Un an après leur élection, les députés RN conquérants mais discrets

La dirigeante du Rassemblement national (RN) et députée française d'extrême droite, Marine Le Pen (C), pose pour une photo de famille avec des députés à l'Assemblée nationale française, trois jours après les résultats des élections législatives, à Paris, le 22 juin 2022. (AFP).
La dirigeante du Rassemblement national (RN) et députée française d'extrême droite, Marine Le Pen (C), pose pour une photo de famille avec des députés à l'Assemblée nationale française, trois jours après les résultats des élections législatives, à Paris, le 22 juin 2022. (AFP).
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Publié le Jeudi 15 juin 2023

Un an après leur élection, les députés RN conquérants mais discrets

  • Respectueux de l'institution et tirés à quatre épingles: sur la forme, les nouveaux parlementaires de l'ancien Front national se sont attachés à gommer l'image turbulente et outrancière que traînait le parti d'extrême droite
  • L'apparente pleine forme du Rassemblement national peine toutefois à masquer de persistantes faiblesses structurelles

PARIS: "Dans mes plus grands espoirs, je n'en voyais que la moitié d'élus..." Un an après l'entrée fracassante à l'Assemblée nationale de près de 90 députés Rassemblement national, Marine Le Pen savoure toujours la "divine surprise" qui doit, selon elle, faciliter son arrivée au pouvoir en 2027.

Respectueux de l'institution et tirés à quatre épingles: sur la forme, les nouveaux parlementaires de l'ancien Front national se sont attachés à gommer l'image turbulente et outrancière que traînait le parti d'extrême droite, en poursuivant leur "dédiabolisation", quitte à perdre en visibilité.

Première victoire: l'élection à la vice-présidence de l'Assemblée d'Hélène Laporte et du porte-parole du parti Sébastien Chenu, dont même certains contempteurs du Rassemblement national conviennent qu'il tient bien les séances dans l'hémicycle.

Sur le fond, les troupes frontistes se veulent également "constructives": elles ont voté sans ciller le premier texte de la législature sur le pouvoir d'achat avec la majorité, mais également des motions de censure déposées par la gauche.

Le Palais Bourbon est ainsi considéré comme un cheval de Troie par Marine Le Pen, qui répète que cette vitrine doit montrer "une équipe", voire "un futur gouvernement" pour 2027, "ce qui nous avait manqué les dernières fois aux élections présidentielles", estime-t-elle.

L'euphorie de juin 2022 est d'autant plus entretenue que les études d'opinion sont bonnes... L'accession de Marine Le Pen à l'Elysée est désormais perçue comme "le sens de l'histoire" par ses fidèles.

Cordon sanitaire 

L'apparente pleine forme du Rassemblement national peine toutefois à masquer de persistantes faiblesses structurelles.

Si le groupe de 88 élus s'enorgueillit de voter des textes qu'il juge "utiles" ou "justes", la pareille n'est pas vraie: pas un texte du RN n'a jamais été voté, les autres forces politiques s'attachant à maintenir un cordon sanitaire.

A l'automne, la sortie du député Grégoire de Fournas ("Qu'il retourne en Afrique!") a par ailleurs donné l'occasion à la majorité et à la gauche de nourrir leur réquisitoire contre le parti d'extrême droite, renvoyé à ses casseroles du temps où il était dirigé par Jean-Marie Le Pen.

Et début juin, le RN a été pris au piège d'une commission d'enquête sur les ingérences étrangères, qu'il avait pourtant initiée, avec un rapport au vitriol de la macroniste Constance Le Grip taxant le parti d'extrême droite de "courroie de transmission" du discours du Kremlin.

L'"équipe" RN, qui aspire à diriger le pays, peine en outre à s'étoffer. Si une poignée de députés - Jean-Philippe Tanguy, Thomas Ménagé ou Laure Lavalette  - sont parvenus à décrocher une notoriété, le gros des troupes demeure englué dans un profond anonymat. "Marine Le Pen nous a donné quatre années, pas une seule", tente de nuancer l'un d'entre eux, qui reconnaît la difficulté à faire émerger des personnalités.

« Leur meilleure vie »

C'est également la ligne du RN qui interroge, Marine Le Pen se montrant soucieuse de gommer les aspérités les plus saillantes - tout en restant inflexible sur les marqueurs historiques telles l'immigration ou la "préférence nationale" -, quand le nouveau président du parti, Jordan Bardella, occupe sans complexe le terrain conservateur, voire identitaire.

"Nous sommes un mouvement populiste bonapartiste, nous n'avons rien à voir avec le conservatisme", s'agace un proche de la députée du Pas-de-Calais, en déplorant au passage "l'échec" de M. Bardella à fédérer les extrêmes droites européennes au Parlement de Strasbourg.

Plus en profondeur, certains pointent le risque d'"usure" de la fille de Jean-Marie Le Pen après trois tentatives malheureuses à l'élection présidentielle. "Je n'ai pas trop de difficultés à exister, moi", avait-elle sèchement balayé lors de sa traditionnelle fête du 1er mai, au Havre.

Reste que les quatre années qui la séparent de la prochaine échéance élyséenne pourraient paraître interminables.

"Quand leurs électeurs retrouveront leurs députés qui auront pris 25 kilos, qui vivent leur meilleure vie à Paris, dont le programme est plutôt en train de se décaler plutôt sur le conservatisme de droite que sur la radicalité revendiquée, ça pourra poser un problème...", prédit un ponte macroniste.

Un député RN ne dit finalement pas autre chose: "Si on croit que c'est gagné et qu'on ne bosse pas, alors on aura aucune chance".


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau.