PARIS: L’accueil a été bien chaleureux et l’ambiance des plus courtoises lors de la rencontre entre le président français, Emmanuel Macron, et son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, en visite d’État à Paris.
Seule divergence au niveau de la visite, les droits de l’homme et les libertés publiques au sujet desquels les deux présidents sont restés fermes, chacun restant sur sa position.
À l’issue d’un long entretien, au palais de l’Élysée, les deux présidents ont affirmé, lors d’une conférence de presse conjointe, partager une identité de vue concernant les nombreux sujets régionaux abordés.
«Notre partenariat stratégique avec l’Égypte est aujourd’hui plus que jamais essentiel, aussi bien pour les deux pays que pour la stabilité du Moyen-Orient et de la Méditerranée», a affirmé Emmanuel Macron.
Les deux chefs d’État, qui œuvrent pour une solution durable en Libye, ont constaté selon Emmanuel Macron des évolutions positives, mais qui «restent menacées par des puissances régionales qui ont décidé de faire de la Libye le théâtre de leurs influences plutôt que le lieu de la stabilité du peuple libyen», allusion claire à la Russie et surtout à la Turquie et à son rôle déstabilisateur.
Le président français a affirmé que Paris, tout comme Le Caire, tient au respect du cessez-le-feu, à la poursuite du dialogue politique et à la reprise de la production pétrolière.
Macron a souligné «la nécessité de consolider les acquis et d’éviter la partition du pays» indiquant que, «à ce titre, le rôle de l’Égypte est fondamental» et que les démarches doivent se poursuivre dans le cadre onusien.
En ce qui concerne la situation en Méditerranée orientale, les deux présidents s’accordent pour refuser «de transiger avec la sécurité et la souveraineté des États riverains» a expliqué le président Macron, ajoutant: «Nous sommes dans une logique de coopération avec les États de la région pour préserver la souveraineté territoriale et les intérêts économiques et la bonne coopération sur le plan géopolitique et énergétique.»
Macron et Al-Sissi ont aussi évoqué d’autres sujets tels que l’Iran, le Sahel et le Liban. Sur ce dernier point, ils ont insisté sur l’urgence de la constitution d’un gouvernement.
Le président français a indiqué que, avec son homologue égyptien, ils veulent «un Liban plus fort et un État libanais plus fort au soutien de la population libanaise, et non pas otage d’une politique de terreur quelle qu’elle soit».
Les deux présidents ont par ailleurs affiché une satisfaction totale concernant la coopération technique militaire et universitaire qualifiée d’exemplaire.
De son côté, le président égyptien a plaidé pour l’accroissement des investissements français en Égypte et pour un renforcement des échanges commerciaux entre les deux pays.
Emmanuel Macron a par ailleurs abordé le sujet de la lutte contre le terrorisme, se félicitant de la coopération avec l’Égypte sur ce dossier.
Il a aussi indiqué qu’il a soulevé «en toute amitié et avec franchise, la question des droits de l’homme», affirmant que l’Égypte, tout comme la France, est confrontée à la menace terroriste, mais qu’«une société civile dynamique, active et inclusive reste le meilleur rempart contre l’extrémisme».
Macron a poursuivi: «Je reste l’avocat constant d’une ouverture démocratique sociale et de la reconnaissance d’une société civile dynamique», saluant au passage la libération par l’Égypte de 3 membres de l’ONG Initiative égyptienne pour les droits personnels.
Il faut dire que le président français essuie depuis l’annonce de la visite de violentes critiques de la part des médias et ONG françaises qui l’accusent de «dérouler le tapis rouge à un dictateur».
En effet, depuis la destitution du président Mohamed Morsi, en 2013, l’opposition fait l’objet d’une répression croissante, menant à l’arrestation de 60 000 activistes.
Pour sa part, Abdel Fattah al-Sissi a appelé à faire une distinction entre l’islam et l’islamisme, qui ne doivent être nullement confondus, soulignant que son pays est parmi les plus touchés par le terrorisme islamiste.
Pour ce qui concerne les droits de l’homme, le président égyptien a déclaré la nécessité «de maintenir un équilibre entre les libertés et le maintien de la stabilité». Il a souligné son attachement à l’application des droits de l’homme sans distinction aucune.
Au détour d’une question, le sujet des caricatures s’est imposé, et Emmanuel Macron a répété qu’en France la presse est libre, que «ce n’est pas l’État qui dit à la presse ce qu’il faut ou ne pas faire depuis que la République est République» et que cela fait partie des droits de l’homme.
«Il ne s’agit pas d’un message de la France à l’égard de votre religion, c’est l’expression libre de quelqu’un qui en effet provoque, blasphème, et il en a le droit dans notre pays, parce que ce n’est pas la loi de l’islam qui s’applique, mais la loi d’un peuple souverain» et «je ne vais pas la changer pour vous».
Il a par ailleurs fermement fustigé le recours à la violence pour riposter à quelque chose qui choque, qualifiant un tel recours «d’inacceptable».
Le président égyptien a tenu de son côté à intervenir, rappelant la fermeté et la condamnation par l’Égypte des attentats terroristes, mais il a précisé qu’il est très important quand on s’exprime de «privilégier les valeurs religieuses et leur suprématie aux valeurs humaines, élaborées par l’homme lui-même».
Et le président français de renchérir: «Nous, nous considérons que la valeur de l’homme est supérieure à tout. C’est l’apport de la philosophie des Lumières et de l’universalisme des droits de l’homme qui fondent d’ailleurs la Charte des Nations unies. Il n’y a rien qui peut être au-dessus de l’homme et du respect de la dignité de la personne humaine.»
Le président égyptien est arrivé à l’Élysée escorté par la Garde républicaine française à la suite d’une cérémonie d’accueil officiel aux Invalides.
Il a par la suite poursuivi son programme par des rencontres séparées avec le Premier ministre, Jean Castex; le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand; et la maire de Paris, Anne Hidalgo.
En fin de journée, avant un dîner en petit comité, il est revenu au palais présidentiel pour une deuxième rencontre avec Emmanuel Macron.