PARIS: Une "courroie de transmission" de la Russie: le Front national devenu Rassemblement national a de nouveau été pointé du doigt jeudi pour ses liens avec le Kremlin, dans un rapport parlementaire que Marine Le Pen taxe de "malhonnête" et "politisé".
Des extraits de ce rapport de la commission d'enquête sur les ingérences étrangères, rédigé par la députée Renaissance Constance Le Grip, ont fuité sur RMC et Mediapart.
La députée macroniste y insiste sur "l'alignement" du FN sur le "discours russe" au moment de "l'annexion illégale" de la Crimée en 2014, année pendant laquelle le parti contractait un prêt auprès d'une banque tchéco-russe.
Le RN avait lui-même lancé cette commission d'enquête parlementaire, précisément pour tenter de couper court aux accusations régulières de proximité avec la Russie.
Le parti "voulait instrumentaliser cette commission d'enquête. C'est un fiasco pour eux et ça leur revient dans les dents", a réagi l'écologiste Julien Bayou.
Les élus lepénistes, dont le président de la commission Jean-Philippe Tanguy, ont voté contre le rapport, adopté au final par 11 voix contre 5, selon une source parlementaire.
La France insoumise s'est abstenue. Cela montre "a minima une désinvolture coupable" du RN à l'égard de la Russie, mais il n'est pas "exhaustif" sur l'influence d'autres Etats en France, estime le député Aurélien Saintoul (LFI).
Dans la version du rapport présentée aux députés jeudi - il ne doit être officiellement publié que la semaine prochaine -, Constance Le Grip estime que le lien entre la Russie et le Front national est "ancré dans la durée", mais que la "stratégie de rapprochement politique et idéologique" avec Moscou tend à se "structurer et s'accélérer" à partir de l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti en 2011.
Elle relate les "contacts fréquents" entre des élus FN/RN avec des responsables russes, ainsi que l'accueil de Marine Le Pen par Vladimir Poutine le 24 mars 2017 au Kremlin, quelques semaines avant le premier tour de la présidentielle de 2017.
«Eléments de langage»
"Tous ses propos sur la Crimée, réitérés lors de son audition par la commission d'enquête, reprennent mot pour mot les éléments de langage officiels du régime de Poutine", dénonce Constance Le Grip.
Elle estime toutefois qu'il y a eu une "atténuation des prises de position pro-russes du Rassemblement national et de Mme Le Pen", après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, "condamnée sans ambages".
Lors d'une conférence de presse dans le Pas-de-Calais, Marine Le Pen a balayé les conclusions de Constance Le Grip, dénonçant "un procès politique". "Il n'y a rien, en fait", a-t-elle poursuivi, estimant que le rapport était "à l'image de la rapporteure, c'est-à-dire sectaire, malhonnête et tout à fait politisé".
Le président de la commission Jean-Philippe Tanguy a dénoncé une "mascarade". "Il n'y a aucun élément à charge".
Marine Le Pen avait été auditionnée le 24 mai devant cette commission. Sous serment, elle avait récusé toute contrepartie politique en échange du prêt russe contracté par l'ex-Front national.
"Je conteste formellement avoir pris quelque décision que ce soit pour faire plaisir à quiconque", avait-elle expliqué, faisant valoir que "l'arrivée ou non d'un prêt n'a pas changé d'un iota les opinions qui étaient les nôtres depuis toujours".
Sur le fond, "je considérais que librement, les habitants de Crimée s'étaient exprimés par le vote pour être rattachés à la Russie", avait lâché la présidente des députés RN.
Jeudi, elle a estimé que ses adversaires politiques "reprochent (au RN) de penser différemment" d'eux. Elle affirme que "le rapport parle à peine du prêt sur lequel toute la campagne de diffamation et de calomnie a pourtant été construite, parce que l'ensemble des autorités qui ont été interrogées ont indiqué qu'il n'y avait rien".
Durant six mois, la commission a auditionné une série de personnalités, tâtonnant souvent à établir des nuances entre "ingérences" et "influences" étrangères. L'ancien Premier ministre François Fillon a été entendu sur sa présence au sein de conseils d'administration de multinationales russes, qu'il a quittés après l'invasion de l'Ukraine.
L'ancien journaliste de BFMTV Rachid M'Barki, licencié pour faute grave, est lui venu s'expliquer sur les soupçons d'ingérences étrangères dans son travail sur la chaîne, ce qu'il conteste. Une enquête a été ouverte par la justice.