BEYROUTH: Jeudi, des manifestants ont vandalisé les devantures de plusieurs banques et mis le feu à des pneus dans une banlieue située à environ 8 km à l’est de Beyrouth, exaspérés de se voir refuser l’accès à leur argent.
Les attaques ont visé des branches de la Bank Audi, de la Bank of Beirut et de la Byblos Bank à Sin el-Fil, dans le gouvernorat du Mont-Liban. Des soldats et des agents des Forces de sécurité intérieure (FSI) ont été déployés dans plusieurs banques de Beyrouth par crainte d’attaques similaires.
D’autres groupes ont manifesté devant la mosquée Al-Amine, dans le centre-ville de Beyrouth, en brandissant des banderoles condamnant tout empiètement sur leurs fonds et accusant les magistrats de corruption.
Ils ont exigé la restitution de leur argent et ont demandé que le gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, l’Association des banques et tous les autres responsables impliqués dans des affaires de corruption soient amenés à rendre des comptes.
Issam Charafeddine, ministre sortant des Déplacés, qui représente le Parti démocratique libanais dirigé par Talal Arslane, allié du Hezbollah et du régime syrien, s’est joint aux manifestants.
Le Liban toujours sans président
Les manifestations se sont déroulées seulement un jour après que le Parlement libanais a échoué à élire un président pour la douzième fois.
Selon un observateur politique qui a requis l’anonymat, les manifestations qui ont eu lieu dans les rues de cette région à prédominance chrétienne véhiculaient un message politique.
«Les manifestations devant les banques visent à envoyer un message politique afin d’exercer une pression sur l’opposition, qui refuse le candidat du Hezbollah, Sleiman Frangié, à la présidence», a-t-il déclaré.
Des manifestations similaires ont eu lieu après chaque séance de vote, a-t-il rappelé.
«Nous nous sommes abstenus de descendre dans la rue pour éviter d’être accusés d’avoir des motivations politiques», a confié à Arab News Hassan Moghnié, directeur de l’Association des déposants du Liban.
«Je ne sais pas pourquoi ce groupe, qui appartient à un autre rassemblement de déposants, est descendu dans la rue aujourd’hui. Ils n’étaient pas plus de 50 ou 60 personnes, alors que le nombre de déposants au Liban dépasse les 2 millions. On peut donc s’interroger sur le parti qui mobilise la rue à un moment particulier, surtout si l’on considère qu’aucune nouvelle directive n’a été émise par la banque centrale concernant les dépôts gelés et que la situation reste inchangée.»
Le Liban connaît actuellement une polarisation intense, les forces politiques s’alignant sur deux camps semblables aux précédentes alliances du 8 mars et du 14 mars.
Des forces politiques chrétiennes aux intérêts contradictoires se sont réunies pour soutenir un candidat unique, Jihad Azour, en opposition au candidat du duo chiite, à savoir le Hezbollah et le mouvement Amal.
Les différents partis s’affrontent selon la formule de la majorité et de la minorité.
«Ce qui s’est passé pendant la séance de vote a pris une tournure plus dangereuse qu’un réalignement entre les forces du 8 mars et du 14 mars. La situation a pris une dimension sectaire. Ce qu’il faut, c’est un changement de direction et un retour à un dialogue sérieux entre les députés», a expliqué le député Bilal Abdallah à Arab News.
«Le lendemain de la séance de vote, on s’est contenté d’analyser qui avait voté pour qui et qui avait trahi qui. Les résultats du vote contredisent ce que les forces politiques avaient anticipé.»
«Pendant la période à venir, nous ne ferons que passer le temps alors que la vacance présidentielle se poursuit.»
Salaires impayés
Le département d’État américain a exprimé sa déception face à l’échec des députés à élire un président.
«Nous sommes préoccupés par le fait que des membres du Parlement soient sortis de la salle pour empêcher d’autres tours de scrutin, afin de ne pas atteindre le quorum», a-t-il indiqué.
«Nous pensons que les dirigeants et les élites du Liban doivent cesser de faire passer leurs propres intérêts et ambitions avant ceux du peuple de leur pays.»
Bien que les députés doivent se réunir lundi, il ne s’agira pas d'une séance pour élire un président, mais d’une séance législative.
«Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la législation par nécessité. Le Parlement doit adopter une proposition de loi pour ouvrir des crédits dans le budget 2023 afin de payer les salaires des fonctionnaires et de leur verser les aides, car le gouvernement sortant n’est pas en mesure d’approuver cette question», a précisé M. Abdallah.
Le ministère des Finances a anticipé la publication de la loi en annonçant le «versement d’une aide temporaire pour les militaires, équivalente à trois salaires pour le mois de mai, et pour les retraités militaires et civils, équivalente à six salaires pour les mois de mai et juin. L’aide sera transférée aux employés de l’administration publique à partir de vendredi», a-t-il ajouté.
L’incapacité de l’État à payer les salaires a semé la panique parmi les fonctionnaires et les militaires au cours de la semaine écoulée.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com