LONDRES : Triste de voir que les jeunes britanniques ne connaissent pas grand chose de l'histoire de la musique noire du Royaume-Uni, Leee John, gloire du funk des années 1980, s'est donné pour mission de faire connaître ces artistes à l'influence parfois méconnue.
Leee John a connu un succès retentissant avec le groupe Imagination dont le titre «Just an Illusion» s'est vendu à plus de 30 millions d'exemplaires dans le monde. Il travaille depuis dix ans à un documentaire pour montrer la richesse de la musique noire britannique, souvent sous-estimée derrière l'écrasant modèle américain.
«Le problème de la musique noire c'est que de nombreux jeunes ne savent même pas qui, comment, quoi et d'où les choses viennent», explique-t-il. «Ils ont l'impression que tout a commencé dans les années 1990 !»
En dix ans, il a déjà rassemblé 400 heures d'images remontant à travers les décennies à la deuxième moitié du XXe siècle. Intitulé «Flashback» (comme une autre chanson phare d'Imagination), ce documentaire encore au stade de projet, sans date ou support de diffusion à ce stade, est la «passion» de sa vie, assure-t-il.
Il a notamment mené plus de 100 entretiens avec de nombreux artistes qui ont façonné la musique noire au Royaume-Uni, comme la chanteuse de R&B et soul Jaki Graham, le compositeur et chanteur Labi Siffre, dont plusieurs titres ont été «samplés» par des rappeurs tels Jay-Z, Eminem ou Kanye West, ou encore la chanteuse Maizie Williams du groupe Boney M.
- «Propre voix « -
Leee John et Imagination ont eux-mêmes participé dans les années 1980 à l'émergence d'une nouvelle vague de musiciens noirs britanniques.
Le chanteur, né à Londres dans une famille originaire de l'île caribéenne de Sainte-Lucie et qui a grandi à New York dans les années 1960 et 1970 avant de revenir au Royaume-Uni, se souvient de sa surprise lorsqu'il a assisté à cette effervescence musicale, à l'image de ce qui se passait aux Etats-Unis.
«Je me suis dit +Wouah, c'est très intéressant, on peut donc aussi réussir ici+», se remémore-t-il, estimant que cette époque «a vraiment changé la trajectoire de la musique noire britannique au niveau mondial».
«Je sentais qu'il y avait une sorte de spontanéité dans ce que nous faisions tous, mais ce que nous n'avions pas c'était un soutien dans la distribution et le marketing», ajoute-t-il.
Mais avec les succès croissants d'artistes comme Sade, le chanteur de reggae Maxi Priest ou le groupe pop-funk The Cool Notes, les maisons de disques réalisent l'intérêt que suscitent ces chanteurs à l'étranger et commencent à investir sur eux.
«Nous avons montré que nous pouvions faire notre propre musique. Nous avons imité les Américains mais j'ai senti que nous avions trouvé notre propre voix», estime Leee John.
Alors que plusieurs des artistes qu'il a interviewés pour son projet de documentaire sont depuis décédés, il se dit heureux de pouvoir contribuer à transmettre leur héritage.
«La moitié des artistes actuels ne feraient pas ce qu'ils font aujourd'hui sans ces autres artistes» du passé et «c'est pour cela que (les jeunes) doivent en apprendre davantage sur (...) l'histoire de la musique noire britannique», défend-il.
Leee John souhaiterait aussi «apporter un message positif» aux jeunes noirs d'aujourd'hui, confrontés aux gros titres négatifs de certains médias sur les gangs, les crimes au couteau, ou même la situation sociale du pays.