PARIS: Les compagnies aériennes mondiales, réunies en fin de semaine à Istanbul, retrouvent leur activité d'avant la pandémie, mais doivent affronter la hausse des coûts, les tensions géopolitiques et le chantier colossal de leur décarbonation face à la crise climatique.
Quelque 300 transporteurs aériens du monde entier sont conviés de dimanche à mardi sur les rives du Bosphore pour l'assemblée générale annuelle de l'Association internationale du transport aérien (Iata), secteur désormais plutôt optimiste après avoir subi le cataclysme de la Covid-19 qui avait réduit sa clientèle de deux tiers en 2020.
Les 4,5 milliards de passagers de 2019 sont en ligne de mire, et en termes de passagers-kilomètres payants (RPK), l'un des indices de référence du secteur, les compagnies ont dépassé pour la première fois en avril leurs niveaux d'il y a quatre ans sur les liaisons intérieures. En incluant les trajets internationaux, les transporteurs ont retrouvé en moyenne plus de 90% de leur activité d'avant-crise.
Ces ratios ont été obtenus malgré des prix de billets très élevés: en France, en avril, ils ont bondi d'un tiers par rapport au même mois quatre ans plus tôt, selon la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).
Cela n'empêche pas les compagnies de faire le plein de réservations en vue de la cruciale saison touristique estivale dans l'hémisphère Nord, des analystes du secteur constatant jusqu'ici une "sanctuarisation" de ces budgets par les ménages.
A la mi-avril, les ventes de billets sur les marchés intérieurs étaient supérieures de 20% à celles de la même date quatre ans plus tôt, selon l'Iata, qui a attribué ce dynamisme à la fin de la politique "zéro Covid" en Chine.
Certaines compagnies ont fait faillite pendant la crise mais d'autres, soutenues par les Etats et restructurées, en sont sorties plus rentables. En Europe, la plupart des grands transporteurs sont revenus dans le vert en 2022, ce qui leur a permis de commencer à réduire leurs dettes voire d'envisager des opérations de rapprochement avec des concurrents plus faibles.
Distorsions de concurrence
Mais les réserves de croissance du trafic aérien sont situées en Orient. Inauguré avant la crise, le nouvel aéroport géant d'Istanbul se retrouve en concurrence sur les routes asiatiques avec les grands "hubs" européens comme Londres-Heathrow, Francfort et Paris-Charles-de-Gaulle, mais aussi ceux du Golfe.
Les transporteurs de ces pays, qui au contraire des capitales européennes, n'ont pas rompu avec Moscou après l'invasion de l'Ukraine en 2022, peuvent encore non seulement desservir la Russie, mais surtout la survoler, gain de temps et d'argent à la clé. Une distorsion de concurrence qui crée également des tensions pour les liaisons franco-chinoises.
Le transport aérien doit aussi répondre à une crise climatique existentielle. L'élitisme perçu du secteur pèse davantage dans l'opinion publique -en particulier en Europe- que sa contribution actuelle de quelque 3% aux émissions mondiales de CO2, un chiffre du reste voué à s'aggraver si rien n'est fait.
Engagés, à l'unisson des Etats, à "zéro émission nette" d'ici à 2050 - un chantier à quelque 1 550 milliards de dollars selon l'Iata -, les transporteurs comptent majoritairement sur les carburants d'origine non fossile pour y parvenir.
Des filières se mettent peu à peu en place, stimulées par des politiques publiques notamment aux Etats-Unis et en Europe, dans l'espoir de faire baisser le prix encore élevé de ces produits.
La hausse des coûts, au-delà des carburants, est sous-tendue par des pénuries rampantes après la crise, qu'il s'agisse de pilotes aux Etats-Unis ou de matières premières dans le monde entier.
Lestés par les difficultés de leurs sous-traitants, Airbus et Boeing peinent à augmenter leur production malgré des carnets de commandes remplis jusqu'à la fin de la décennie pour certains modèles.
Un défi qui risque de devenir encore plus aigu dans les prochaines semaines puisque la réunion d'Istanbul inaugurera un mois de juin chargé pour le transport aérien, 15 jours avant le salon aéronautique du Bourget. Les analystes y prévoient de nouvelles commandes géantes, après les 470 appareils d'Air India en février et les 300 de Ryanair début mai.