PARIS : Au lendemain des fermes dénégations de Nicolas Sarkozy, le chef du parquet financier a affirmé mardi que le procès dit des «écoutes» n'était «pas une vengeance», juste avant que l'accusation ne commence à présenter ses réquisitions.
Après plusieurs jours de débats tendus dans ce procès pour corruption et trafic d'influence contre l'ancien chef de l'Etat, son avocat et un ancien haut magistrat, le chef du parquet national financier (PNF) Jean-François Bohnert a tenu des propos introductifs aux réquisitions.
«Ce procès comme tout procès n'est pas davantage une vengeance institutionnelle, ni celle de la magistrature, ni celle et encore moins du PNF», a déclaré M. Bohnert. «Personne ici ne cherche à se venger d'un ancien président de la République».
«Comme toute personne dans notre pays, un ancien chef de Etat a des droits qu'il convient de respecter mais il a aussi (...) l'impérieux devoir de respecter lui-même le droit car c'est bien cela l'Etat de droit», a-t-il lancé.
M. Bohnert a justifié sa présence par «l'importance de l'affaire», exprimant son «entier soutien» à ses deux collègues à l'audience, «surtout après les débats agités qu'ils ont eu à affronter».
Les deux procureurs financiers ont ensuite débuté leurs réquisitions.
Les trois prévenus encourent 10 ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende.
Les procureurs financiers vont devoir porter le fer au nom d'un parquet qui, en 2017, avait accusé Nicolas Sarkozy d'avoir usé de méthodes de «délinquant chevronné» - une formule qui «n'est pas passée», a lancé ce dernier lundi.
L'ancien locataire de l'Elysée est soupçonné d'avoir conclu un «pacte de corruption» en 2014, en obtenant des informations protégées par le secret, via son avocat Thierry Herzog, auprès du haut magistrat Gilbert Azibert, sur un pourvoi à la Cour de cassation.
Ce dernier est aussi soupçonné d'avoir tenté d'influer sur la procédure, en échange de la promesse d'un «coup de pouce» pour un poste à Monaco qu'il n'a finalement jamais eu.
«Pacte de corruption»
Au coeur des charges: une série de conversations enregistrées sur la ligne «Paul Bismuth» ouverte par Me Herzog pour échanger avec M. Sarkozy, en toute confidentialité croyaient-ils.
Cette ligne avait été découverte début 2014 par les juges qui instruisaient l'affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
Les deux hommes y discutent notamment du pourvoi en cassation alors engagé par l'ex-président: M. Sarkozy souhaitait voir la haute juridiction judiciaire annuler la saisie de ses agendas présidentiels dans l'affaire Bettencourt.
Dans ces échanges, «Gilbert» apparaît à plusieurs reprises: même s'il ne prenait pas part à cette procédure, il est pourtant cité par Me Herzog qui déclare aussi que le magistrat a eu accès à un avis confidentiel.
«Il a bien bossé hein», lance l'avocat. «Moi, je le fais monter», «je l'aiderai», dit également Nicolas Sarkozy. Puis, alors qu'il se trouve à Monaco, il semble s'engager à faire la «démarche» pour Gilbert Azibert auprès des autorités monégasques avant d'y renoncer.
Ce «pacte de corruption» n'a jamais existé, ont balayé les prévenus au cours du procès.
Ces conversations sont des «bavardages» entre deux «frères», a certifié M. Sarkozy lundi, affirmant que son avocat avait voulu le «rassurer» en rapportant de simples «impressions» sur cette procédure. Et il le clame: jamais il n'a eu «aucune information privilégiée».
«Oui», comme «cent fois dans sa vie», il a envisagé de rendre un «service» à Thierry Herzog qui lui parlait de son «ami» Gilbert Azibert, mais il ne s'agissait pas d'une «contrepartie».
Et au final, a souligné Nicolas Sarkozy, la Cour de cassation ne lui a pas donné gain de cause et Gilbert Azibert n'a pas eu de poste à Monaco.
Selon la loi, il n'est cependant pas nécessaire que la contrepartie ait été obtenue, ni que l'influence soit réelle, pour caractériser une corruption et un trafic d'influence.
Depuis le début du procès, les procureurs Jean-Luc Blachon et Céline Guillet sont restés en retrait, semblant embarrassés par une enquête préliminaire menée parallèlement à ce dossier.
Ouverte début 2014, elle visait à débusquer la «taupe» qui aurait informé M. Sarkozy et Me Herzog que leur ligne «Bismuth» était «branchée», en sus des lignes officielles de l'ex-président. Cette enquête a finalement été classée sans suite fin 2019.
Un enquête «dissimulée», pilonnée par la défense. «Le mensonge, il n'est pas de mon côté, il est du côté de l'accusation», a renchéri Nicolas Sarkozy.