrimage de la Résistance, y compris les communistes, au général de Gaulle".

"C’est un très grand bonhomme, grand de toutes façons", dit-il après sa première rencontre avec le général. Entre les deux, les choses n'étaient pourtant pas écrites à l'avance ?

"Exactement. Ce sont deux hommes qui ont des origines familiales, des opinions et des parcours différents, voire divergents. Il n'y a pas, a priori, d'entente envisageable. Mais Jean Moulin part du principe que la France libre, le général de Gaulle sont alors ce qui représente le plus la France. Quant au général, il n’a pas tellement de hauts fonctionnaires à sa disposition. En termes d'efficacité, il a besoin de cadres expérimentés qui donnent du sérieux à son entreprise.

Dès leur première entrevue, ils sont impressionnés l’un par l'autre et d'accord sur les buts communs: la libération de la France et le rétablissement de la République.

Ca ne présage pas de ce qui se serait passé après la guerre mais Jean Moulin, homme très loyal, va se comporter comme le préfet qu’il a toujours été: il est le représentant de l'Etat et obéit aux ordres.

C'est une relation sans nuages contrairement aux tensions et dissensions qui pourront exister entre Moulin et certaines figures de la Résistance. Avec le général, il y aura toujours un accord fondamental et un soutien mutuel".

80 ans après sa mort, Jean Moulin est auréolé de son statut de héros incontesté. Comment est-il devenu un emblème de la République ?

"Il y a eu des étapes. Juste après guerre, sa mémoire est portée fortement mais localement, dans sa région d’origine, le Midi, et dans les villes où il a été en poste. Il est une figure connue mais une figure parmi d'autres de la Résistance.

Le point de bascule, c'est évidemment son entrée au Panthéon, en décembre 1964, qui coïncide avec le 20e anniversaire de la libération de la France. A cause de la cérémonie et bien sûr du discours d'André Malraux, poignant et très vrai.

Jean Moulin prend alors un statut à part. Il est désigné au fond comme le premier des résistants. A partir de là, même s'il va encore y avoir des querelles pour savoir si c'était un communiste, celui qui a unifié les mouvements de résistance devient, pour l'opinion publique, le symbole même de la Résistance, à cause de son image et de son sacrifice".

Cinq facettes de Jean Moulin

Jean Moulin est, 80 ans après sa mort, une figure de l'histoire de France et l'emblème de la Résistance. Voici cinq facettes du héros panthéonisé:

Caricaturiste talentueux

Romanin. Il choisit ce pseudonyme d'artiste pour publier dans la presse ses dessins et caricatures. Sa famille a remarqué son joli coup de crayon, enfant. Il passe ses loisirs à noircir ses cahiers d'écolier. "C'était la seule chose qui l'intéressait vraiment", dira sa soeur Laure, qui a légué ses oeuvres au musée de Béziers, sa ville natale.

Dès 1915, à 16 ans, il publie son premier dessin satirique, anti-allemand, dans un hebdomadaire national, "La Baïonnette". On lui reconnaît vite du talent et un trait incisif. Pendant plusieurs années, il croque la vie parisienne et les personnalités de son époque.

Dans les années 30, alors sous-préfet dans le Finistère, il se met aussi à la peinture, s'initie aux techniques de la céramique, de la gravure, des eaux-fortes.

Passionné d'art, il est l'ami de Max Jacob et collectionne des oeuvres qu'il expose dans sa galerie à Nice. Cette activité lui servira de couverture pendant la guerre.

 

Iconique photo

Longtemps, elle est une photo parmi d'autres de Jean Moulin. Peu utilisée dans la presse. Elle change de statut après le Panthéon, en trônant en 1969 en couverture de la biographie écrite par Laure.

Depuis, elle est devenue une photo très célèbre de l'histoire contemporaine, spontanément reconnue par tous. Un de ces clichés identifiables sans légende. Et qui vient immédiatement à l'esprit quand on pense à lui.

On le voit songeur, adossé à un mur, regardant fixement devant lui. L'ombre de son feutre masque légèrement le haut du visage. Et une écharpe, sur son pardessus, cache le cou.

Contrairement à la légende, cette écharpe ne sert pas à dissimuler la trace que le préfet gardera de sa tentative de suicide le 17 juin 1940.

Pour la simple raison que ce cliché, qu'on doit à son ami d'enfance Marcel Bernard, est antérieur de quelques mois.

Le portrait est devenu iconique, comme celui de Che Guevara. Mieux, souligne l'historienne Bénédicte Vergez-Chaignon, la photo "ne s’identifie pas seulement à Jean Moulin, elle signifie la Résistance".

Laure, Antoinette et les autres...

Les femmes jouent un rôle majeur dans sa vie, à commencer par sa soeur et confidente, Laure. Qui remue ciel et terre, après guerre, pour promouvoir l'action de son cadet dans la Résistance.

Côté vie sentimentale, c'est plus compliqué: des fiançailles qui tournent court avec Jeanne et un mariage aussi bref que calamiteux avec Marguerite, une apprentie cantatrice...

C'est dès lors un célibataire endurci. Pas vraiment un coureur mais un séducteur, qui aime profiter de la vie.

Il connaîtra une relation, apaisée, avec Antoinette Sachs, artiste peintre, mécène fortunée et résistante elle aussi. Avec Laure, elle s'activera pour faire vivre sa mémoire.

Le choix du suicide

En 1940 déjà, il choisit la mort. Les premières troupes allemandes font leur entrée le 17 juin dans Chartres où il est préfet.

L'occupant exige qu'il signe une déclaration accusant -à tort- des tirailleurs sénégalais d'atrocités envers des civils. Il refuse. "Pensez-vous vraiment qu'un Français et, qui plus est, un haut fonctionnaire qui a la mission de représenter son pays devant l'ennemi puisse accepter de signer une pareille infamie ?"

Il est roué de coups. Et craint de finir par céder. Il préfère se donner la mort... La nuit, dans sa geôle, il s'ouvre la gorge jusqu'à la trachée avec un tesson de bouteille. Mais il survit.

En juin 1943, après son arrestation près de Lyon, torturé par Klaus Barbie, il tentera à nouveau, à plusieurs reprises, de se suicider et mourra des suites de ses blessures.

«Entre ici, Jean Moulin !»

Le 19 décembre 1964, il entre définitivement dans la légende. Après l'oraison d'André Malraux, les cendres du "pauvre roi supplicié des ombres" sont portées au Panthéon. Ou plutôt ses "cendres présumées".

Car le mystère demeure sur la date et le lieu exacts de son décès. Officiellement, selon un acte rédigé bien après par l'occupant, il meurt le 8 juillet 1943, en gare de Metz dans le train qui le conduit vers l'Allemagne... La famille apprend après guerre que le corps "d'un ressortissant français décédé en territoire allemand", présumé être Jean Moulin, a été rapatrié à Paris le 9 juillet et aussitôt incinéré.

L'urne contenant ses cendres a été déposée au Père-Lachaise, case 10137, avec pour seule mention "Inconnu incinéré, 09-07-43". Comme le souligne Bénédicte Vergez-Chaignon, "peu importe que le tombeau soit vide ou ne contienne peut-être pas les cendres de Moulin, cela n’enlève rien à la force de sa présence" dans ce temple républicain. La panthéonisation est l'acte de baptême du héros.


La mère du journaliste français Christophe Gleizes a adressé une demande de grâce au président algérien

Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche. (AFP)
Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche. (AFP)
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  • Dans un communiqué publié lundi, l'association Reporters sans frontières (RSF), qui coordonne le comité de soutien de Christophe Gleizes, appuie cette demande de grâce "afin de mettre fin à une grave injustice"
  • La mère du journaliste sportif français Christophe Gleizes, condamné début décembre en Algérie à sept ans de prison ferme en appel, a transmis une demande de grâce au président algérien Abdelmadjid Tebboune, selon une lettre consultée lundi par l'AFP

PARIS: La mère du journaliste sportif français Christophe Gleizes, condamné début décembre en Algérie à sept ans de prison ferme en appel, a transmis une demande de grâce au président algérien Abdelmadjid Tebboune, selon une lettre consultée lundi par l'AFP.

"Je vous demande respectueusement de bien vouloir envisager de gracier Christophe, afin qu'il puisse retrouver sa liberté et sa famille", écrit Sylvie Godard dans cette missive du 10 décembre, assurant faire appel à la "haute bienveillance" du président algérien.

Le journaliste de 36 ans a par ailleurs formé un pourvoi en cassation contre sa condamnation pour obtenir un nouveau procès, ont fait savoir ses avocats dimanche.

Collaborateur des magazines français So Foot et Society, Christophe Gleizes a été arrêté le 28 mai 2024 en Algérie où il s'était rendu pour un reportage sur le club de football le plus titré du pays, la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), basé à Tizi-Ouzou, à 100 kilomètres à l'est d'Alger.

Le 3 décembre 2025, la Cour d'appel de Tizi-Ouzou a confirmé sa condamnation à sept ans de prison pour "apologie du terrorisme". La justice algérienne lui reproche des contacts avec des personnes liées au mouvement séparatiste MAK (Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie), classé terroriste en Algérie.

"La confirmation de la condamnation à sept années de prison ferme a été pour Christophe, comme pour moi et ma famille, un choc immense", indique Mme Godard dans sa lettre au chef de l'État algérien, qu'elle dit écrire "avec gravité et une profonde émotion".

"Cette sentence nous est incompréhensible au regard des faits et du parcours de mon fils", développe-t-elle. "Nulle part dans aucun de ses écrits vous ne trouverez trace d'un quelconque propos hostile à l'Algérie et à son peuple."

Deux jours après la décision en appel, le président français Emmanuel Macron avait jugé "excessif" et "injuste" le jugement prononcé contre Christophe Gleizes, se disant déterminé à trouver "une issue favorable".

"Grave injustice" 

Dans un communiqué publié lundi, l'association Reporters sans frontières (RSF), qui coordonne le comité de soutien de Christophe Gleizes, appuie cette demande de grâce "afin de mettre fin à une grave injustice".

"Nous appelons désormais les autorités algériennes à prendre rapidement la seule décision possible dans ce dossier : libérer Christophe et lui permettre de retrouver les siens le plus rapidement possible", détaille Thibaut Bruttin, directeur général de l'association, cité dans le communiqué.

M. Gleizes est actuellement le seul journaliste français en détention à l'étranger.

Sa condamnation en première instance en juin 2025 avait été prononcée au pic d'une grave crise diplomatique entre la France et l'Algérie, marquée notamment par le retrait des deux ambassadeurs et des expulsions réciproques de diplomates.

Mais les relations bilatérales avaient semblé en voie d'apaisement après l'octroi d'une grâce et la libération par Alger de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le 12 novembre

Selon son avocat français Emmanuel Daoud, Christophe Gleizes a, parallèlement au recours en grâce et au pourvoi en cassation, la possibilité d'adresser une demande de mise en liberté à la Cour Suprême, qui peut s'accompagner "d'une demande d'aménagement de sa peine".

"Il est aussi très important, psychologiquement, pour Christophe, de contester toute culpabilité car, comme il l'a dit à la Cour, il n'a fait que son métier et n'a, en aucune façon, enfreint la déontologie journalistique", assure l'avocat, cité dans le communiqué publié lundi.

 


Budget de l'Etat: au Sénat, la droite tentée par le compromis, mais pas à n'importe quel prix

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
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  • Le gouvernement met la pression sur la droite sénatoriale, devenue incontournable pour l’adoption du budget de l’État 2026
  • Malgré des tentatives de rapprochement en commission mixte paritaire, le risque d’échec demeure élevé ouvrant la voie soit à l’usage du 49.3

PARIS: Appelée par le gouvernement à se montrer constructive, la droite sénatoriale n'entend pas tourner le dos à un compromis sur le budget de l'Etat, mais sa fermeté vis-à-vis des socialistes risque de compliquer l'aboutissement de la discussion budgétaire avant 2026.

"La balle est aujourd'hui dans le camp du Parlement et significativement de la droite sénatoriale", a lancé mercredi la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Une manière de mettre la pression sur la chambre haute et son alliance majoritaire droite-centristes. Elle détient à elle seule une grande partie des clés d'une équation jusqu'ici insoluble sur le projet de loi de finances pour 2026 (PLF).

En effet, si le compromis a été possible sans le Sénat sur le budget de la Sécurité sociale, les délais sur le budget de l'Etat sont tellement contraints que seul un accord entre les deux chambres du Parlement pourrait permettre l'adoption d'un budget avant le 31 décembre.

Le Sénat doit voter lundi sur l'ensemble du projet de budget, largement remanié par rapport à la version gouvernementale. Ensuite, une commission mixte paritaire (CMP), réunion de sept députés et sept sénateurs, sera chargée de trouver un terrain d'entente.

- CMP décisive -

Cette CMP est pour le moment fixée au vendredi 19 décembre, ce qui laisse encore quelques jours aux parlementaires pour négocier le périmètre d'un accord.

Si le gouvernement y croit, l'intransigeance de Bruno Retailleau, patron des Républicains et ténor de la droite sénatoriale, reste totale à ce stade.

"Il ne pourra pas y avoir d'accord sur un budget qui augmenterait considérablement les impôts et ne réduirait pas significativement la dette", a-t-il fermement affirmé au Figaro.

Autre signe d'une droite sénatoriale inflexible: elle a rejeté d'emblée, vendredi, le budget de la Sécurité sociale dans sa version de compromis trouvée à l'Assemblée nationale, laissant le dernier mot aux députés.

Une issue différente sur le budget de l'Etat ? Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, martèle depuis plusieurs semaines sa conviction qu'une "voie de passage existe".

"Nous serons dans l'écoute et dans l'ouverture, mais pas à n'importe quel prix. Personne ne peut se permettre de viser une victoire politique sur ce budget", assure auprès de l'AFP celui qui pilote les débats budgétaires au Sénat.

Ce dernier a commencé, ces derniers jours, à rapprocher les points de vue avec son homologue de l'Assemblée nationale, Philippe Juvin (LR lui aussi). Une autre réunion est prévue dimanche entre ces deux responsables.

"Mon objectif, c'est bien de trouver un atterrissage", confirme Philippe Juvin à l'AFP. "Il me semble que c'est accessible".

Le président du Sénat Gérard Larcher, connu pour ses qualités de conciliateur, est lui aussi dans cette optique.

Mais le patron de la chambre haute, qui a échangé avec Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu jeudi, reste très agacé par le choix du Premier ministre de se tourner vers le Parti socialiste et lui reproche d'avoir "méprisé" le Sénat.

- "Pas prêt à se renier" -

"On est prêt à faire des efforts mais on n'est pas prêt à se renier", glisse un proche du président Larcher, pour qui "trop de concessions ont été faites à la gauche".

"Ce n'est pas à la droite sénatoriale d'aller parler au PS, c'est à Sébastien Lecornu d'aller voir les socialistes pour leur dire que maintenant ça suffit, qu'ils ont tout obtenu dans le budget de la Sécu", explicite Christine Lavarde, sénatrice LR qui devrait siéger en CMP.

Une commission mixte paritaire conclusive ne suffirait pas, néanmoins, car il faudrait ensuite que le texte de compromis soit adopté par l'Assemblée nationale, avec au minimum une abstention de la gauche qui paraît impensable à ce stade.

Et certains cadres du bloc central en appellent au retour du 49.3 pour valider cet hypothétique accord.

"Le 49.3 n'est pas une baguette magique, si le gouvernement l'utilise sans compromis préalable, il s'expose à une censure immédiate", a menacé le premier secrétaire du PS Olivier Faure dans Libération.

Lui, comme beaucoup, anticipe déjà l'alternative: l'adoption d'une loi spéciale avant le 31 décembre, afin de permettre la poursuite des activités de l'Etat, et la reprise des débats début 2026. Avec un nouveau casse-tête budgétaire en perspective...


Paris incite le Liban à adopter des mesures pour éviter l’explosion

Un convoi transportant une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies lors d'une visite de la frontière avec Israël près de la région de Naqura, dans le sud du Liban, le 6 décembre 2025. (AFP)
Un convoi transportant une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies lors d'une visite de la frontière avec Israël près de la région de Naqura, dans le sud du Liban, le 6 décembre 2025. (AFP)
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  • La France intensifie ses efforts diplomatiques pour prévenir une escalade israélienne au Liban en renforçant un mécanisme vérifiable de désarmement au Sud-Litani, avec l’appui de la FINUL et l’implication des partenaires internationaux
  • Paris presse également les autorités libanaises de lever le blocage politique afin de débloquer l’aide internationale, soutenir les Forces armées libanaises et relancer la reconstruction du Sud

PARIS: À peine deux semaines après la visite au Liban d’Anne-Claire Legendre, conseillère Afrique–Moyen-Orient à l’Élysée, l’envoyé spécial du président français, Jean-Yves Le Drian, s’est à son tour rendu à Beyrouth pour mener une série d’entretiens avec les responsables libanais.

La proximité de ces deux déplacements ne relève pas du hasard, mais traduit une inquiétude française croissante face au risque d’une nouvelle escalade israélienne sur le territoire libanais.

Paris observe attentivement la dynamique régionale actuelle et, selon son analyse, si Israël se heurte en Syrie à une vigilance américaine accrue, qui a conduit Washington à intervenir verbalement lorsque certaines frappes menaçaient la stabilité du pays, il n’en va pas de même pour le Liban.

C’est précisément là que réside, aux yeux de la France, le principal danger, dans un contexte régional marqué par le cessez-le-feu à Gaza et les tensions préélectorales en Israël.

Les déclarations israéliennes se sont récemment durcies, tout comme les frappes dans le Sud-Liban, et cette montée de la tension est, selon Paris, directement liée au cessez-le-feu du 9 octobre à Gaza.

Elle s’inscrit aussi dans un contexte politique intérieur israélien où le Premier ministre Benjamin Netanyahou aurait davantage à gagner, en termes de popularité, en poursuivant les hostilités régionales qu’en y mettant un terme.

L’absence de contraintes américaines fortes au Liban ouvre ainsi à Israël une marge de manœuvre plus large et alimente le risque d’un dérapage.

Face à ce risque, la diplomatie française tente d’agir sur un levier central, celui de la mise en œuvre et de la vérification du plan de désarmement élaboré par les Forces armées libanaises (FAL), connu sous le nom de Nation Shield.

Cette initiative prévoit, dans une première phase, un désarmement effectif au sud du Litani avant le 31 décembre, une échéance qui coïncide avec la montée de la pression israélienne.

Jusqu’à présent, le mécanisme franco-américain reposait essentiellement sur des déclarations des FAL, dont aucune n’était rendue publique ni documentée de manière indépendante, mais pour Paris, il devient indispensable de passer d’un système déclaratif à un système vérifiable.

Ce système est capable de convaincre autant Israël que les partenaires internationaux, en particulier les États-Unis et l’Arabie saoudite, acteurs clés du dossier libanais, du bien-fondé des agissements du Liban.

La FINUL dispose, selon Paris, de la capacité d’accompagner systématiquement les opérations des Forces armées libanaises (FAL) sur le terrain. Pour cela, les propositions françaises visent à établir un tableau de bord précis, zone par zone, démontrant que le travail est effectivement accompli au Sud.

Un tel dispositif doit permettre, du point de vue français, d’opposer des faits aux narratifs israéliens affirmant l’absence de progrès.

Le Drian a ainsi finalisé à Beyrouth le cadre d’un mécanisme renforcé. Désormais, les opérations des FAL devront être accompagnées, vérifiées et cartographiées afin de produire une évaluation destinée aux partenaires internationaux.

L’une des priorités de Paris est de convaincre l’Arabie saoudite, qui suit de très près le dossier du désarmement du Hezbollah et souhaite pouvoir constater sur pièces les avancées réelles sur le terrain avant de s’engager davantage, notamment dans la conférence de soutien aux FAL.

Paris estime que cette prudence est légitime et entend démontrer que les progrès réalisés méritent un soutien financier accru. 

Dans ce contexte, les contacts s’intensifient et des échanges étroits ont lieu avec l’émissaire américaine Morgan Ortagus et avec le conseiller du ministre saoudien des Affaires étrangères Yazid Ben Farhane.

Le chef des Forces armées libanaises, Rodolphe Haykal, est attendu à Paris dans les prochains jours. 

Même si aucune réunion trilatérale France–Arabie saoudite–États-Unis n’est officiellement confirmée pour le 18 décembre à Paris, des consultations régulières témoignent d’une coordination active.

Au-delà des questions sécuritaires, la France s’inquiète également du blocage politique interne au Liban, qui paralyse la reconstruction du Sud et la mise en œuvre de plusieurs programmes internationaux.

Le Parlement étant suspendu dans le cadre de la bataille politique autour des échéances électorales, les lois déjà votées ne sont pas adoptées, ce qui empêche l’exécution du programme de la Banque mondiale, essentiel à la reconstruction des zones affectées.

Il en va de même pour le document « GALPO », crucial pour relancer la coopération avec le FMI et convoquer une conférence internationale de reconstruction.

Ce document est en voie de finalisation du côté du gouvernement, mais son adoption dépend du Parlement.

Le Drian a insisté auprès du président et des responsables politiques libanais sur l’urgence de lever ce blocage, estimant qu’il s’agit d’un impératif vital pour l’ensemble des Libanais, et surtout pour ceux du Sud, les premiers touchés par les tensions actuelles.

Reste la question la plus délicate, celle du Hezbollah, d’autant plus que Paris constate que le mouvement chiite n’a pas renoncé à sa posture militaire et continue certains transferts d’armes.

Le Sud-Litani constitue un point de friction, mais le Nord-Litani pourrait, à terme, devenir un enjeu encore plus complexe, et la France considère néanmoins que le premier objectif doit être de prouver les progrès au Sud, base indispensable pour toute discussion ultérieure.

Le renforcement du mécanisme de vérification vise précisément, pour Paris, à établir un tiers de confiance permettant de distinguer déclarations politiques et réalité opérationnelle.

La France se trouve donc engagée dans une course diplomatique et technique pour éviter une explosion au Liban, mais elle estime qu’en renforçant la transparence des actions des forces libanaises, en mobilisant les partenaires régionaux et internationaux, et en poussant Beyrouth à débloquer ses institutions, il est possible de créer les conditions d’un apaisement durable sur la Ligne bleue.